Pour qui a eu la chance – ou plutôt la grâce – de connaître le cardinal Lustiger, la journée d’hier revêtait une signification très forte. Désormais Aron, Jean-Marie Lustiger a son mémorial non loin de Jérusalem, dans les jardins du monastère d’Abu Gosh. L’ancien archevêque de Paris était familier de cette communauté monastique, au sein de laquelle il lui arriva de vivre des retraites spirituelles. Son successeur, le cardinal André Vingt-Trois, qui était présent à la cérémonie hier à la tête d’une délégation de cent cinquante personnes, a souligné sur notre antenne le caractère très symbolique d’Abu Gosh. N’appartient-il pas au domaine national français sur le territoire israélien, dans un village arabe ! C’est Richard Prasquier, ancien président du CRIF qui a voulu ce monument « à la mémoire de celui qui par sa place unique contribua au rapprochement entre juifs et catholiques ». Je reprends là l’intitulé de la stèle du monastère.
Richard Prasquier a expliqué son initiative dans un très bel entretien publié par La Croix. Voilà qui ravive mes souvenirs personnels. J’ai souvent rencontré le cardinal Lustiger, auquel je dois de très beaux moments de ma vie de journaliste. C’était une vraie joie de l’interroger, car on était sûr qu’il vous répondrait toujours de façon originale, personnelle et profonde. C’était un homme de Dieu que nous rencontrions, qui avait cette caractéristique d’assumer l’héritage d’Israël et de le faire vivre pour mieux éclairer la foi en Jésus-Christ. Grâce à lui et à Jean-Paul II, dont il était très proche, l’enseignement conciliaire sur la mission du judaïsme dans l’économie du Salut prenait sa vraie consistance. On passait du notionnel au réel. Le cardinal était littéralement habité par une présence qui vous atteignait directement. Je me souviens, comme si c’était hier, de quelques grandes interventions où il avait exprimé le sens de sa vocation : « Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les apôtres. » Nous connaissons le texte de la plaque qui a été posée sur un pilier de Notre-Dame de Paris. Le cardinal ajoutait, comme il le faisait toujours : « Priez pour moi. » J’avouerai que je suis de ceux à qui il arrive de le prier, lui, comme intercesseur.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 24 octobre 2013.