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Benoit XVI en République tchèque, c’est aussi pour nous autres téléspectateurs (je pense évidemment d’abord à ceux de KTO) la chance de voir le Pape dans le prodigieux cadre historique de Prague, une des plus belles de nos capitales européennes. Comment bouderions-nous notre plaisir alors que les hôtes du Saint-Père sont manifestement heureux de l’accueillir dans la splendeur de cette ville, singulièrement les hauteurs au-dessus de la Moldaw, célébrées par Smetana, avec cet extraordinaire château et la cathédrale Saint-Guy?
L’histoire, l’art et la culture en général ne sont pas indifférents à l’accueil du successeur de Pierre, d’autant qu’ils sont intimement associés à la présence du christianisme en Bohême-Moravie. Et même lorsqu’ils ne se réclament pas spécifiquement de notre foi, il est impossible d’être indifférent au souvenir d’un Franz Kafka dont l’ombre plane sur la ville. Comment oublier que l’immense Rilke est né également ici et que l’œuvre si actuelle de Milan Kundera est directement associée au passé communiste de Prague, à son printemps de 1968 ainsi qu’aux interrogations les plus pressantes de notre post-modernité ?
Dans son dernier livre dont j’ai déjà parlé ici, « Le cœur intelligent », Alain Finkielkraut insiste à juste titre sur l’importance de Kundera, qui fait le pont entre Prague et Paris, lui qui a adopté notre pays depuis plusieurs décennies. Son génie propre, c’est précisément de nous rendre intelligents à nous-mêmes pour échapper à la superficialité contemporaine. Ce qui nous empêche de croire, par exemple que l’homme passe infiniment l’homme, qu’il puisse avoir une vocation spirituelle, qu’il ne se réduise pas à ses fonctions organiques. Je cite là Alain Finkielkraut.
A ce propos, je ne puis oublier le voyage de Jean-Paul II au lendemain de la révolution de velours. J’y étais avec un certain nombre de Parisiens. Le président Vaclav Havel, qui représentait lui aussi la protestation du cœur et de l’esprit contre le totalitarisme, avait explicitement voulu associer le pape Jean-Paul II à l’avènement de la liberté en son pays pour que ne manque pas la dimension spirituelle qui fasse que le passage à une nouvelle ère ne soit pas seulement celui de l’accession au monde de la consommation.
On a beaucoup insisté sur le fait que le matérialisme athée a laissé une trace profonde sur la population tchèque empêchant aujourd’hui l’essor de la Foi, par une mentalité étrangère au message chrétien. Il est manifeste que devant une telle réalité, Benoît XVI n’a pas voulu réagir par la seule dénonciation des maux contemporains. Au contraire a-t-il centré ses interventions sur le dynamisme de l’esprit, le goût de la vérité, la chance aussi de ressaisir dans la tradition culturelle du pays tout ce qui favoriserait l’intelligence profonde de la condition humaine. Il me semble que notamment devant les représentants de l’université pragoise réunis au château, une véritable connivence s’est manifestée montrant que l’Eglise ne parlait pas dans le vide en dépit des évidentes difficultés de l’évangélisation. Même s’il y a une véritable épreuve de la Foi dans ce pays qui a accédé, plus encore que les autres nations libérées du joug totalitaire, à l’essor économique, il y a aussi pour l’Eglise une chance providentielle d’actualiser, concrétiser, ouvrir son grand héritage pour l’avenir, selon les propos du Pape. Benoît XVI a proclamé à Prague que la liberté trouve son sens le plus profond dans une patrie spirituelle, s’adressant ainsi à l’ensemble des Européens pour les inviter à interroger l’héritage le plus essentiel de leur maison commune.
Chronique à Radio Notre-Dame le 28 septembre.
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