Benoît Daswa, Benoît XVI et le futur de l’Afrique - France Catholique
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La justice de Dieu
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Benoît Daswa, Benoît XVI et le futur de l’Afrique

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Le voyage du Pape Benoît XVI au Bénin nous laisse avec bien des choses à méditer – heureusement sans les habituels commentaires au ras des pâquerettes à propos des préservatifs. L’affection du Pape pour l’Afrique est visible ; il est prompt à louer la « fraîcheur » de l’Afrique, son ouverture à Dieu, à la vie et à la famille. Il a lancé un avertissement vis-à-vis des « déchets toxiques spirituels » exportés par l’Occident ; c’est – a-t-il déclaré – l’indication qu’une forme de colonialisme persiste encore aujourd’hui, une remarque qui devrait intéresser les critiques. Mais son affection et son respect pour la vie africaine est suffisamment profond pour appeler clairement à la purification des religions africaines – l’ « éradication positive » des mauvaises pratiques comme la sorcellerie.

Ce n’est tout simplement pas quelque chose à dire, à notre époque de multiculturalisme superficiel. Le silence, néanmoins, équivaut à accepter le fait que chaque année des dizaines de milliers de personnes innocentes et vulnérables – enfants, albinos, personnes âgées – sont accusés d’être des sorciers et sont chassés de leurs villages et tués sauvagement.

Il a formulé son appel à « l’éradication définitive » de ce fléau régional de telle façon qu’il a une portée universelle : « les cœurs des baptisés en Afrique « sont déchirés entre le Christianisme et les religions traditionnelles africaines » – et de ce fait tombent parfois dans des « pratiques qui sont incompatibles avec la voie du Christ. » Ne marchons-nous pas, au mieux, avec des cœurs divisés dans notre propre terre sécularisée, matérialiste et stérile, si remplie de pratiques incompatibles avec le Christianisme ?

J’étais moi-même récemment dans le Nord de l’Afrique du Sud (le diocèse de Tzaneen), près de la frontière du Zimbabwe et du Mozambique. Là-bas, j’ai entendu parler de la vie d’un homme remarquable, le serviteur de Dieu Benoît Daswa, dont l’opposition à de telles pratiques a fini par lui coûter la vie.

Né en 1946, baptisé en 1963 et marié en 1980, il a mené une vie active et bien remplie jusqu’à ce qu’elle s’achève brutalement en 1990, alors qu’il avait tout juste 43 ans. Il était professeur et proviseur de l’école primaire locale. Lui et son épouse avaient 8 enfants. Leur famille priait chaque jour. Il donnait généreusement de son abondance toute relative et trouvait le temps, malgré ses responsabilités professionnelles et familiales, d’encourager la jeunesse locale dans la foi et de s’occuper des pauvres et des malades.

Comme on pouvait s’y attendre, sa foi entra en contradiction avec certains aspects de la culture locale, qu’il n’eût pas peur de défier. Il prit ainsi l’habitude révolutionnaire d’aider son épouse dans les tâches quotidiennes qui sont traditionnellement réservées aux femmes (comme cuisiner, faire la vaisselle et s’occuper des enfants), en particulier quand elle était malade. Ses amis ne l’acceptèrent pas. Ils étaient fermement convaincus, comme un dicton local l’affirme, qu’un homme qui fait quelque part que ce soit du travail d’une femme est sur la pente glissante qui l’amènera à faire tout ce qu’elle veut.

Beaucoup de gens dans cette région baignent dès leur jeune âge dans des formes de sorcellerie appelées aussi « muti » — des médecines traditionnelles administrées pour obtenir le succès dans son entreprise ou se protéger contre la sorcellerie d’un ennemi, etc. Le sujet est rarement abordé, car beaucoup en ont peur. Et Benoît Daswa a fini par payer le prix fort pour s’y être constamment opposé.

Un jour, la foudre tomba sur quelques huttes de la région. Les voisins éprouvèrent le besoin de consulter un devin ou un sorcier pour déterminer qui en était responsable – qui était « le propriétaire de cette foudre ». Ils passèrent un chapeau aux alentours dans ce but ; Benoît refusa de participer.

Il ne chercha pas à s’extraire du conflit par nos habituelles méthodes de rationalisation – par exemple en disant que la pratique conduit vers « un bien plus grand », ou que c’est à chaque personne de se prononcer en son âme et conscience, ou encore qu’il y était « personnellement opposé » mais qu’il n’avait pas à porter de jugement sur un sujet qui menaçait des vies innocentes. Pas plus ne percevait-il l’enseignement de l’Eglise comme discriminatoire, comme intrinsèquement anti-africain.

Ses ennemis conçurent un plan simple : ils barrèrent la piste menant chez lui avec des troncs d’arbre et l’attendirent, armés de pierres, dissimulés de chaque côté de la route. Quand il sortit de son véhicule pour déplacer les troncs d’arbre, ils l’attaquèrent par surprise. Blessé, il prit la fuite et réussi à se cacher dans la maison d’une femme, à proximité. Les membres du gang entrèrent et menacèrent de la tuer si elle ne révélait pas où il se cachait, alors il se montra.

Il les supplia, leur demandant pourquoi ils voulaient le tuer. Ils lui répondirent simplement qu’il fallait qu’il disparaisse car il ne cessait de s’opposer à ce qu’ils voulaient faire à cause de sa foi. Il prononça une dernière prière – « Dieu, entre tes mains, reçois mon esprit » – avant qu’ils l’achèvent en lui défonçant le crâne et en versant ensuite de l’eau bouillante sur sa tête.

A sa messe d’enterrement la semaine suivante, les prêtres portaient le rouge – indiquant clairement qu’ils le considéraient comme martyr. Suite à la fin en 2009 de l’enquête pour son procès en canonisation (voir cette brève vidéo en Anglais), il pourrait bien devenir le premier saint officiel d’Afrique du Sud.

L’élan de « solidarité » envers les pays pauvres, les nations en voie de développement, est louable, mais souvent vague du point de vue des modalités pratiques. De temps en temps, on confond la solidarité et l’acceptation inconditionnelle de tout ce qui est « autre » – y compris les coutumes destructrices de l’autre. En général, nous croyons ainsi répandre ce nous imaginons être notre propre générosité.

A l’opposé, nous voyons en Benoît XVI et Benoît Daswa — des hommes pourtant de cultures très différentes — de bien meilleurs modèles de solidarité, car ils sont unis par la vérité, contre tout ce qui est incompatible avec la marche à la suite du Christ. Rien d’autre ne peut nous unir ainsi.
Si nous nous demandons parfois ce que nous pouvons faire pour l’Afrique ou pour notre monde si plein de problèmes complexes, nous devrions écouter la mère de Benoît Daswa, qui trouva ces simples mots pour apaiser la douleur de la mort de son fils : « Il est mort pour la vérité. »

Nous pouvons au moins vivre pour elle.

Photo : le serviteur de Dieu Benoît Daswa

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/benedict-daswa-benedict-xvi-and-the-african-future.html