Oui, il faut bien parler de séisme. Séisme politique, culturel, civilisationnel. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique constitue un véritable ébranlement du monde occidental, dont il est difficile de mesurer déjà toute la portée. Elle marque à coup sûr le désaveu de la classe politique installée, dont Hillary Clinton était la figure emblématique. Les directeurs du Monde et du Figaro, Jérôme Fenoglio et Alexis Brézet, se retrouvent sur un constat : la colère a gagné, même s’ils divergent sur la suite des événements et la possibilité pour Donald Trump d’incarner une véritable alternative. Ce qui est sûr, c’est que l’Amérique périphérique, à l’image de la France périphérique décrite par le géographe Christophe Guilluy, a manifesté sa volonté de mettre fin à un processus de mondialisation, qui la rend perdante à tous les coups. On parle de révolte et de revanche des « petits Blancs », avec un ton de mépris supérieur, non sans prétendre que leur sursaut ne servira à rien et qu’un tsunami arc-en-ciel ne tardera pas à les submerger.
Ce qui est sûr, c’est que la façon dont le nouveau président gouvernera est encore problématique et que la réorientation de la mondialisation pose des questions d’une complexité infinie. Mais il n’est plus possible de se voiler les yeux devant des phénomènes de fond qui ont d’ores et déjà transformé la nature du débat intellectuel et civique. La condamnation morale des révoltés passe de moins en moins, dès lors que ce sont les privilégiés du système qui accusent les perdants de manquer de générosité et d’ouverture. Tous ceux qui crient au péril du « repli identitaire » font semblant d’ignorer le défi des agressions identitaires. L’acquiescement à ce qu’on appelle le multiculturalisme et sa valorisation masquent les dommages d’une idéologie et d’une réalité très différentes de l’utopie dont on vante les mérites.
Sans doute convient-il, dans le climat actuel, de raison garder, en essayant de trouver la forme de sagesse la mieux adaptée en période de tempête. En ce qui concerne les chrétiens, et notre Église de France, le moment est venu d’une franche explication, dès lors qu’il y a incompréhension et désaccords. Nous le soulignions déjà la semaine dernière : dans un monde qui bouge, il est grand temps de se concerter pour définir des lignes de conduite. Parler le politiquement correct, ce n’est pas parler le langage de l’Évangile, car celui-ci oblige à démasquer les faux-semblants. Ce n’est pas en cachant sous la table les difficultés posées par la mondialisation, les révoltes populaires et les défis de la menace islamiste que l’on fera la vérité en soi-même et pour les autres. L’heure est venue, une fois encore, du courage.