Debout, près de la croix de Jésus supplicié, se tenait sa Mère.
Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la soeur de sa mère, et Marie-Madeleine, et son disciple Jean. Sa Mère se tenait au pied de sa Croix. Sa Mère douloureuse. Au pied de sa Croix douloureuse. Jésus vit sa Mère et auprès d’elle le disciple qui l’aimait. Il dit à sa Mère : « Femme, voici ton fils ». Ensuite il dit à son disciple : « Fils, voici ta Mère ». C’est ainsi qu’avant d’expirer et de rendre son âme à son Père, le Christ a fondé à nouveau son Eglise. Une Eglise souffrante, mais une Eglise militante, appelée à l’Espérance.
Après la Cène fraternelle de la veille, Jésus crucifié a refondé son Eglise. Il l’a refondée au moment même où ses ennemis pensaient en avoir fini avec Lui. A l’heure même où l’ennemi du genre humain osait espérer avoir détruit l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Christ. Dieu Fils de Dieu, Jésus a rebâti son Eglise avant même de mourir. Il l’a bâtie sur le fondement de l’amour maternel et filial. Sur la base d’une nouvelle famille. La famille de Marie et de son nouveau fils adoptif, Jean l’Apôtre, Saint Jean, Jean l’Evangéliste. Jean le disciple courageux resté au pied de sa croix et Marie, Marie sa mère. La famille de Jean et de Marie. Marie notre Mère. Marie Mère de l’humanité.
Dieu Fils de Dieu, Lumière née de la Lumière, Vrai Dieu né du Vrai Dieu, Jésus-Christ a donné sa Mère à son disciple l’apôtre Jean, et à travers lui, à tous les apôtres. Et à travers eux, à toute l’humanité. Et à nous aussi, les Français, les enfants de ce pays qu’on appelle parfois la Fille aînée de l’Eglise. A nous aussi, Jésus a donné sa Mère. A nous Français.
Grand ami de la France, le Pape Paul VI disait que la langue française possède « la magistrature de l’Universel » : c’est dans cette langue, notre langue, qu’il s’est adressé au monde entier, depuis la tribune des Nations Unies, à New-York en 1965, pour lancer ce cri d’alarme dénonçant la guerre meurtrière de l’humanité. Cette guerre, ces guerres, où tant d’innocents ont laissé leur vie, leur pauvre vie. Couchés dessus le sol à la face de Dieu. D’un Dieu de miséricorde qui plaint la folie des hommes.
« Plus jamais la guerre »… Ce cri, cet appel pressant, solennel, presque désespéré, du successeur de l’Apôtre Pierre a-t-il été bien entendu ?
Hélas, le fracas des armes n’a jamais vraiment cessé à la surface de la terre. Et à travers le monde, la violence est devenue maîtresse des esprits et des cœurs.
« France, Fille aînée de l’Eglise, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? » : venu de Pologne, cette nation martyre ressortie vivante de trois mises au tombeau lors d’une histoire tragique et glorieuse, le Pape Jean-Paul II nous a rappelé le sens sacré de notre destin filial.
Mais en France même, une guérilla politique et sociale s’est emparée peu à peu de tous les aspects de la vie quotidienne. Le règne de l’Argent et la Loi du plus fort l’emportent sur le respect de la vie des êtres les plus fragiles. On prétend désormais acheter et fabriquer des enfants. Des enfants, comme des objets manufacturés. On détruit la Nature et on veut produire des créatures artificielles. Une création sans Créateur, sous le signe de l’Orgueil d’une humanité ivre d’elle-même. Ivre de son pouvoir, et oubliant la loi naturelle de Dieu.
Mais la violence appelle la violence. Et voici qu’on tue aveuglément. On tue à l’aveuglette. La terreur aveugle fauche des innocents dans les rues des villes, dans les rues, sur les places, les marchés. Partout. La terreur tue. Selon sa loi absurde et criminelle de la haine aveugle. La haine diabolique, à l’heure où notre pauvre humanité, croyait naïvement que le Diable n’existe pas. Cet Être jaloux, fou de haine, se rappelle à notre souvenir, avec sa loi diabolique de la terreur. La terreur de la haine jalouse du destin promis aux enfants de Dieu. Jalouse du bonheur éternel dont sa révolte haineuse l’a privé.
Et voilà qu’en plein Paris brûle Notre-Dame, la Maison de prière de la Mère de Jésus-Christ. La Maison de Dieu. La Maison du Christ. La Maison de Celui qui avait semé tant d’amour, et qui récolta tant de haine, au jour de sa Passion, sur le Golgotha de la première Semaine sainte. Le jour où Il nous a sauvés.
Cette fois, sur notre sol français, Notre-Dame de Paris a commencé à se consumer, cette Mère grièvement blessée dans un brasier à la chaleur infernale. Victime de la folie humaine, par négligence ou par malveillance. En une nuit de Gethsémani. Une nuit d’angoisse, où les pierres semblaient crier. Crier peut-être, à chaque Français, et à chaque homme : « Fils, voici ta Mère ! » Cette Mère que souvent nous avions oubliée.
A la manière de Charles Péguy
Denis LENSEL