Au milieu de Londres et de son activité grouillante, sur un morceau de trottoir à l’intersection des rues Edgware et Bayswater, non loin de la célèbre Marble Arch, se trouve une inscription disant « site de Tyburn Tree ».
Dans une cellule abandonnée , à l’intérieur du bloc 11 du camp d’Auschwitz maintenant délabré, il y a une image du Sacré-Cœur, gravée par les mains d’un prisonnier.
Ceux qui ont souffert pour leurs croyances dans ces places d’infamie, y compris les martyrs de Tyburn et Saint Maximilien Kolbe, sont passés depuis longtemps. Réduites au silence en raison de leurs croyances par des régimes bien plus forts que leur pauvre capacité de résistance, leurs voix auraient dû être éteintes pour toujours. Ces simples inscriptions devraient être les seules reliques de leur témoignage balayé et apparemment vain.
Et pourtant, ce sont les tyrans et leurs régimes qui se sont effondrés, impuissants et vaincus. Les grilles de Auswitz-Birkenau battent, vides et désertes. Le pouvoir totalitaire qui tenait les miradors et orchestrait les trains a depuis longtemps disparu. Les grilles de Hampton Court accueillent maintenant les visiteurs d’un jour, son auguste propriétaire, Henry VIII, réduit à n’être qu’une légende creuse.
Mais les portes de Tyburn Convent accueillent joyeusement les âmes consacrées offrant leurs vies en prière pour cette foi et cette vérité que tous les chevaux des rois et tous les hommes des reines n’ont jamais pu conquérir.
La Crypte de Tyburn Convent héberge la Chapelle des Martyrs, une stupéfiante collection de précieuses reliques de femmes et d’hommes courageux – laïcs, prêtres et religieux qui ont préservé la Foi en Angleterre sous le règne de la terreur. Parmi les citations inscrites sur les murs de la crypte, les mots du prieur chartreux John Houghton. « Je suis lié en conscience, je suis prêt et veux souffrir toute espèce de torture plutôt que de renier une doctrine de l’Eglise » a-t-il déclaré depuis l’échafaud de Tyburn Hill, à Londres, le 4 mai 1535.
De sa cellule de la Tour de la Cloche, Saint Thomas More, lui-même sur le point d’être martyrisé, a très bien témoigné de la procession vers Tyburn de ces martyrs chartreux, faisant remarquer à sa fille Margaret : « ces bienheureux pères vont maintenant aussi joyeusement à la mort que des fiancés à leur mariage ».
Une des grandes tentations, quand nous risquons tout pour la vérité, est de penser que notre sacrifice sera vain. Nous allons tout donner, et cela n’aura aucune importance. Le but ne sera pas atteint, le monde oubliera et nous serons oubliés. Même Notre Seigneur, craignons-nous, oubliera notre acte d’amour et de générosité. Il sera inutile et stérile. Et donc nous hésitons.
Mais Notre Seigneur n’oubliera jamais. L’auto-sacrifice sera lui-même cause de fécondité ; l’offrande aura du pouvoir parce qu’elle est absolue. C’est seulement en ne gardant rien, en donnant tout, que nous pouvons espérer gagner quelque chose valant la peine d’être gardé.
Saint Paul, ayant enduré de grandes souffrances et faisant face au martyre, a déclaré avec confiance dans la récompense de la vertu, qu’une seule chose importait : combattre le bon combat, achever la course, garder la foi. (2 Timothée 4:7-8)
« Aimer, c’est tout donner, y compris soi-même » nous assure Sainte Thérèse de Lisieux.
Dans une lettre écrite à sa Mère Prieure le dimanche de Pâques, le 26 mars 1939, très peu d’années avant sa propre mort à Auschwitz, Sainte Edith Stein demandait : « Votre Révérence m’autorisera-t-elle à m’offrir au cœur de Jésus comme sacrifice propitiatoire en vue d’une véritable paix, pour que la domination de l’Antéchrist s’effondre ?… J’aimerais que ma requête soit accepté en ce jour parce que c’est la douzième heure. Je sais que je ne suis rien, mais Jésus désire ce rien et sûrement qu’Il appellera beaucoup d’autres à faire de même en ces jours ».
La douzième heure. Nous parlons si souvent de la onzième heure – ce moment ou une lueur d’espoir demeure encore.. Mais le Christ fait ses délices de l’amour de la douzième heure. Il nous permet de voir le rêve mourir, la bataille être perdue, et alors… Il agit. Il demande l’espérance quand tout espoir est perdu.
« Par la foi, Abraham, quand il a été mis à l’épreuve, a offert Isaac […] Il considérait que Dieu était capable même de ressusciter des morts ; en conséquence il l’a recouvré et c’était un signe ». (Hébreux 11:17-1)
Lazare est mort (Jean 11:1-44) ; la fille de Jaïre a rendu son dernier souffle (Marc 5:21-43, Matthieu 9:18-26, Luc 8:40-56). Le Christ, semble-t-il est venu trop tard. Nous pouvons lever les bras au ciel et déclarer que tout est perdu, ou nous pouvons lever les mains et déclarer dans la foi : Seigneur, la victoire est à Toi. La lampe du cœur de Notre Dame brille, ardente et vive, dans la Chambre Haute, même alors que le Christ gît dans la tombe.
Rejoindre le cortège de noces de l’Agneau requiert que nous tenions bon dans la foi. De nos jours, aller de l’avant nécessite un amour héroïque, un « amour parfait » qui « bannit toute peur » (1 Jean 4:18). Comme le déclare le narrateur dans l’acte final de ‘La bijouterie’ de Karol Wojtyla : « l’amour était plus fort que la peur, et aujourd’hui ils y sont allés ».
Le Christ et Son Eglise ont besoin de notre amour et de notre témoignage courageux, aujourd’hui, à cette heure même. Alors que nous Lui offrons nos vies, à travers un amour plus fort que la peur, plus fort même que la mort, Il nous donnera en Lui tout ce que nous ne pouvons garder qu’en le perdant. Nous Lui donnons nos cœurs, avec l’amour de la douzième heure et nous contemplons Son pouvoir salvateur réaliser la victoire finale.
Elizabeth A. Mitchell a obtenu son doctorat en communications sociales institutionnelles à l’Université Pontificale de la Sainte Croix, à Rome. Elle y a travaillé comme traductrice pour l’office de presse du Saint-Siège et pour ‘L’Osservatore Romano’. Elle est actuellement doyenne dans un établissement privé du Wisconsin, Trinity Academy.
Illustration : « Les martyrs chartreux de Tyburn » par Andrew Brown Donaldson, vers 1900 [chartreuse de Londres]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/11/02/with-twelfth-hour-love/