Le Memorial Day est un jour de congé officiel aux États-Unis, célébré chaque année lors du dernier lundi du mois de mai. Il rend hommage aux membres des Forces armées des États-Unis morts au combat, toutes guerres confondues.
Lorsque j’étais enfant, dans l’Ohio, on l’appelait le Jour des Décorations. Il y avait un défilé, parrainé depuis 1920 par la section locale de la Légion Américaine, pour lequel – jusqu’à ce que j’eusse environ sept ans – je m’habillais avec des vestiges de l’uniforme de mon père de la seconde guerre mondiale. Ceux-ci étaient complétés par quelques effets militaires achetés dans un surplus de l’armée et de la marine, bien que ce fût pour équiper les garçons du quartier le 4 juillet, lors de la reconstitution du lever du drapeau à Iwo Jima. Mais j’avais ce qu’il fallait et je le portais le Jour des Décorations quoique je ne crois pas y avoir jamais porté aucune des décorations de mon père : ses rubans de service lors de son passage dans le Pacifique, avant et après l’invasion d’Okinawa.
Les décorations qui donnaient à ce jour férié son nom faisaient en fait référence aux banderoles et aux fleurs que mettaient les femmes de Pennsylvanie sur les tombes des morts à Gettysburg en 1864 ; cela aussi était le 4 juillet, et il y a des gens en Virginie et Géorgie qui prétendent que cette pratique, respectivement en 1861 et 1862. Cependant, la célébration qui recueille le plus de publicité, se passait à Charleston (Caroline du Sud) où, le Jour de Mai 1865, un groupe d’anciens esclaves a organisé une journée de nettoyage des tombes et du souvenir des prisonniers de guerre de l’Union. Dix mille personnes y sont venues, ainsi que la presse dont les histoires font les évènements nationaux.
Comme l’érudit de Yale, David W. Blight, l’a dit :
« C’était le premier Jour du Souvenir. Les Afro-Américains ont inventé le Jour du Souvenir à Charleston, Caroline du Sud. Ce que vous avez ici sont des Noirs américains récemment libérés de l’esclavage qui annoncent au monde avec leurs fleurs, leurs pieds et leurs chants quel était l’objet de la guerre. Ce qu’ils étaient en train de créer était le Jour de l’Indépendance d’une deuxième révolution américaine. »
De même, s’il faut en croire le Congrès américain (pas de ricanement, s’il vous plaît), Waterloo, Etat de New-York, c’est là que tout a commencé, en 1866. Peut-être.
En 1868, le général John A. Logan ; commandant en chef de la Grande Armée de la République (précurseur de la Légion Américaine), a officiellement déclaré le 30 mai comme le Jour des Décorations. Logan avait été avec Grant à Vicksburg et avait servi dans l’état-major de Sherman, ceci juste pour mentionner deux autres personnes de l’Ohio.
Ce jour férié s’est répandu – comment cela pourrait-il pas être autrement, vu les pertes dévastatrices lors de la Guerre Civile – et est rapidement devenu un jour de discours, pique-niques et défilés, le plus ancien en 68 à Ironton (heu…), Ohio : le Défilé du Jour du Souvenir du Comté Ironton-Lawrence. Ironton est le lieu de naissance de Marion Tinsley (1927-1995), une mathématicienne « largement considéré comme une des meilleurs joueuses d’échecs de tous les temps ». Peut-être.
Les gens de Doylestown, Pennsylvanie, disent qu’ils avaient un défilé en 1867 mais je dois rejeter ça parce que c’est avant la proclamation du général Logan, même si l’État de Keystone partage effectivement une frontière avec l’État de Buckeye.
Le nom a changé pour devenir le Jour du Souvenir dans les années 1880 mais n’est devenu officiel qu’en 1967 lorsque les Fédéraux s’y mirent, et il a été véritablement gravé dans la pierre une année plus tard par le Uniform Monday Holiday Act (Acte d’uniformisation du lundi férié). Même le lundi a son uniforme !
Bon, jusqu’à présent, je suis plus que content, comme il sied lors d’un week-end de trois jours, mais il est important de rappeler – parmi les discours, les barbecues, les défilés et les films de guerre sur TCM – qu’aujourd’hui, nous ne célébrons ni mon fils (capitaine de cavalerie dans l’armée et vétéran de la guerre d’Irak) ni feu mon père (un lieutenant parachutiste), parce que leur jour est le Jour des Vétérans, qui est toujours le 11 novembre. Ils sont revenus à la maison vivants (et en bonne santé, je suis heureux de le dire).
Non, aujourd’hui, nous faisons mémoire des soldats, Marines, marins et aviateurs qui sont morts en service pour l’Amérique – et l’humanité.
Aujourd’hui, ma femme et moi irons au défilé dans la rue principale de la ville de banlieue New York, juste au nord de NYC, où nous vivons à présent, nous applaudirons les contingents de marins ou de Marines qui viennent dans le coin pendant la Semaine de la Flotte, et nous ferons signe aux vétérans qui vont aussi défiler, avec les fanfares et les scouts (garçons et filles) ; nous serons là même si, comme on le prévoit, il pleut.
J’aime bien ça quand il fait mauvais, parce que la pluie dissimule peu ou prou les larmes que je ne manque pas de verser, alors que je n’ai pas l’habitude de pleurer.
En 1985, jeunes mariés, nous avons visité le cimetière américain de Normandie, et je défie tout être humain vivant de marcher là, au milieu des croix et des étoiles de David, et de ne pas être ému aux larmes, surtout lorsque l’on arrive devant une plaque tombale où il est inscrit : « ICI REPOSE, HONORÉ DANS LA GLOIRE, UN COMPAGNON D’ARMES CONNU SEULEMENT DE DIEU. » Nous ne connaissons pas son nom. Dieu le sait.
Dites une prière pour ceux qui sont tombés aujourd’hui. Un simple merci pour ceux qui ont donné, ainsi que le disait M. Lincoln à Gettysburg en 1963, « l’ultime mesure du dévouement total. »
Et, si vous êtes le moins du monde cynique à propos de l’aventurisme ou de l’isolationnisme américain (et qui ne l’est pas ?), prenez en considération les respectueuses paroles du général Mark W. Clark inscrites sur un mur du Centre d’accueil des visiteurs au cimetière de Normandie :
« Si jamais il était besoin d’une preuve que nous avons combattu pour une cause et pas pour une conquête, on pourrait la trouver dans ces cimetières. Là est notre seule conquête. Tout ce que nous demandons… est suffisamment de terre dans laquelle enterrer nos vaillants morts. »
Brad Miner est éditeur senior de The Catholic Thing, attaché supérieur au Faith and Reason Institute et membre du bureau d’Aide à l’Église en Détresse (États-Unis). Il fut l’éditeur littéraire de la National Review. Son livre The Compleat Gentleman est disponible en version audio et pour iPhone.
Le cimetière et le mémorial américains de Normandie
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/30/enough-soil-a-mediation-for-memorial-day/
Pour aller plus loin :
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Édouard de Castelnau
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918