La division des catholiques sur le terrain politique est avérée depuis longtemps. En France, cette division s’est dessinée au XIXe siècle, et par la suite, elle n’a cessé de se confirmer. Faut-il s’en désoler, comme d’une atteinte à la tunique sans couture en grand risque de se déchirer, ou faut-il l’admettre comme une donnée liée à la nature même du politique ? Sans doute devrait-il y avoir un consensus assez général sur un certain nombre de principes élaborés au cours des décennies et synthétisés dans ce qu’on appelle la doctrine sociale de l’Église. De Rerum novarum de Léon XIII à la fin du XIXe siècle à Laudato si de François au début du XXIe siècle, la matière est riche et suggestive. Force est de reconnaître que ce patrimoine indivis ne suffit pas à créer l’unité entre catholiques, et j’ai même souvenir d’une forte polémique de la part du père Chenu, dominicain célèbre, contre la notion même de doctrine sociale.
Mais par ailleurs, le concile Vatican II a fortement insisté sur l’autonomie des choses terrestres et particulièrement sur celle de la politique. La constitution Gaudium et spes stipule que « l’Église qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique, est à la fois le signe et la sauvegarde de la vocation personnelle et sociale des hommes et du caractère transcendant de la personne humaine ». N’est-ce pas cette indépendance du spirituel qui garantit par ailleurs la validité de ses jugements en matière d’éthique sociale et politique ? Une Église trop liée à un camp, à une sensibilité idéologique, ne serait pas en capacité de discerner les exigences de l’Évangile dans la cité moderne.
La division des catholiques apparaît nettement, parfois de façon cruelle, dans le choix ultime de cette campagne électorale. Les explications sont souvent dures, et chacun se réclame de l’Évangile pour justifier son choix. C’est, je crois, cette nécessaire autonomie du temporel par rapport au spirituel, lui-même autonome, qui provoque ces conflits. Il faut simplement espérer qu’ils soient non pas tellement modérés mais survitaminés par la charité, qui trouve en politique son plus vaste champ d’expansion.