Dans une Chine en pleine expansion économique, sociale, culturelle, est-il imaginable que la situation des catholiques demeure inchangée, précaire, soumise à tous les aléas d’un pouvoir qui n’a pas renoncé à contrôler les consciences et à tenir en mains l’organisation hiérarchique propre à l’Eglise ? C’est malheureusement toujours une réalité en dépit des contradictions infinies de la situation. Le parti communiste n’a rien abandonné de son emprise sur ce colossal Empire du Milieu, à des fins économiques qui sont en opposition radicale avec ce qu’elles étaient sous Mao-Tse-Toung. Cette emprise s’avère pourtant toujours redoutable, ne serait-ce que dans la répression des milliers de révoltes suscitées par une transformation faite au prix de terribles violences et injustices. La répression s’exerce aussi sur la partie de l’Eglise explicitement fidèle au Saint-Siège. Des évêques, des prêtres et des fidèles se retrouvent dans les prisons chinoises, pour le seul motif de leur indocilité spirituelle au régime. Simultanément, des signes de détente apparaissent : la pression se fait globalement moins forte et les autorités donnent le sentiment de n’être pas indifférentes à un règlement avec le Saint-Siège qui irait dans le sens d’une “normalisation” de ses relations internationales. L’espoir mis dans les jeux olympiques, qui auront lieu dans un an, s’accommoderait fort bien du déplacement de la nonciature apostolique de Taïpeh à la capitale qui concentre sur elle les regards du monde entier.
Dans ces circonstances, la lettre que Benoît XVI vient d’adresser aux catholiques chinois prend tout son relief car, ferme sur le fond, elle prend en considération la complexité des données actuelles en offrant une ouverture qui permettrait à tous de se retrouver dans la même “communion”. Communion est d’ailleurs le mot clé de ce document qui, dit-on avec raison, revêt la force d’une encyclique. Il se trouve qu’elle est comme préparée par un vœu unanime des catholiques chinois et même des évêques consacrés sans l’accord de Rome. La grande majorité d’entre eux n’a de cesse d’obtenir la reconnaissance du Pape. L’existence d’une Eglise patriotique est purement administrative, elle n’est acceptée par ceux qui en font partie qu’en raison des circonstances malheureuses de l’histoire. En toutes occasions, ils affirment leur volonté d’union avec le siège de Rome.
En s’adressant à tous, quels que soient leurs statuts, le Pape montre sa sollicitude à l’ensemble des catholiques du pays. Il affirme la possibilité d’une solution par le haut qui corresponde aux aspirations communes. Sans doute, y a-t-il encore des obstacles et il faudra du temps pour panser les blessures des persécutions. Mais c’est d’abord le gouvernement chinois qui détient les clefs d’un règlement qui permettrait une évolution harmonieuse vers l’unité. Saura-t-il franchir l’obstacle que constitue encore l’acceptation de l’autonomie du spirituel par rapport à un temporel qui répugne à se dessaisir de sa coercition idéologique ? Ce serait un coup d’audace significatif, dont le symbolisme peut encore effrayer les hommes d’un appareil qui renoncera difficilement à la modalité la plus déterminante du totalitarisme.
Gérard LECLERC