Jean-Paul II espérait tenir un synode sur le rôle des évêques au cours de l’année jubilaire 2000. Mais il n’eut lieu qu’en 2001. Dans son homélie d’ouverture il disait: « Avec les Apôtres disons: « proclame la parole, insiste à temps et à contre-temps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire. » (II Tm 4:2).»
Le déclin de l’Église aux États-Unis (elle a renoncé devant le nombre croissant de catholiques divorçant, pratiquant la contraception, partisans de l’avortement, et, évidemment, devant l’horreur des abus commis par des prêtres sur des enfants, avec l’aveuglement tragique de la culture actuelle face à l’effrayante quantité de viols d’enfants) laisse les catholiques abasourdis. Où est le sens de l’urgence à convaincre, réfuter, exhorter ? Ou alors, la culture américaine est-elle si gentille qu’il n’y a guère besoin de tels outils ?
Confrontons ce dilemme à l’enseignement de Jean-Paul II dans l’exhortation Pastores Gregis publiée après le synode: « l’Évêque n’est pas seulement appelé à témoigner de la foi mais aussi à évaluer et à discipliner ses manifestations de la part des croyants confiés à sa sollicitude pastorale »
Le contrôle de l’expression de la foi est rarement mis en œuvre, si on en croit les apparences. Songez à l’effet que produirait l’excommunication d’un Kennedy ou d’une Pelosi ? [NDT: ancienne présidente du groupe — alors majoritaire — Démocrate au Congrès]. Puis Jean-Paul II poursuit : « En accomplissant cette tâche, il fera tout son possible pour susciter le consentement de ses fidèles, mais en fin de compte il devra savoir assumer la responsabilité des décisions qui apparaîtront nécessaires à sa conscience de Pasteur, préoccupé par-dessus tout du futur jugement de Dieu. »
Deux questions : tout le possible est-il fait pour inciter les politiciens éminents se déclarant catholiques à se comporter plus conformément à la foi qu’ils professent ? Attendre le décès d’éminents catholiques rénégats est une attitude plutôt timide à leur égard comme à notre égard, nous qui devons faire face aux divisions dans l’Église, Église dont la présence dans le public est si inconsistante.
Diriger au gré des événements n’est pas diriger du tout. C’est simplement les voir venir. Attendre le décès d’un prêtre rénégat est tout aussi mauvais. Attendre la démission des évêques médiocres est encore pire. Ces évêques ont-ils le vrai souci du « futur jugement divin » ?
Poursuivons avec Jean-Paul II: « La communion ecclésiale, dans son caractère organique, met en cause la responsabilité personnelle de l’Évêque, mais elle suppose aussi la participation de toutes les catégories de fidèles en tant que coresponsables du bien de l’Église particulière qu’ils forment eux-mêmes .»
C’est ce concept qui me laisse le plus perplexe. En fait, où sont les efforts pour inciter les catholiques à l’unité? Ce qui nécessiterait plus que la promotion de la liturgie. La célébration en commun n’est qu’un des aspects, de loin le plus facile, de l’action du meneur. Le plus dur est de réunir toute la communauté sur la vérité unique. Accepterons-nous d’attendre que meurent les extrémistes ?
Un simple exemple de défaillance de l’encadrement: le déclin de l’Église rappelé ci-dessus comporte une absence nationale surprenante — coupable — de repentir. Saint Jean-Marie Vianney faisait pénitence pour ses paroissiens. Il était intimement conscient de sa responsabilité devant Dieu pour sa paroisse.
Dans son exhortation aux évêques, le Pape Jean-Paul II déclarait: « Il est de son devoir [de l’évêque] de proclamer en toute liberté évangélique la triste et destructrice présence du péché dans la vie des hommes et dans l’histoire des communautés » Mais il n’y a guère eu d’appel au repentir. La culpabilité ne part pas spontanément.
L’enseignement de Pastores Gregis s’appuie sur l’incarnation même. En fait, selon l’argument du Pape, « l’enracinement de l’Église dans le temps et dans l’espace reflète le mouvement même de l’incarnation.» La mention du temps et de l’espace prend ici une grande importance. Comme le Jésuite Henri de Lubac explique à propos de l’Église:
Le fait qu’elle est mystère vécu dans la foi ne lui enlève rien de sa réalité en ce monde; elle avance en pleine lumière, signalant sa présence à tous, et proclamant ses droits. Partout elle est entremêlée au tissu social comme l’un des composants de sa texture.
La dynamique de l’incarnation signifie qu’il existe dans l’Église un pouvoir concrètement public et indissolublement spirituel. Le Catholicisme est une noble présence dans le domaine public, pas seulement sur un même plan que les autres institutions publiques. Le Catholicisme est la présence de Jésus-Christ sur terre.
Le Catholicisme ne tient pas compte des mythes inventés par certains pour comparer les « équivalences » des églises, ou pour lui dicter sa façon de faire en Amérique, ou les prétendues limites à ce que les catholiques seraient en droit d’attendre ou de combattre.
Ainsi, le Catholicisme fait aggressivement face à la culture environnante avec le message: « repentez-vous et croyez » — et tant-pis pour l’image d’une culture américaine qui se croit parfaite.
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Photo : Jean-Paul II en 2003, année de publication de « Pastores Gregis »
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/waiting-for-death.html