Un servant d’autel, tout jeune, tout jeune, monte quelques marches, intimidé… peut-être aussi par les reliques du cœur du Curé d’Ars et de Thérèse de Lisieux. Au micro, à l’ambon, son évêque, et devant lui, souriant, le cardinal Schönborn. L’enfant lui offre une icône du saint patron de tous les prêtres du monde, saint Jean-Marie Vianney, que l’archevêque de Vienne élève sous les applaudissements. C’est l’heure des mercis, à Ars.
La retraite a rassemblé du soir du 27 septembre à la mi-journée du 3 octobre, 1200 prêtres, évêques (une trentaine) et cardinaux : un événement de cette année sacerdotale donnée par Benoît XVI à l’Eglise.
Voir des photos, des infos et de nombreux liens sur l’événement sur le site www.anneedusacerdoce.org
A l’issue de la retraite, l’évêque de Belley Ars, Mgr Guy Marie Bagnard, remercie le prédicateur, le cardinal Christoph Schönborn, au nom de l’assemblée, enthousiaste. Et comment ne pas remercier Cathy Brenti et la communauté des Béatitudes qui a porté l’organisation et la liturgie ? De belles liturgies parfumées d’encens et aux ornements choisis, comme les aimait le curé d’Ars : rien n’était assez beau pour le Bon Dieu. Et aux fleurs fraîches et aimantes comme ce coussin de roses rouges entourant des fleurs blanches, placé du côté du Coeur transpercé du grand Christ couronné, vêtu comme un roi, qui trône au fond de cette église souterraine Notre Dame de la Miséricorde.
Pour les prêtres du monde
Mais on a envie de dire aussi, merci à vous, Mgr Bagnard, merci au Père Jean-Philippe Caratjé et à la société sacerdotale saint Jean-Marie Vianney, merci au recteur du sanctuaire d’Ars, le Père Jean-Philippe Nault, pour leur accueil, leur hospitalité dévouée, l’esprit qu’ils ont transmis. Leur prière constante pour les prêtres du monde. Merci aux séminaristes d’Ars, au service des tables et de l’autel.
Les remerciements de Mgr Bagnard vont d’abord au Saint-Père qui, alors en République Tchèque, a tenu à manifester à ses frères prêtres sa proximité, en leur adressant un message vidéo enregistré à l’avance et confié au cardinal préfet de la congrégation romaine pour le Clergé, Claudio Hummes, qui a présidé la première célébration eucharistique.
Entre la première célébration et l’allégresse de ce samedi, quelle richesse spirituelle ! Des trésors de fraternité sacerdotale. Le bonheur d’être prêtre, dans la charité et la vérité. Pour une mission universelle qui se reflète sur ces visages venus d’Afrique – le cardinal Christian Tumi a présidé une célébration avant de rejoindre Rome pour le synode sur l’Afrique -, de Chine – un signe des temps : 29 prêtres de Chine continentale, un de Macao, quatre de Hong Kong, trois en mission à Singapour -, de Birmanie, ou du Vietnam, du Brésil, du Canada, des îles – Marshall, Madagascar -, de Pologne… et… de Belley-Ars.
Le cardinal Schönborn les a réconfortés : « On devrait être bouleversé par la confiance que Jésus nous fait, pas seulement à ses apôtres, mais à nous tous. Il ne veut pas regarder notre faiblesse, mais son amour pour nous ose à ce point se confier à nous (…). En ce temps qui nous semble si peu printanier, c’est une invitation rester avec lui jusqu’au bout, à mettre notre espérance en lui, qui n’a pas brandi le glaive mais l’a subi. Car il est ressuscité, demeure avec nous, dans son eucharistie surtout, et nous donne de marcher jusqu’à montagne définitive ».
Car « l’Exode est notre histoire », insiste l’archevêque en soulignant l’importance du « retour vers nos racines, le mystère d’Israël, qui est la garantie qui nous prenons au sérieux le chemin de l’incarnation : Dieu a choisi ce petit peuple pour faire de lui une bénédiction pour toutes les nations. Jamais nous ne nous passerons de nos racines juives, de l’Ancien Testament ».
« Je vous en supplie, dit-il, ne tombez pas dans le piège de considérer d’autres écrits – des traditions ancestrales – comme substitut de l’Ancien Testament. Nous n’avons qu’un Ancien Testament, l’histoire de Dieu avec son peuple, histoire de la révélation, non pour s’isoler des autres nations, mais pour donner sa bénédiction à travers Abraham et sa descendance. Par le baptême nous sommes entrés dans la divinité des enfants d’Israël – comme le dit la veillée pascale -. Nous sommes greffés sur l’olivier d’Israël. La liturgie nous le rappelle si fortement. Je vous en supplie, prêchez sur l’Ancien Testament. Faites sentir aux fidèles que nous avons une histoire. Que serait l’annonce de Jésus-Christ sans l’annonce des prophètes ? »
C’est une « tentation constante » dans les diocèses de l’omettre, pourtant, « le Petit Prince, c’est très beau, mais ce n’est pas la liturgie ! »
Le lavement des pieds et la bénédiction
Ce jeudi a été consacré à l’eucharistie et à l’amour fraternel. Les retraitants ont vécu un long moment d’humble communion, dehors, sur la prairie ensoleillée. En petits cercles, dans un silence plein de pudeur, ils se sont mutuellement lavé les pieds, comme les disciples de Jésus au soir du Grand Jeudi, la veille de sa Passion, au Cénacle de Jérusalem. Et ils se sont bénis mutuellement. Jean Vanier, fondateur de l’Arche, avait préparé ce moment en disant : « La soif de Dieu est que le corps du Christ soit un ». Et après l’eucharistie, ils se sont mis en marche, pour honorer publiquement la présence de Jésus dans le Saint-Sacrement dans les rues d’Ars. Elle est belle la grande rumeur de la voix de 1200 prêtres qui acclament leur Seigneur qui passe et qui demeure au milieu d’eux.
Le cardinal Tumi a évoqué dans son homélie cette réflexion d’une paroissienne, lors d’une visite pastorale : « – Pourquoi les prêtres ne s’aiment-ils pas ? – Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? – Ils ne mangent jamais ensemble ». Justement, jeudi soir, ils ont dîné ensemble, un repas de fête, fête du sacerdoce ministériel, au service, a souligné le cardinal Schönborn de la sainteté de tout le Peuple de Dieu.
Mais « comment éviter, a aussi demandé le cardinal Schönborn, que nous-mêmes soyons pris par l’engrenage de la routine lorsque l’on doit parfois célébrer plusieurs fois dans la journée ? Comment garder la fraîcheur des célébrations ? Par de petits moments de concentration de prière, de recueillement, par exemple juste après avoir dit : prions ».
Lorsque le prêtre a du mal à se recueillir avant la messe, il peut, au moment de revêtir les ornements liturgiques – l’amict, l’aube, l’étole, le cordon, la chasuble –, préserver le silence et le recueillement « pour dire les prières faites pour ce moment-là ». Et si le prêtre est « mangé » par la paroisse et ne peut faire son action de grâce après la messe, il peut la faire « après la communion » : la chorale peut observer un silence à ce moment-là.
L’amitié avec Jésus a besoin de temps
Le prédicateur a évoqué ce « combat pour le silence » – télévision, ordinateur, i-phone – : « Il y a un endroit important, magnifique, où il est marqué « off » ! Vous avez tout à coup le silence, insupportable à l’homme extérieur, mais qui dit au prêtre de l’Eglise le symbole d’un monde qui vient ». Il a invité à lire le très beau passage du Catéchisme de l’Eglise catholique sur la prière d’oraison.
Mais l’archevêque confie aussi à ses frères prêtres que sa prière est faite de « beaucoup de bruit, avec toutes les préoccupations du ministère qui deviennent des intentions de prière ».
« L’amitié avec Jésus a besoin de temps, insiste l’archevêque. Pour les gens mariés, le partenaire est concret : « je suis là », les enfants aussi, ils ne demandent pas la permission de crier la nuit, ils crient, ils sont là ! Mais Jésus, notre ami, est très discret, Jésus ne crie pas, ne nous secoue pas. Or, aucune amitié ne tient sans le contact, la proximité, le temps qu’on prend pour l’ami. La prière est donc un combat vital pour notre vie, et une source de joie. Je vous invite à prendre cette résolution pendant cette retraite. Dire à Jésus : « Je veux me laisser importuner par toi ». Pas comme ce professeur de théologie, qui aurait parfois la tentation de dire : « Jésus, ne me dérange pas maintenant, je suis en train d’écrire un livre sur toi » ! »
Grande est notre joie
Le cardinal archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, qui a présidé la messe de samedi, comparé le retour en paroisse à la mission du Bon Samaritain: « Avec l’humilité même de Jésus, nous mettons toute notre vie comme la sienne dans le grand oui de Dieu sur le monde. La suite de cet évangile c’est le ministère que vous allez reprendrez demain, l’histoire du Bon Samaritain qui n’est que dans Luc ».
« Dieu se penche sur l’humanité dans le caniveau. Nous sommes aussi l’hôtelier, dans ta paroisse, ta communauté, nous sommes associés à l’œuvre de salut, de guérison. Nos paroisses sont appelées à être ces hôtelleries du Bon Samaritain, il nous donne des consignes : Prends soin des pécheurs, dit-il, avant de les déposer chez nous avec délicatesse ».
Le cardinal Barbarin a dit cette « joie » d’être « prêtres, consacrés… pour être « associés à l’œuvre du Bon Samaritain et pour que l’Eglise soit cette maison ouverte accueillant toute la famille humaine : grande est notre joie d’être prêtres ».
Mais, après avoir fait à nouveau l’expérience du pardon dans le sacrement de la réconciliation – n’est-ce pas la grâce du saint curé d’Ars ? -, et pour être renouvelés dans leur vocation de Bons Samaritains, les retraitants ont pu goûter la compassion du Christ dans la joie et la guérison de l’Esprit Saint. Mgr Grech, évêque australien, et Mgr Taveira, du Brésil, ont animé la soirée sur l’évangélisation dans la dynamique de l’Esprit, accompagnés de deux mères de famille qui avaient auparavant donné des enseignements sur l’affectivité du prêtre, Patti Mansfield, des Etats Unis, et la Brésilienne Emmir Nogueira.
Le cardinal Schönborn a livré cette autre clef de la vie du prêtre, en commentant le poème de Thérèse de Lisieux sur Marie : « Marie, dans la foi, c’est notre grand soutien comme prêtres ». Il a cité le saint curé d’Ars qui disait : « La sainte Vierge c’est ma plus vieille affection, je l’ai aimée avant même de la connaître ». Il avait consacré sa paroisse à l’Immaculée Conception le 1er mai 1836.
Oui à la vie
Mais la vie du prêtre est pour la mission, pour l’annonce de la vérité de l’Evangile, vérité de foi et de raison – « ce n’est pas du prosélytisme, c’est le kérygme ; nos frères ont le droit de connaître le Christ », « même les musulmans », – et l’annonce de l’Evangile de la « vie » et de la vie éternelle.
Car la vie est brève, a rappelé le cardinal viennois qui a cité cette constatation d’une sociologue allemande : « Les gens du moyen âge vivaient bien plus âgés que nous. Nous, on vit 90 ans et c’est fini ; les gens du moyen âge vivaient 30 ans, plus l’éternité, ça change tout ! »
Et de demander : « Est-ce que nous nous réjouissons réellement de la perspective d’aller au ciel ? Est-ce que nous le désirons, est-ce une réalité qui nous aide, est-ce que nous en parlons, est-ce que nous annonçons la vie éternelle, le bonheur du ciel ? »
C’est la trajectoire de tout le Peuple de Dieu, comme l’a promis dit le saint curé d’Ars au petit Antoine Givre qui lui avait indiqué Ars derrière la brume : « Je te montrerai le chemin du ciel » !
NB