Le terme de traditionaliste semble désormais attaché aux catholiques qui ont fait le choix de la forme extraordinaire du rite, et dont la sensibilité est plus accordée à un certain style pastoral. La volonté romaine de favoriser l’apaisement par rapport aux querelles post-conciliaires a produit ses fruits, notamment à la suite du motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI, qui a donné son statut à la messe tridentine. Beaucoup de diocèses ont intégré des communautés Ecclesia Dei, qui trouvent leur place à la satisfaction des évêques et au prix de la bonne volonté de tous.
L’équilibre ainsi réalisé peut parfois être compromis, ainsi qu’on vient de le voir à Dijon, où la Fraternité Saint-Pierre est sur le départ suite à la décision de Mgr Minnerath. L’émoi provoqué a dépassé le cadre diocésain, au risque de polémiques attentatoires à l’unité. Mais il semble qu’en général, l’épiscopat français se montre soucieux d’éviter une logique d’affrontement, en créant une cellule de dialogue sous la responsabilité de Mgr Leborgne, évêque d’Arras, et de Mgr Lebrun, archevêque de Rouen. Une première réunion, le mois dernier, laisse augurer de bons espoirs pour l’avenir.
On est, cependant, obligé de revenir aux origines du contentieux qui a provoqué la division et la discorde. La révolte de Mgr Marcel Lefebvre contre les réformes d’après-concile entraînait une remise en cause du concile lui-même. Encore fallait-il s’entendre sur le contenu doctrinal du concile, ce qui n’était pas toujours évident. Benoît XVI devait apporter un éclairage bienvenu en définissant une herméneutique de la continuité doctrinale, qui excluait toute rupture. En ce sens, la Tradition apparaît comme un bien commun indispensable et elle ne devrait provoquer nulle mésentente. Que certains chrétiens aient choisi de s’en réclamer plus explicitement devrait provoquer un désir d’approfondissement de la part de ceux qui n’éprouvent pas le même réflexe. Vatican II, dans ses constitutions dogmatiques, se distingue justement par un retour à la Tradition, c’est-à-dire aux fondements bibliques de la doctrine ainsi qu’à son développement organique. Cela n’exclut pas que l’Église vive au rythme de l’histoire et doive affronter sans cesse de nouveaux défis.
Les différentes sensibilités ont toujours existé dans le christianisme. Il convient qu’elles continuent à participer d’une même volonté de faire progresser la cause de l’Évangile. Si le traditionalisme ne se fige pas en intégrisme, il a sa vocation propre au service de cette unique cause.