A priori, François-Xavier Bellamy et Michel Onfray sont sur des positions philosophiques diamétralement opposées. Le premier est un chrétien affirmé, le second continue de proclamer son athéisme. Je n’ai pu faire encore que quelques incursions dans son nouveau livre, monumental, Cosmos (Flammarion), mais j’y ai retrouvé les thèses de son Traité d’athéologie qui date de 2009. Il développe notamment sa thèse sur un christianisme qui ne serait qu’un assemblage de tous les plus vieux mythes de l’humanité. Thèse qui postule l’inexistence historique du Christ. J’ai déjà souligné le paradoxe qu’il y avait, de sa part, à se réclamer de son maître Lucien Jerphagnon, qui montrait au contraire l’originalité étonnante de Jésus. Ce qui m’étonne surtout, c’est ce combat de titan que Michel Onfray a engagé contre le christianisme et qui témoigne d’une étrange obsession.
Mais j’en reviens à son face à face avec François-Xavier Bellamy, organisé par Vincent Tremolet de Villers et Alexandre Devecchio dans Le Figaro d’hier. Malgré leurs différences, les deux philosophes sont étonnamment proches à propos de la régression culturelle qui est la nôtre et se traduit par la crise de notre système scolaire. « Je partage avec vous, dit François-Xavier Bellamy, l’impression de voir une civilisation s’effondrer, et le sentiment que personne n’en a encore pris la mesure. » L’un et l’autre mettent aussi en cause ce qu’Orwell aurait appelé « la police de la pensée », sous l’effet d’une idéologie dominante. Onfray, qui se réclame toujours de la gauche, s’insurge contre une gauche officielle adhérente au libéralisme le plus cynique, celui qui, par exemple, marchandise les corps.
Pourtant la différence entre les deux hommes se redessine au terme de leur conversation. À la question « Que dire à un jeune de vingt ans ? », Michel Onfray répond lapidairement : « Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout. » François-Xavier Bellamy lui rétorque que « L’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas… » Cette différence, n’est-ce pas le christianisme qui l’explique, avec la Pâque qui a fendu définitivement le temps cyclique ? Celui des mythes, par la dynamique de l’espérance ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 mars 2015.
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