Ce qui s’est passé sur les rives de la Mer de Galilée (Matthieu 4:12-23) est normatif pour l’Eglise. C’était certainement normatif pour les pêcheurs eux-mêmes. L’appel de Jésus a établi le cours du reste de leur vie. Mais cela s’applique plus largement à l’Eglise elle-même. Le mot grec pour église – ekklesia – dérive du verbe appeler, convoquer. Les membres de l’Eglise ont été « appelés » hors du péché, hors du monde, dans la communion avec Dieu. Et donc nous trouvons les principaux aspects de ce que cela signifie « être appelé » dans cet appel des premiers disciples.
Tout d’abord, le Christ est le centre. « Suivez-moi » dit-il sans détour. Une traduction littérale donnerait quelque chose comme « formez les rangs derrière moi ». Le sens est clair : ils doivent faire de Lui – et de tout ce qu’Il dit et fait – le centre de leur attention et la norme de leur vie. Il ne les appelle pas à suivre une idée ou un plan. Il n’attire pas leur attention sur un protocole ou une politique. Il les dirige vers Lui-même.
C’est le modèle de la relation maître-apprenti (un jour décrite de cette manière par un maître : « vous n’allez pas apprendre ce métier, vous allez m’apprendre moi »). Jésus n’invite pas les Apôtres à apprendre telle ou telle chose de Lui. Il veut qu’ils l’apprennent Lui, afin de L’imiter. L’apostolat chrétien ne s’apprend pas dans un livre. Il s’apprend de Lui. Même les Ecritures, la Parole de Dieu écrite, n’existent que que pour nous amener à une compréhension plus profonde de Celui qui est le Verbe Incarné.
Etre membre de l’Eglise signifie placer le Christ au centre de tout. Toute l’œuvre de l’Eglise – son enseignement, ses sacrements, sa gouvernance – est prévue en fin de compte dans ce but, faire de ses membres de meilleurs disciples du Christ. Voir l’Eglise comme ayant un autre objectif quel qu’il soit (justice sociale, plaidoyer politique, activisme environnemental, etc.), c’est la comprendre de travers et en donner une fausse image.
Inversement, suivre le Christ signifie être membres de l’Eglise. Les Apôtres le connaissaient directement. Nous le connaissons à travers son Corps Mystique qui est l’Eglise. Comme il a par le passé dans son corps humain appelé les pêcheurs, de même Il nous appelle actuellement dans son corps mystique. « Suis-moi » est un appel à être des membres fidèles de l’Eglise.
Deuxièmement, l’apostolat requiert un changement. Notre Seigneur ne dit pas aux pêcheurs ce qu’ils vont faire pour Lui. Cela viendra plus tard. Pour le moment, Il leur dit ce qu’Il va leur faire : « je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ». La seule promesse de Son appel est qu’ils seront changés. Leur capacité à répondre à cet appel au changement découle de cette première conviction : Jésus vaut la peine qu’on Le suive. En raison de leur confiance en Lui, ils veulent être changés par Lui.
La perpétuelle tentation, pour un disciple, est de tordre le Christ pour qu’Il s’adapte à la vie qu’il mène. Chacun d’entre nous est enclin à dire « jusqu’ici et pas plus loin » au Seigneur Lui-même. C’est-à-dire de limiter l’ampleur du changement et de la conformation à Son enseignement. Un état de disciple renouvelé signifie un « que ta volonté soit faite » dans toute situation que nous rencontrons et en nous-mêmes. Nous ne pouvons pas être ses collaborateurs sans être changés.
Troisièmement, les qualités naturelles. Notre Seigneur appelle les pêcheurs dans des termes qu’ils comprennent. S’il avait déclaré : « je ferai de vous des prêcheurs, des évangélisateurs, des évêques, etc. », ils n’auraient pas compris. « Pêcheurs d’hommes », ça, ils comprennent. Ils connaissent le dur travail, les heures interminables, l’obstination que requiert la pêche. Ils saisissent immédiatement ce que Le rejoindre dans Son œuvre signifiera. Il intègre ce qu’ils savent déjà et ce qu’ils sont capables de faire dans Son appel divin. Etre disciple c’est abandonner nos vertus naturelles au Christ et pour le Christ. Sa grâce ne détruit pas mais perfectionne notre nature.
L’Evangile mentionne deux « vertus de pêcheur » nécessaires aux disciples du Christ. Tout d’abord, Pierre et André étaient à « jeter un filet dans la mer ». Il y a là quelque chose d’aventureux et de risqué. La mer est un lieu profond et mystérieux. Ils ne savent pas ce qu’ils vont attraper, ni même s’ils attraperont quelque chose. Etre disciple requiert cette capacité à risquer quelque chose, à faire un effort qui pourrait ne pas marcher comme prévu. Jeter le filet sans savoir ce qu’il adviendra.
Quatrièmement, parce que nous ne pouvons pas vivre perpétuellement l’aventure, Jésus appelle Jacques et Jean alors qu’ils raccommodent – donc qu’ils préparent – leurs filets pour l’ouvrage du jour suivant. A l’inverse du jet de filet aventureux, c’est un travail d’organisation fastidieux… duquel tant de choses dépendent. Par moments nous devons préparer et organiser les choses. D’où la nécessaire structure et organisation et les lois de l’Eglise. Sans cela, les filets s’entortillent et l’évangélisation est compromise.
Pour finir, être disciple requiert du détachement. Pierre et André ont suivi « à l’instant », Jacques et Jean « immédiatement » ; Toute leur vie et leur moyen de subsistance étaient sur ces rivages. Leurs familles et leurs amis habitaient dans ces villes. Mais rien de cela ne les a retenus. Ils ont tout quitté pour le suivre. « Je ne veux pas être sainte à moitié ! » s’est écriée Sainte Thérèse. Mais sans un esprit de détachement – des possessions et des plaisirs, de la famille et des amis, et même de notre propre volonté – c’est précisément ce que nous entreprenons. Il y a quelque chose qui nous retient là, maintenant. Pour Le suivre, nous devons abandonner cette chose.
Nous avons besoin d’être de nouveau appelé, d’être renouvelés dans notre condition de disciple. Retournons à la source, à ce premier appel des disciples, Notre Seigneur y renouvellera Son appel à notre égard et fortifiera notre réponse.