La page d’Evangile qui rapporte le rejet brutal de Jésus par ses concitoyens (Lc.4,16-30) laisse entendre un terrible malentendu de leur part. Après l’avoir si bien reçu dans son retour au village natal, ils sont sur le point de l’assassiner et ce n’est que par miracle qu’il s’échappe de leurs mains.
Mais qu’a-t-il bien pu dire ou faire pour qu’on en arrive là ? Son prêche à la synagogue ? Mais ce n’est que le commentaire « banal » d’un texte d’Isaïe qui est bien connu de ses auditeurs, un programme d’Année jubilaire comme celui que nous avons présentement, sur la Miséricorde divine, dans notre Eglise ; avec son contenu d’œuvres humanitaires traditionnel. Il faut donc chercher ailleurs.
Il n’a pas voulu faire des miracles ? Ce ne sera pas tout à fait cela puisqu’il en a opéré. « Pas beaucoup » mais quelques-uns (Mc.6,5) et cela suffit pour devoir chercher ailleurs la solution à notre problème. Sans qu’y suffise l’évocation de miracles réalisés par Elie ou par Elisée, hors de chez eux, car …ils en ont fait aussi en Israël. Et de taille ! On dirait que jésus – qui le sait bien ! – veut couper court.
Retrouvons le contexte L’écho du témoignage solennel de Jean-Baptiste en sa faveur, ses propres œuvres sur les bords du Jourdain, à Capharnaüm, Cana, et ailleurs cet écho est remonté à Nazareth. Et y fait germer l’idée d’un profit pour ses habitants. Cela n’a rien de bien étrange ; la commercialisation des apparitions, des miracles, vrais ou prétendus, est chose courante. Il n’est qu’à voir les « marchands du Temple » installés un peu partout où le merveilleux est affirmé. Ne pas aller trop loin cependant dans la critique puisqu’il est bien normal aux pèlerins de vouloir emporter ou envoyer quelque souvenir de leur voyage. Que d’aucuns profitent de leur piété non seulement pour gagner leur vie mais pour en faire une exploitation, c’est une autre affaire !
Or c’est bien peut-être d’une semblable exploitation qu’il s’agit dans les perspectives des concitoyens de Jésus. On pourrait par exemple les imaginer discuter entre eux (Siméon, Issachar, Ruben, Jacob, et tous les copains) avant d’accueillir leur illustre ami : On va lui proposer d’ installer sur la route une pancarte : « Nazareth, la ville de Jésus, le guérisseur ». Ca fera venir du monde. Des visiteurs de marque. Des sous. Du travail pour nos garçons. Des mariages rupin pour nos filles. On aménagera un super-marché. Des buvettes. Une hôthellerie. Des hangars. Une agence de voyages…
N’importe quoi… pour expliquer ce qui va suivre, c’est à dire le refus brutal de Jésus d’entrer dans leur jeu. En amplifiant les réactions puisque nous sommes en Orient. En supposant un étalement de plusieurs jours dans l’événement (les évangélistes concentrent).
En résumé la réponse de Jésus à de telles propositions : « Il n’en est pas question ! Mon Royaume n’est pas de cet ordre. Mes valeurs ne sont pas les vôtres. Je ne suis pas le fondateur d’une O.N.G. (langage moderne !) . … »
Ce n’est pas difficile à développer. Pas plus que l’énervement, puis la colère, l’exaspération, des coups, des injures, l’interposition peut-être maladroite de quelques disciples ( ils sont mentionnés en Mc. 6,1 ) – « De quoi, de quoi !, Tu rigoles ! » etc
Ca dégénère. Jusqu’au bord du précipice.
Heureusement que Joseph n’est plus là ! Mais Marie, elle, est là, impuissante, douloureuse. Prévoyant un avenir encore plus sinistre.
Les concitoyens de Jésus n’en démordront pas. Plus tard nous les retrouvons essayant de s’emparer à nouveau de Jésus, cette fois pour le faire enfermer comme fou (Mc.3,21)
Nous avons là une merveilleuse synthèse de ce qu’est et ce que n’est pas le Royaume de Jésus. Et qu’on pardonne la part peut-être excessive d’imagination !