Bataille médiatique du 17 octobre - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Bataille médiatique du 17 octobre

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Ayant consulté depuis 30 ans des centaines d’archives, soumises à dérogation, sur la guerre d’Algérie, je n’ai pas grande estime pour les « historiens » qui font la une des émissions de télévision ces derniers jours : Einaudi, Manceron, Macmaster et Melnik.

La recherche historique exige une rigueur dont aucun ne fait preuve.

Je n’ai pas fait de recherches personnelles sur le 17 octobre, mais j’ai analysé les ouvrages qui en font état.

Voici le résumé de cette analyse, que j’ai adressée à des amis historiens qui me font confiance.

J’ajoute que la repentance revendiquée par certains n’est pas une affaire d’historiens, mais concerne les politiques.

L’historien peut cependant rappeler que la reconnaissance des faits ne peut être que bi-latérale.

Ainsi, le massacre du 17 octobre doit-il être mis en parallèle avec ceux de Melouza, Ioun Dagen, Alger (1957-1960) et Oran (5 juillet 1962).

M.F.

La bataille de Paris du 17 octobre 1961

Sous le titre : le massacre du 17 octobre 1961, un article de l’encyclopédie en ligne Wikipedia faisait en octobre 2007 le point de cette bataille qui a opposé 25 000 manifestants « algériens », fermement encadrés par le FLN, à 1 658 policiers et gendarmes engagés par le préfet Maurice Papon. Cet article notait que 32 à 325 manifestants ont été tués, des dizaines jetés à la Seine, en particulier au pont St-Michel, 11 700 interpellés et tabassés, dont un certain nombre dans la cour de la Préfecture de Police.

L’auteur se référait essentiellement aux ouvrages de Jean-Luc Einaudi (La bataille de Paris, le Seuil, 1999), de Jean-Paul Brunet (Police contre FLN, Flammarion, 1999), de Raymond Muelle (7 ans de guerre en France, Grancher, 2001) et à l’article de Paul Thibaud dans l’Express d’octobre 2001. Cinq autres auteurs étaient cités (Sylvie Thénault, Jim House et Neil Macmaster, Linda Amiri et Benjamin Stora) et 6 réalisateurs de films. D’emblée, on notera que le chiffre de 32 tués est celui de Brunet, et 325 celui d’Einaudi.

En 2007, Wikipedia ignorait des sources importantes qu’il a découvertes depuis :

– un 2° livre de JL Einaudi : Octobre 1961, un massacre à Paris, Fayard, 2001,

– un 2° livre de JP Brunet : Charonne, lumières sur une tragédie, Flammarion, 2003,

– un article du colonel Raymond Montaner : la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961, dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains de 2002,

– le livre de Rémy Valat : Les calots bleus et la bataille de Paris, Michalon 2007.

Restent ignorés cependant les articles de Catherine Segurane : le 17 octobre 1961, Essai de dénombrement des morts, et La propagande à l’œuvre, dans Agoravox d’octobre 2010.

Professeur émérite d’Histoire à Normale Sup, J.-P. Brunet est connu comme un auteur rigoureux. Il est le seul à avoir eu accès à toutes les archives, en particulier de la PJ, des hôpitaux et de l’Institut médico-légal (IML), ce qui n’est pas le cas d’Einaudi, ni de Paul Thibaud, ni de Sylvie Thénault. Pris à parti de façon polémique par JL Einaudi, JP Brunet a consacré deux chapitres de son 2ème livre à la manifestation du 17 octobre. Dans un article de Commentaires de l’été 2008, il souligne de façon argumentée les manquements à la déontologie historique des Britanniques Macmaster et House, considérés comme partiaux par leurs collègues. Il souligne à nouveau les violences inadmissibles imputables 1 aux policiers « activistes », mais estime que sur 75 morts conduits à l’IML, la majorité est imputable au FLN.

Examinant cas par cas la liste des 325 noms, il confirme son évaluation de 32 tués :

14 certains 2 , 8 vraisemblables, 4 probables et 6 possibles. Il avait précisé dans l’Histoire d’octobre 2001 : 30 morts en comptant large. Le Conseiller d’Etat Mandelkern, chargé d’inventaire par le ministre Chevènement, relève sept victimes avérées. Dans son Histoire de la guerre d’Algérie (1992), Stora corrige son évaluation de centaines de victimes et ne parle plus que de dizaines 3. Brunet estime que les 246 morts signalés par Geronimi correspondent aux 308 cadavres (dont 60 douteux) examinés à l’IML en 1961 : 141 sont enregistrés avant le 17 octobre, et 72 après le 19. Il en est de même des 109 décès du Service des successions musulmanes, dont 55 ont eu lieu avant le 17 octobre, et 22 dont la date de décès n’est pas déterminée. Dans son mémoire de maîtrise, Pierre Brichard, qui a étudié les listes de ce Service, en retient une trentaine imputables à la répression policière.

L’ancien séminariste Grange ne confirme pas la mort des neuf corps couchés à l’entrée du Palais des sports, et Linda Amiri, ayant eu accès aux archives de la Fédération de France du FLN, dément le massacre dénoncé dans la cour de la Préfecture de Police (ce que confirme Montaner). Il est prouvé également que Fatima Bedar, présentée comme une martyre de la répression policière, s’est suicidée.

Le problème des noyades dans la Seine est plus difficile à élucider. Une seule noyade a été observée, au pont St Michel. Au total, 34 cadavres ont été retirés de la Seine et des canaux en octobre, qui dans leur grande majorité, selon J.-P. Brunet, ne paraissent pas imputables à la répression de la police; retenus par les barrages de Suresnes et de Bezons, ils étaient tous conduits à l’IML. Selon les harkis de Paris, les noyades étaient une pratique courante du FLN. Mandelkern observe que les nombreux cadavres relevés dans la Seine, la Marne et les canaux, ne sont pas tous des victimes des règlements de compte FLN/MNA, et que le contre-terrorisme s’insinue. Les responsabilités sont donc partagées entre des groupes de choc étoffés du FLN-MNA, et des équipes marginales de contre-terroristes.

Le professeur Brunet dénonce dans l’exploitation de cette affaire un mythe forgé pour les besoins d’une cause militante. Admirateur de Mao et de Pol Pot, « l’historien du dimanche » Einaudi se révèle un hagiographe du FLN, mouvement à visées totalitaires. On pourrait en dire autant d’autres auteurs. La Fédération de France ordonnait une manifestation pacifique et obligatoire; l’obligation se traduisait, selon Mandelkern, par des menaces de mort adressées aux Français-musulmans qui n’obéiraient pas à cet ordre; quant à la consigne de manifestation pacifique, elle n’a pas empêché la présence de commandos armés qui les premiers ont ouvert le feu. Quant aux manifestants, ils ont observé ensuite la loi du silence, sauf quand il s’agissait d’accuser les forces de l’ordre.

Historien de la guerre d’Algérie, vice-président de la Commission française d’histoire militaire, et membre de l’Académie des sciences d’outremer, il me semble qu’il faut replacer cette bataille dans la stratégie générale du FLN, qui après avoir perdu les batailles d’Alger et des frontières, et se sentant humilié par les fraternisations de mai 1958, a décidé le 28 août 1958 de transporter la guerre en territoire français, et ordonné à ses commandos de combattre l’ennemi avec violence.

Cette décision faisait suite à la volonté, proclamée dès 1955, d’éliminer les messalistes en Algérie et en métropole 4. Ces deux décisions se sont traduites par le massacre en métropole d’au moins 3.957 nord-africains, 150 Européens, 16 militaires, 53 policiers et 48 harkis (le Monde du 20 mars 1962). Ces actions terroristes expliquent, sans les excuser, l’exaspération des policiers et les excès auxquels ils se sont livrés.

Quant à la décision de réagir, par une manifestation pacifique, au couvre-feu imposé par la Préfecture de Police, elle n’a pas été approuvée par toutes les instances du GPRA. Mohamed Harbi écrit dans le Monde du 5 février 1999 : « ce qui a joué dans le déclenchement de la manifestation du 17 octobre, ce sont plutôt des enjeux internes, voire des ambitions personnelles…On était proche de la fin… Ce sont déjà des luttes pour le pouvoir dans l’Algérie indépendante ». Cette lutte sera mise en évidence par les accusations de Ben Bella contre la Fédération de France.

La Commission de sauvegarde du droit et des libertés individuels estime que le gouvernement a voulu donner satisfaction à la police. Elle constate que de nombreux disparus ont été libérés ou se trouvent à Vincennes, où le conseiller Viatte a constaté l’entassement de 2.200 suspects pour 400 places. Son président Maurice Patin a signalé au ministre de l’Intérieur le grave problème social créé par le transfert en Algérie de chefs de familles. Le conseiller Damour observe que le couvre-feu a contribué à supprimer les attentats.

Les arrestations opérées le 17 octobre avaient été précédées d’opérations de démantèlement des groupes armés du FLN en région parisienne. Selon le Service de coordination des Affaires algériennes (rapports des 1er et 4 décembre) 205 armes à feu, 8 bombes, 26 plastics, 106 grenades et obus ont été saisis en deux mois ; 91 responsables de groupes armés ont été arrêtés, 2.545 militants politiques transférés en Algérie.

Les liaisons internes ont été rompues. Pour le présent, conclut ce rapport, la bataille de Paris ne tourne pas à l’avantage du FLN.

Maurice Faivre, le 15 octobre 2011.

  1. inadmissibles mais secondaires, déclare de Gaulle qui, selon Messmer, partage avec le gouvernement la responsabilité de la répression. L’imputation, imaginée par un historien anticolonialiste connu, de l’initiative de Debré, qui aurait provoqué la répression pour nuire aux négociations engagées par le général de Gaulle, traduit une méconnaissance profonde du fonds privé de Michel Debré.
  2. C’est à peu près le chiffre retenu par le colonel Montaner, ancien chef de la Force de police auxiliaire.
  3. Dans sa préface à la bande dessinée de Didier Deaminck et Mako, Stora revient à sa première évaluation (Mediapart du 23 septembre 2011).
  4. réf. Jacques Valette. La guerre d’Algérie des messalistes. L’Harmattan 2001.