Apprendre, dialoguer, et responsabilité de celui qui écoute. - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Apprendre, dialoguer, et responsabilité de celui qui écoute.

Copier le lien

Le lundi 15 Août a été mon premier jour à Boulder, l’université du Colorado, où je suis Professeur associé au Conservatoire de la pensée et de la politique pour 2016 – 2017. Bien que j’aie passé les 20 dernières années à enseigner dans deux petites universités privées et à Baylor, et que j’aie effectué des missions de recherche à Princeton et à Notre Dame, j’ai une certaine familiarité avec les universités grand public comme celle du Colorado. Mon premier travail à plein temps dans l’enseignement était à l’université du Nevada, à Las Vegas (UNLV), où j’avais fait mes études de B.A. et où j’ai travaillé dans le département de philosophie entre 1989 et 1996.

Bien sûr, je suis conscient que bien des choses ont changé sur les campus universitaires publics pendant les 20 dernières années. Dans beaucoup d’institutions, les termes de « micro agression », « déclenchement d’alerte », et « espace sécurisé », sont souvent employés pour que le corps enseignant, le personnel et les étudiants apprennent à devenir plus sensibles et attentifs à leur manière de se parler entre eux sur des sujets qui fâchent. On nous explique que toute l’affaire est de créer un climat sur le campus où chacun se sente accueilli, et libre d’être soi-même. En effet, ceci peut être une des raisons pour lesquelles l’Université du Colorado est sortie de ses habitudes et a créé un poste de professeur associé pour qu’il incarne un point de vue souvent mal représenté sur les campus universitaires.

Avec raison, les critiques ont soulevé des objections sur le fait de savoir si les efforts pour créer un climat de Campus pouvaient se faire au détriment de la liberté académique, sans parler d’autres convictions américaines anciennes sur la liberté de parole, la liberté d’échange d’idées, et la tolérance. Après tout, si une personne n’a pas d’espace de parole sûr, une autre peut y voir une occasion de sensibiliser les autorités ou de leur dire la vérité. Des groupes comme la Fondation pour les droits individuels dans l’éducation (F.I.R.E.) ont établi une quantité de dossiers qui, malheureusement, semblent confirmer certaines des pires inquiétudes des critiques.

Néanmoins, ceux qui s’occupent de créer un climat n’ont pas entièrement tort. Les politiques qu’ils proposent, qu’ils en soient ou non conscients, viennent de l’héritage de notre civilisation chrétienne, qui nous apprend à aimer notre prochain come nous-mêmes, à pratiquer la vertu de tolérance : « (l’amour) supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout. » (I Cor. 13 :7 – NRSV)

Ceci ne devrait pas nous surprendre, puisque, après tout, l’université moderne s’est développée à partir des universités médiévales de la chrétienté.
En tant que politiquement conservateur, qui croit que les institutions telles que la famille, les églises, et les écoles sont plus qu’un simple agrégat des intérêts et désirs de ses membres, je sympathise avec l’idée de soutenir un droit pour l’université à se concentrer davantage sur l’accomplissement de sa propre mission, aussi bien que de nourrir des pratiques culturelles et de renforcer certaines croyances en accord avec ces buts.

Mais quand il s’agit d’une université publique dans une société pluraliste comme la nôtre – une société qui contient en son sein de nombreuses interprétations opposées ou rivales de ce qu’est la bonne vie – sa mission devra inclure des éléments plus différents que ce que l’on peut trouver dans une institution privée basée sur la foi, si l’école espère accomplir sa promesse de présenter un environnement accueillant qui attache de la valeur à la diversité.

Pour cette raison, l’université publique, étant donnée sa nature publique, se doit d’être plus généreuse et indulgente envers ceux qui, dans sa communauté, ne sont pas d’accord avec l’orthodoxie culturelle et politique prévalente qu’adoptent une grande majorité de son corps enseignant, de ses élèves et du personnel.

Si l’affaire de l’université est la recherche de la vérité, il semble raisonnable de soulever la question de savoir si le projet actuel de réduire le risque d’erreur (sous la forme d’offense malvenue) est contraire à l’accomplissement des fins propres de l’université. Car la crainte de se tromper ou d’être offensé, est paralysante et non libératrice. Un monde où l’absence de risque est le but ultime est un monde où les explorateurs, les prophètes, les artistes, les philosophes et les scientifiques demeurent soigneusement médiocres. Mais si nous croyons que la vérité nous rendra libres, comme devraient le croire tous les universitaires, alors tout projet qui diminuerait la chance d’acquérir la vérité est quelque chose que, chaque matin au réveil, nous devrions être diablement décidés à éviter.

Il semble donc que les responsables du climat, bien qu’ayant raison de vouloir créer et entretenir sur le campus une culture du respect et de la compréhension, doivent ancrer leur projet dans la mission première de l’université : la découverte de la vérité, et doivent continuellement y confronter leurs propositions.

Un moyen qui pourrait aider les responsables du climat de l’université à l’accomplir est de mettre autant d’emphase sur la vertu de charité dans la manière dont nous devrions nous écouter les uns les autres, qu’ils le font sur le principe de civilité dans la manière dont nous devrions nous parler les uns aux autres. Par exemple, quand je fais un cours qui traite de questions controversées sur lesquelles il y a de forts désaccords, – par exemple l’avortement, l’euthanasie, la discrimination positive, le mariage, les relations entre les races – je dis d’abord à mes étudiants, que dans la classe tout le monde n’a pas les mêmes talents pour la rhétorique, l’articulation ou l’expression en public. Nous entrons tous dans la classe avec des degrés différents de connaissance et de force de conviction sur ces questions. Pour cette raison, quand nous discutons de ces sujets en classe, certains d’entre nous peuvent présenter leur avis d’une manière qui risque de paraître aux autres rebutante, âpre ou dure.

Nous qui les écoutons, notre rôle est de leur accorder le bénéfice du doute, d’interpréter leurs commentaires avec charité et sous leur meilleur jour. Si nous ne faisons pas de cela notre priorité, et si nous nous contentons de nous servir de tels incidents comme d’occasions de réprimander, de faire de la discipline, ou d’humiliation publique, nous risquons de nous priver de découvrir une possible vérité ou de mieux apprécier le socle de nos propres croyances. En tant que chercheurs de la vérité nous devons aussi faire de l’autocritique, ce qui veut dire qu’il se peut que nous devions considérer l’éventualité d’avoir, en première réaction, sur réagi à ce que nous avons entendu. Privilégier la première impression est un poison intellectuel. Si l’on n’exerce pas d’abord le principe de la charité, on risque de manquer tous ces bienfaits.

18 Août 2016

Source : Learning, Dialogue, and the Responsibility of the Listener

Tableau : Webster Replying to Haine by George P.A. Healy, 1830 [Faneuil Hall, Boston]

Type de contenu :
Articles
Numéros
Type de contenu :
Articles
Numéros