Archiduc Otto de Habsbourg: Monarque, combattant de la liberté, catholique - France Catholique
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Archiduc Otto de Habsbourg: Monarque, combattant de la liberté, catholique

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Le jour où l’on fêtait l’indépendance des États-Unis (4 juillet 2011), l’Archiduc Otto de Habsbourg, chef de la plus ancienne maison d’Europe et héritier du trône Austro-Hongrois, quitta ce monde à l’âge de 98 ans. Il est inhumé ce 16 juillet en Autriche. Avec lui est parti le dernier représentant de la vieille Europe, ainsi que l’ultime souvenir des monarchies absolues, de la noblesse terrienne, et de l’oppression des paysans. Mais à dire vrai, la carrière politique vagabonde d’Otto était plus proche de l’idéal de liberté Américain et de l’enseignement social de l’Église catholique que des caricatures de l’ancien régime (en Français dans le texte).

À quatre ans, Otto assistait au couronnement de son père Charles, empereur d’Autriche et roi de Hongrie, en 1916, en pleine grande guerre. Charles, profondément sensible à la condition de son peuple, tenta immédiatement d’obtenir la paix, mais ni les Alliés, ni ses partenaires de l’Axe n’envisageaient une négociation sans victoire totale. Deux ans plus tard, le Friedenkaiser, ou « empereur de la paix », comme on l’appelait, était exilé avec sa famille, hors-la-loi de son pays natal où elle avait régné six-cents ans. La famille royale, sans sécurité ni ressources, s’installa finalement dans une modeste résidence au Portugal, d’où elle assista au rejet sous la pression occidentale de la monarchie au profit d’une sécurité mondiale par la démocratie.

En exil, l’Empereur Charles conserva sa dignité et son inébranlable foi catholique, refusant de céder au courroux ou à l’amertume. Il enseigna au jeune Otto les vertus et la fidélité attendues d’un monarque catholique qui se voyait non comme un autocrate despotique mais comme le père de son peuple — dont il continua à se soucier tout au long de son exil. Charles contracta une pneumonie en 1922 et mourut, laissant Otto, agé de neuf ans, chef de la famille déchue, sans avenir politique visible, mais avec un ferme sens de la foi et du devoir. Le Bienheureux Charles de Habsbourg, béatifié en 2000, tenait un crucifix aux derniers temps de sa maladie, et Otto était à son chevet afin d’apprendre, selon les dernières paroles de l’empereur déchu à son épouse, « comment on se comporte dans une telle situation — en catholique, et en empereur. »

Avant son vingt-et-unième anniversaire le courage politique d’Otto fut éprouvé lors de l’ascension au pouvoir de Hitler. Opposants à Hitler dès le début, Otto et sa famille espérèrent empêcher l’annexion de l’Autriche par le Führer en tentant une restauration, qui n’aboutit jamais. Mais Otto, altruiste, persévéra à œuvrer pour la liberté et la sécurité des anciens sujets de son père, des Juifs en particulier. À la chute de la France sous la « Blitzkrieg », Otto prit la fuite vers les États-Unis où, hôte personnel du Président Franklin Roosevelt, il continua sa tâche en faveur de l’indépendance de l’Autriche.
Otto souffrait profondément de son exil forcé loin de l’Autriche, toujours hostile envers lui et sa famille. Pour la permission de son retour, il fut contraint à renoncer au trône, acte qu’il qualifia plus tard de « pure infâmie », non parce qu’il s’attendait à régner comme son père, mais parce qu’il avait été forcé à « démissionner » de sa lignée familiale.

Lors de sa longue absence il avait forgé une philosophie politique plaçant la protection des droits de l’homme — un don de Dieu — au centre de la conduite des pays, attitude adoptée, se rappelait-il, « en ces jours maudits de Mars 1938, quand les Nazis occupèrent l’Autriche, et mes meilleurs et plus proches amis furent envoyés en camps de concentration.»

Dans un article publié en 1958 par « Modern Age », Otto soutenait que « l’existence de droits inaliénables de l’homme réfute les pouvoirs sans limites d’un état ou de toute autre collectivité.» Ces droits sont inviolables non parce qu’accordés par une majorité, mais en raison de l’existence de Dieu « puisque tout droit est issu d’une plus haute source.» Pour Otto « le souci d’une politique chrétienne repose sur la personne humaine, » et « la preuve d’un état vraiment chrétien épris de liberté se trouve non dans la règle majoritaire mais dans la protection accordée aux droits des minorités.»
Après la seconde guerre mondiale, ses expériences sur la scène politique mondiale le persuadèrent de la nécessité d’une Europe unie, et il fut élu en 1979 au Parlement Européen, où il siégea vingt ans, représentant sa nouvelle patrie, la Haute Bavière. Par une ironie typique des bouleversements politiques du vingtième siècle, l’ancien héritier d’un empire multi-ethnique fut élu en tant qu’étranger au seul poste politique qu’il eût jamais occupé, et ce, dans un organisme législatif aux pouvoirs restreints.
Selon son biographe Gordon Brook-Shepherd, Otto prit ce siège non pour une promotion personnelle, mais comme « le forum pour promouvoir les buts et idéaux qu’il avait choyés bien avant d’entrer au Parlement.» Se trouvaient ainsi le développement d’une Union Européenne fondée sur les principes moraux du christianisme, une répartition équitable des richesses, une inébranlable opposition au bloc communiste, et les droits et protections pour les minorités.

Les Américains éprouvent une suspicion innée envers les monarques, qu’ils considèrent comme des obstacles à une véritable liberté. Otto de Habsbourg était un monarque en puissance dont la carrière politique, officielle ou officieuse, fut consacrée à la défense des libertés individuelles au nom des principes moraux du christianisme. Ce grand personnage véritablement de son époque laisse une leçon d’histoire à tous les hommes politiques, principalement aux catholiques qui considèrent la moralité comme un obstacle à la popularité. Comme l’écrivait l’Archiduc voici plus de cinquante ans, « seul un état fermement fondé sur l’éthique et la moralité peut progresser vers le but de sa population, le vrai bonheur.»
Requiescat in pace.