Quelle est la définition précise du terme « occultisme » ?
Père Jean-Christophe Thibaut : Il faut faire attention parce que l’on a tendance à mélanger plusieurs termes : l’ésotérisme, l’occultisme et la magie. Ésotérisme signifie « tourné vers l’intérieur », et fait référence à une connaissance primordiale qui aurait été oubliée par le plus grand nombre. C’est un savoir transmis par des initiés depuis une époque lointaine, qui remonte au temps de l’antiquité égyptienne ou perse. Cet enseignement secret s’est transmis ensuite par voie d’initiation. L’occultisme est justement la mise en pratique de cet enseignement. On parle ainsi des arts occultes : l’alchimie, l’astrologie, la divination et la magie, qu’elle soit blanche, noire ou rouge.
Que signifient ces différentes couleurs dans la magie ?
Olivier Joly : C’est l’intention qui définit la couleur. La magie blanche est vue comme bénéfique, alors que la magie noire concerne la destruction, par exemple provoquer un incendie ou une maladie. La magie rouge est plus récente, et elle est apparentée à la magie noire : on y retrouve toutes les pratiques liées au sang, aux sacrifices d’animaux, ainsi que la magie sexuelle.
Père Th. : La Bible, elle, n’établit aucune de ces distinctions ! Dans le Deutéronome 18, il est écrit : « Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien. » Et dans le Catéchisme de l’Église catholique, toutes les magies sont condamnées, car « contraires à la vertu de religion ». Mais attention, l’Église ne dit pas que la magie n’existe pas ! Là est le piège : ce n’est pas une affaire de croyance. La magie peut être à l’origine de phénomènes objectivement troublants. Des pratiques occultes peuvent ainsi parvenir à des phénomènes de guérison apparents, mais la guérison n’est en général ni totale ni définitive, contrairement au miracle « chrétien ». On constate souvent un déplacement du symptôme. Il s’agit en fait d’un déplacement du mal. Un problème somatique peut devenir un problème psychotique ou même spirituel. Les chrétiens ne sont pas épargnés et certains de ceux qui ont recours aux pratiques occultes n’arrivent plus à prier ou à aller à la messe. La magie n’est jamais un don gratuit, contrairement à ce que fait Dieu pour nous. Il y a toujours un prix à payer et cela peut devenir dramatique quand on devient finalement débiteur du démon. C’est souvent comme cela que l’emprise démoniaque peut survenir.
O. J. : Il y a un vrai risque de dépendance puisque le mal se déplace. Plutôt que d’aller voir le médecin, le patient va consulter de nouveau le magnétiseur ou le guérisseur. C’est un cercle vicieux qui renforce le pouvoir du guérisseur car plus il opère de « guérisons », plus il devient réputé et expérimenté. J’ai pratiqué cela pendant plus de 30 ans.
Mon expérience m’a permis de monter en puissance, avec des résultats de plus en plus probants. Mais à un certain moment, vous rendez le service de trop qui se conclut par une catastrophe dans votre entourage.
Certaines médecines alternatives sont-elles inspirées par des forces obscures ?
Père Th. : Il ne s’agit pas de tout cataloguer. Il faut aussi laisser la science définir ce que sont les médecines alternatives, c’est-à-dire juger de leur efficacité. En revanche, il existe un certain nombre de domaines – éducatif, médical, scientifique – où l’on se rend compte que cela repose en fait sur un principe magique, qui nous met en relation avec le monde invisible, en particulier les anges déchus.
Je songe par exemple aux coupeurs de feu, qui soulagent des douleurs, en particulier les brûlures ou les effets pénibles de la chimiothérapie, par des incantations ou l’imposition des mains. Mais dans leurs prières, ils ne s’adressent pas directement à Dieu, ils ne font que le citer, ils l’instrumentalisent.
Dans ce cas-là, comment faire la différence entre prière et magie ?
Père Th. : Dans le rituel magique, le résultat doit être immédiat. C’est une instrumentalisation du sacré pour un résultat matériel, sans gratitude, contrairement à la prière. Un mage utilise un rituel pour obtenir quelque chose. C’est le seul but. Il s’enfonce dans des sphères de plus en plus obscures parce qu’elles semblent mieux fonctionner, de plus en plus vite et de plus en plus loin. Dans la magie, le mage est jugé sur le résultat. De plus, dans le rituel, tout doit être suivi scrupuleusement, sans erreur. Dans la prière, ce n’est pas grave si l’on oublie un mot : ce n’est pas cela qui compte !
O. J. : J’ai moi-même été mage et je suis allé jusqu’à un point où j’expérimentais mes propres règles et rituels. Cela ressemblait beaucoup à une messe, à une pseudo-liturgie. J’ai fait du bien et du mal, beaucoup de mal même. Quand vous êtes dans ce milieu, on passe par ses propres circuits de croyances qui amènent à devenir juge et bourreau. Je suis ainsi allé jusqu’à punir un homme d’affaires, à faire en sorte qu’il perde tout… et j’ai réussi parce qu’il s’est retrouvé à la rue.
Père Th. : C’est très important ce que tu viens de dire. Les gens qui pratiquent la magie pensent souvent au départ qu’ils font du bien. Chacun souhaite chercher la vérité. Alors que les gens se méfient désormais des religions, parce qu’ils pensent qu’elles vont les enfermer dans un dogme. Finalement, ils vont s’enfermer dans une spiritualité qui va se révéler nocive avec le temps.
Dans la magie, on a recours à deux leviers principaux : soit on exploite des forces naturelles méconnues, soit on fait appel à des entités du monde invisible. Cette dernière hypothèse peut prêter au ricanement aujourd’hui mais mon expérience me conduit, hélas ! à penser qu’elle n’a rien d’absurde. On peut faire appel à ces entités, et en particulier à des démons, qui ont tout intérêt à ce que l’on se rapproche d’eux et que l’on considère que l’on n’a pas besoin de Dieu. On fait confiance aux pseudo-« bonnes » entités et le mage prend la place de Dieu.
O. J. : Dans le milieu de l’ésotérisme, il existe une tendance anti-chrétienne virulente. On y accuse les prêtres d’être des marchands de rêve, alors que la magie, elle, aurait fait les preuves de son efficacité. La réponse est simple : la plus grande arme que Dieu nous a donnée, c’est le libre arbitre, or dans la divination, de quelle possibilité de choix disposons-nous ?
Peut-on vraiment parler de dons dans la magie ?
Père Th. : Il faudrait plutôt parler d’autorisation du démon pour agir que de don. Les démons ne peuvent agir que si l’on s’ouvre à eux, puisque nous disposons de notre libre arbitre. Le don prétendu revient en fait à accepter de servir de médium, c’est-à-dire d’être un intermédiaire.
Là est la différence essentielle avec les charismes dont on parle dans l’Église. Au travers des charismes, c’est Dieu qui guérit. Les charismes ne sont pas permanents, et ils n’autorisent pas ceux qui en sont gratifiés à ouvrir des cabinets de guérison !
L’Église rappelle avec clarté que c’est Dieu qui agit et non l’individu. Une guérison est un signe. Dans le Nouveau Testament, les guérisons physiques sont toujours un signe de confiance en Dieu qui vient guérir notre âme. Le charisme est au service de la personne ou de la communauté dans la foi.
Dans l’occultisme, on peut proposer de parler aux morts. Que dit l’Église sur la communication avec l’au-delà ?
O. J. : Encore une fois sur cette question, l’Église et ceux qui pratiquent l’occultisme sont en opposition. Bien évidemment, et le Catéchisme le rappelle, tout contact avec ces univers est interdit.
Père Th. : La nécromancie était présente dans beaucoup de civilisations antiques. Même la Bible évoque la rencontre du roi Saül avec une sorcière (cf. page suivante), et nous invite, au travers de cet épisode, à éviter fermement d’entrer en contact avec les âmes des morts. Il existe beaucoup de techniques de communication avec les esprits. J’ai rencontré énormément de gens qui ont tenté d’entrer en contact avec les disparus, mais en fin de compte c’est toujours le démon qui finit par se manifester réellement, après avoir imité le défunt. Des âmes du purgatoire peuvent se manifester, mais rarement, et toujours dans un but précis, comme une demande de messe, le tout assorti de la permission divine.
O. J. : Personnellement, je me suis livré à ces pratiques : j’utilisais un miroir et plusieurs éléments variés comme des bougies, de l’encens, du sel, etc. Sur la buée, on voyait apparaître un visage… On ne savait pas vraiment qui apparaissait, mais les gens qui participaient à mes séances étaient toujours convaincus qu’il s’agissait des traits de leur défunt.
Les entités de l’autre monde ont accès à de nombreuses informations, parfois profondément cachées. Je me souviens ainsi d’une séance avec un ami qui avait découvert qu’il avait un demi-frère pendant une séance… Le diable peut aussi imiter des voix. Nous avons de fait l’impression de communiquer avec le défunt tant les détails sont impressionnants. Mais je pense que le son est une interprétation cérébrale et subjective des fréquences, des expressions ou des intonations.
Père Th. : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, en entrant tout le temps en communication avec les morts, on ne peut pas faire son deuil. C’est terrible parce que l’on maintient des gens malheureux dans une forme de dépendance. Le « défunt » livre toujours des paroles rassurantes. Or, il faut savoir laisser partir.
Le démon connaît-il l’avenir ?
O. J. : Le démon a assurément des connaissances spécifiques parce qu’il existe hors du temps donc il me semble qu’il peut en effet connaître des faits qui se dérouleront dans le futur.
Père Th. : Je défends un point de vue légèrement différent. Saint Thomas d’Aquin s’est posé cette question de la voyance. Les anges ont une connaissance parfaite du passé. Mais quand on pose la question de la fin des temps à Jésus, il reconnaît lui-même que c’est un secret qui n’appartient qu’au Père.
À mon avis, les connaissances que l’on peut avoir du futur sont limitées. Il ne me semble pas que des voyants aient prévu l’arrivée du Covid par exemple.
Quand les démons font des prédictions, ils tirent des conséquences de ce qu’ils connaissent du passé et du présent. Ils ont une forme d’intelligence qui leur permet de prévoir certaines choses, mais je ne suis pas certain qu’ils en connaissent la nature exacte.
Olivier Joly, vous étiez mage. Comment avez-vous rompu avec l’occultisme ?
O. J. : Si je n’avais pas rencontré le Père Thibaut, j’y serais encore. J’ai connu un grave accident de la vie avec de graves répercussions, un cas d’emprise.
Ma fille s’est retrouvée dans une très mauvaise posture. Ce fut la « goutte d’eau » : j’étais allé trop loin. Tout ceci me dépassait. Quand la médecine ne peut rien faire, que l’on se retrouve soi-même impuissant, il faut rencontrer les personnes qui peuvent nous sauver. J’ai brûlé tous mes grimoires, jeux de cartes et autres objets. Et j’ai eu la chance d’être écouté par un prêtre qui m’a ouvert sa porte.
Père Th. : La prière a permis de prendre conscience de tout cela.
O. J. : Les résultats sont là. Même si c’est plus long que la magie, ils sont meilleurs. Avec la magie, j’obtenais des résultats immédiats et toujours des problèmes ! Grâce au Père Thibaut, j’ai compris qu’il fallait de la persévérance, de la prière, pour arriver à me sortir de ma situation. Encore aujourd’hui nous rencontrons des difficultés mais tout rentre dans l’ordre petit à petit. Je ne remercierai jamais assez le Père Thibaut d’être venu nous aider à toute heure sans rien demander en retour.