Automne New Yorkais - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Automne New Yorkais

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[*Mgr Dolan s’est élevé vigoureusement contre le mariage gay dans l’état de New York*] . . . . Même ceux qui le déploraient prévoyaient bien avant le vote de la semaine dernière que le « mariage » gay atteindrait l’État de l’Empire (NDT: Empire State, surnom de l’État de New York). Et finalement c’est dû à quelques sénateurs républicains, dont plusieurs catholiques, qui ont baissé les bras alors que la majorité dont ils faisaient partie aurait pu l’empêcher. Pourquoi pas ? Le gouverneur Andrew Cuomo, lui aussi catholique, a pesé sur la question et a affuté sa plume pour signer la promulgation. Il a participé à la « gay parade » de New York en cette fin de semaine avec sa compagne — et continue à communier à la Messe. Dans les milieux politiques on cite fréquemment le blâme de Richard Rich par Thomas More dans Un homme pour toutes les saisons : ayant trahi More, il fut en récompense nommé ministre de la Justice du Pays de Galles. « Alors, Richard, à quoi sert de vendre son âme pour dominer le monde… et n’obtenir que le Pays de Galles? ». En tout cas, ceux qui ont glissé leurs bulletins décisifs pour l’État de New York n’ont même pas perçu l’équivalent du Pays de Galles. Il semble qu’ils n’aient rien eu du tout, sauf une pause dans les affreuses pressions incessantes qu’ils subissaient. J’ignore pourquoi, mais cette affaire m’a sapé le moral bien plus que toutes les autres décisions sociales de ces dernières années. Les hommes politiques New Yorkais ne sont pas meilleurs que dans n’importe quel autre État, et probablement pas pires non plus. Le fait qu’ils aient pu se faire manipuler aussi facilement dans une affaire aussi grave me rend malade. L’affaiblissement de la volonté politique de résistance se révèle dans la déclaration de Michele Bachmann — Miss Tea Party 2011, la plus énergique conservatrice engagée dans la course à l’élection présidentielle — à ce sujet. Selon son opinion personnelle, alors que le mariage unit un homme et une femme, le Dixième amendement laisse aux états le droit de légiférer sur les sujets non spécifiquement énumérés dans la Constitution. Bien dit, et qui souhaiterait que le gouvernement fédéral légifère sur tout. Mais quelle étrange, bizarre myopie de notre culture politique lorsqu’une femme telle que Michele Bachmann, fine mouche dans bien des domaines, semble abandonner le combat à cause du Dixième amendement, comme si l’enjeu premier concernait l’équilibre des pouvoirs. Nous vivons dans un monde où Maureen Dowd, chef du bureau anti-catholique du New York Times, invite le Président Obama à s’impliquer après le vote, ne s’étant pas manifesté « sur le front des combats pour les droits civiques de notre temps ». Réfléchissons un instant. La plupart de nos lecteurs font partie de ces milieux sociaux pour qui la question de l’avortement relève des droits civiques de notre époque. Ce qui, à mon avis, appauvrit l’opinion selon laquelle certains disent, et croient sans doute, que le refus du droit au « mariage » à des personnes de même sexe — qu’ils ne pratiqueraient pas eux-mêmes — ressemble à la question du droit de vote des femmes ou au mouvement pour les droits civiques voici un demi-siècle. Voilà pourquoi, selon moi, toute cette affaire est si démoralisante. Une vision tout-à-fait radicale s’est introduite subrepticement dans notre société en un laps de temps incroyablement bref. C’était naguère impensable. L’être politique semble avoir perdu son système immunitaire. Notre collègue Austin Ruse me rappelle souvent qu’il ne faut pas accepter l’argument d’inévitabilité soutenu par les homosexuels. Et il a raison — rien n’est inéluctable si des gens assez nombreux se groupent et travaillent dur. On a vu quelque succès à cette méthode dans la lutte contre l’avortement. Mais pour mener le juste combat il faut avoir une vision claire des forces en présence. Le tableau n’est pas réjouissant. Encore récemment on pouvait se consoler à l’idée que les gens rejetteraient le mariage gay pourvu qu’on les fasse voter là-dessus. Ce qui devient de moins en moins sûr, car les activistes gays et leurs alliés maitrisent mieux la scène politique. En avant-garde : la commission éthique du conseil municipal de Washington a bloqué l’an dernier une tentative (soutenue essentiellement par les Églises à majorité noire) pour faire un référendum; motif : autoriser un vote sur le mariage gay serait contraire à l’éthique et violerait les règles de non-discrimination en vigueur dans la ville. Au Maryland, un gouverneur qui se vantait d’avoir effectué toutes ses études dans des établissements catholiques, et inscrivait ses enfants dans de tels établissements, était en tête des partisans du mariage gay dans cet État, remarquant que l’hostilité des évêques faisait partie de leur rôle de s’accrocher au passé. (Il a près de soixante ans. Imaginez le minuscule enseignement religieux donné de nos jours par les écoles dont il est diplômé). Il était trop sûr de lui, et les prédicateurs noirs de Baltimore l’ont coincé. Mais on verra plus tard. Et à propos des églises, à lointaine ou même brève échéance, on atteint un point critique. Les églises dans l’État de New Yok sont dispensées de célébrer(*) ces « mariages » selon la nouvelle loi, mais est-ce pour toujours ? et à quelles conditions ? S’il est exact que le mariage gay est « l’affaire des droits civiques de notre époque » pour nombre de personnes influentes et d’institutions, alors l’Église et ses alliés ne seront-ils pas assimilés au Klu-Klux-Klan résistant à la déségrégation? L’automne s’abat sur l’État de New York, et le crépuscule tombe sur l’Amérique — à moins de réagir vite.
— – * NDT : aux États-unis les mariages sont célébrés en une seule cérémonie, à l’église, à la synagogue… ou devant une autorité habilitée; l’état-civil enregistre alors un document appelé « licence de mariage ».