Avoir de l'esprit est-il dangereux ? - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Avoir de l’esprit est-il dangereux ?

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Le savoir repose sur quelque objet dont on prend connaissance, acte initial pas vraiment matériel, bien que faisant appel à nos sens. Les objets ne changent pas d’être connus par l’intellect humain.

L’intellect humain, par son rapport au monde à travers son propre corps, peut toucher et changer le monde dans ses propres intentions. La main de l’homme est le grand « outil » dans l’univers car elle est en relation directe avec l’esprit. L’homme peut, par habileté et goût artistique, changer le monde dans son aspect et sa fonction, même si le monde reste tel qu’il est.
Aristote remarquait que l’homme est un être capable de rire, « animal risibilis ». De même, il est par nature un animal politique. Ces deux définitions sont en relation directe avec la capacité de raisonnement de l’homme. C’est un être capable de parler, eh oui, de raconter des histoires drôles. Les choses ne sont drôles, cependant, que si l’on peut y voir des liens cocasses, des incongruités, des disproportions inattendues, et de l’ironie.

Le rire est une marque de raison, de raison élevée. C’est le témoin de notre faculté à voir les relations entre les êtres et les choses, à faire la distinction entre ce qui va ensemble ou non. L’esprit est la marque d’une grande intelligence. L’esprit a un tel pouvoir qu’Aristote dans son quatrième livre sur « L’Éthique » y consacre toute une discussion sur son bon usage. Il y voyait une vertu morale.

À l’origine, le mot « esprit » signifiait « intelligence », mais lui est venue une connotation d’astuce et d’humour. L’expression « pauvre d’esprit » fait allusion à une certaine inertie intellectuelle.

Aristote remarquait: « puisque la détente fait aussi partie de l’existence, et qu’une forme d’amusement fait partie de la détente, il semble possible de se comporter convenablement avec les gens, de parler et écouter sur de bons sujets et de bonne manière. L’auditoire fait aussi la différence.» On peut être trop ou pas assez doué en cette qualité. Mais j’apprécie le soin apporté à dire et écouter les bons arguments à bon escient.

Aristote nous parle du bouffon qui éclate de rire pour un oui ou pour un non. Puis de l’abruti qui ne pige rien, incapable de saisir une blague ou de participer à un joyeux échange dans la bonne humeur.

Le bouffon n’a aucun frein à ses éclats de rire. Il préfère rire plutôt que trouver le mot approprié pour éviter de peiner la victime d’une blague. Mais préservons-nous de celui qui ne rit jamais et fait reproche aux rieurs. On dit parfois du bouffon qu’il est spirituel parce qu’il est capable de rire, mais il ne le fait pas toujours au bon moment ou au bon endroit.

Aristote admet que les blagues peuvent être drôles; mais elles peuvent aussi blesser. Bon moment, bon endroit, circonstances appropriées, voilà la règle. Notre culture actuelle ne permet qu’à un Juif de raconter des histoires de juifs, qu’à un nègre de raconter des histoires de nègre. Tout le monde est super-susceptible. Il nous faut faire attention qu’en riant nous ne proférions une « discrimination ». Et nous risquons alors de devenir semblables à des zombies manquant d’humour dans nos relations avec autrui.

On a bien des occasions de rire. « La plupart des gens apprécient la gaieté et les blagues plus qu’ils ne devraient.» Et donc nous devons apprendre à nous maîtriser « pour parler et écouter en individu de bonne compagnie ». Dis-moi les blagues que tu aimes entendre, et celles que tu rejettes, et je te dirai qui tu es.

Aristote voit bien que l’humour dépend du groupe ou des personnes en présence. Les législateurs doivent parfois manier l’humour. Au risque de déclencher des émeutes. Mais s’ils le restreignent trop, il y a un problème de société ou avec ces législateurs. « Une blague est une forme d’abus, et les législateurs interdisent certaines formes d’abus; auraient-ils le droit d’interdire certains types de blagues? »

Aristote n’est pas pudibond. Les blagues obscènes peuvent faire rire, mais elles ont toujours un côté douteux. Le sexe est bien un domaine d’amusement, il n’empêche qu’il a en même temps un côté sérieux et saint.
Humour et esprit sont essentiels à nos amours, celà va sans dire. Le rire est un composant de la joie de la création, un signe abondant du bonheur de nos origines. Le bouffon ne sent aucune limite au rire. L’abruti ne voit guère d’aspect plaisant à la condition humaine, même pas dans nos tentatives pour le faire sourire.

Le grand Aristote pensait que rire et s’amuser font partie de notre existence — au bon moment et au bon endroit.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/wit.html

Photo : La marionnette d’Aristote au Muppet Show.