Michaël Petit, président de l’association Every Child Matters 1, écrit ceci : « on estime que durant les dix dernières années, plus de 20 000 enfants américains ont été tués chez eux par des membres de leur propre famille. C’est presque quatre fois le nombre de soldats des Etats-Unis tués en Irak et en Afghanistan. »
Je suis retourné lire cet article sur le site web de la BBC après avoir lu ces jours derniers un autre article intitulé : « Qui sont les cinquante-cinq corps enterrés à l’école Dozier ? »
Il décrit une véritable horreur : « Durant l’année passée, des anthropologues travaillant pour l’université de Floride du Sud (USF) ont exhumé les restes de cinquante-cinq enfants sur le site de l’école pour garçons (maintenant fermée) Arthur G. Dozier. » La suite de l’histoire est un inquiétant compte-rendu de mauvais traitements pratiqués de 1900 à 2011, durant le fonctionnement de l’école de redressement. (De plus, de tels faits doivent être mis en parallèle avec les chiffres épouvantables des avortements aux Etats-Unis.)
La culture américaine est effroyablement hostile aux enfants. Non seulement notre obsession du pouvoir et de la violence conduit à l’hostilité, mais de plus notre sentiment (hérité des Lumières) de la simple utilité des enfants promeut le meurtre des enfants non encore nés parce qu’ils gênent. Les chiffres de la violence envers les enfants dans les milieux catholiques sont probablement comparables à ce qu’ils sont dans le reste de la société, car nos institutions montrent une fréquence similaire pour les autres déviances sociales.
La plus grande difficulté pour les catholiques — et pour tous ceux qui ont une saine vision de ces choses — tient à la valeur irremplaçable des enfants dans la société. Vatican II enseigne que « Par leur nature même, l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation des enfants et trouvent en eux leur consécration. » Supprimez les enfants, ou maltraitez-les de quelque manière, et le mariage lui-même devient une sorte d’horrible farce, une méchante caricature de la véritable union et du véritable amour. Notre propre péché et une société gangrenée vont toujours nous conduire à sous-estimer l’importance du dommage causé.
Le Concile en est venu à parler du trésor de l’union des couples mariés : « Comme don mutuel entre deux personnes, cette union intime et le bien des enfants imposent la totale fidélité des époux et exigent une entente indéfectible entre eux. » Le bien des enfants est une part du ciment spirituel et matériel qui conduit le couple à des efforts croissants pour développer des relations de tendresse l’un avec l’autre et avec leurs enfants, avec un profond respect pour ces personnes créée à l’image du Dieu personnel.
Plus profondément encore : « Comme membres vivants de la famille, les enfants contribuent à leur manière à faire grandir leurs parents en sainteté. Car ils répondront à la tendresse de leurs parents avec des sentiments de gratitude, avec amour et confiance. Ils resteront à leurs côtés ainsi que doivent le faire des enfants quand des épreuves frapperont leurs parents et quand la vieillesse leur apportera sa solitude. » (Vatican II) Les relations intra-familiales créent un réseau de grâce et de vérité.
Ce ne sont pas des valeurs sectaires. Elles sont fondées sur la loi naturelle et sublimées par la grâce divine. Les parents ne sont jamais considérés comme plus importants que leurs enfants. Ce que le Concile a fait, c’est de protéger les relations mutuelles au sein de la famille plutôt que de donner la priorité aux droits des individus – et par là la priorité aux adultes – ce qui fausse ce qu’est vraiment une famille. L’enseignement du Concile comme quoi les enfants aident leurs parents à devenir saints nous entraîne dans la dimension la plus transcendante de la famille humaine. Cela peut fournir la clef de ce lien étrange présent aux Etats-Unis entre enfants et violence.
Si la famille humaine a été créée pour amener les gens à la sainteté, il est évident que nous nous opposerons à cette réalité à proportion de notre péché. Et nous le cacherons également à proportion de notre péché. Remarquez que l’information sur l’affaire de l’école Dozier vient de sources journalistiques extérieures, non de la presse locale. Le plus grand problème est que l’esprit du monde ne veut pas notre sainteté. L’Eglise fait face à un vrai défi.
Laissant de côté les prêtres et laïcs anti-famille, le reste de l’Eglise devrait saisir toutes les opportunités d’aider les familles à se construire. Les scandales dus à la maltraitance ont sérieusement perturbé le travail de l’Eglise auprès des enfants.
Les congrégations religieuses cessent de s’occuper d’enfants car elles cherchent des ministères plus « pertinents ». Le choix entre ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas est inspiré par une société pécheresse aucunement compétente pour faire ce choix. Mais cette vérité n’est pas encore parvenue à la conscience sur une grande échelle.
La famille est une chose que le catholicisme devrait développer et soutenir de toutes ses forces. Cela pourrait conduire à un renouveau de l’Eglise et de la culture. Mais pour le moment, « le problème de la violence contre les enfants est plus aigu aux Etats-Unis que partout ailleurs dans le monde industrialisé » »(Michaël Petit)
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Le père Bevil Bramwell est l’ancien doyen de premier cycle de l’université catholique de Distance.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/warning-america-is-dangerous-for-kids.html
Illustration : Laissez venir à moi les petits enfants…, oeuvre de Fritz von Uhde, 1884