La spécificité de la CFTC dans le paysage syndical français réside dans l’attention portée aux personnes et plus particulièrement aux plus démunies. Le récit d’Armel Gourmelon, « militant [de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et de la CFTC] parmi d’autres », en fournit une illustration. Lors de son retour en France après une longue absence – en mission au Malawi pour la JOC Internationale de 1964 à 1968 – il rend tour à tour visite à ses copains syndicalistes de la CFDT puis de la CFTC « maintenue » qu’il n’a pas vus depuis plus de quatre ans. Tous voudraient le voir adhérer à leur syndicat respectif ; chez les premiers dont il était proche avant son départ, on lui parle doctrine, on évoque les récents événements de mai, ses répercussions sur le monde du travail, on lui explique les raisons de la scission qui a donné naissance à la CFDT… Chez les seconds qu’il connaît peu, il est accueilli « fraternellement » ; on s’inquiète de son état de santé, de la manière dont s’est déroulé son séjour en Afrique, de ses projets ; on lui raconte la trahison de l’autre camp. Après un repos bien mérité et mûre réflexion, il finira par opter pour la CFTC « maintenue ».
Quand on connaît le parcours d’Armel Gourmelon, que le présent livre permet de découvrir, sa décision n’étonne pas. Lui-même s’intéresse aux hommes et aux femmes dont il a le plaisir de croiser la route et qui ont le bonheur de le rencontrer, à ce qui fait leur quotidien, à leurs joies et à leurs peines. Les manipulations, les arrière-pensées, les coups en douce, ça ne l’intéresse pas ; son rayon, c’est plutôt l’âme humaine. J’oserais, ici, un témoignage personnel. En juillet 1999, j’ai eu la chance de faire partie de la délégation de la CFTC au congrès de la Confédération européenne des syndicats qui se déroulait cette année-là à Helsinki. Le matin du dernier jour, Armel et moi avons fait le congrès buissonnier et déambulé dans les rues de la capitale finlandaise visitant tel temple, tel bâtiment historique, tel marché en devisant sur ce que nous venions de vivre, des débats, des intrigues de couloir, de l’avenir de la CES, du devenir de la CFTC qui s’apprêtait à vivre un congrès plus que mouvementé quatre mois plus tard au cours desquels tous les coups seraient permis même les plus vils… Puis très vite, nous avons délaissé ces considérations « politiques » voire politiciennes pour parler de nos vies respectives. Répondant à mes interrogations, Armel a balayé son parcours militant (de la JOC à la CFTC, en passant par la JOC Internationale), ses tribulations (de sa province angevine à Paris, sans oublier tous les pays du monde qu’il avait traversés), des personnes qu’il a rencontrées et avec qui il avait fait un bout de chemin… En y repensant, aujourd’hui, je peux dire que quelque chose est advenu ce matin de juillet 1999 : ce n’était plus une discussion d’homme à homme, mais une conversation d’âme à âme. Voilà ce que j’ai redécouvert à la lecture du manuscrit de ce livre qui paraîtra en octobre, et voilà ce qui attend le lecteur.
À la lumière de cette expérience, je peux dire que ce « militant parmi tant d’autres » est plus qu’un livre de mémoires, c’est une manière de faire revivre les personnes qu’il a rencontrées ; c’est un témoignage qu’il laisse à ses enfants et petits-enfants ; c’est aussi une leçon de vie au service des autres et à l’usage des générations militantes à venir. En lisant ce parcours d’un « Militant parmi tant d’autres », on découvrira, certes, les ressorts du militantisme d’Armel Gourmelon, mais aussi et surtout un homme comme on aimerait en croiser davantage dans sa vie.
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