Alors que la tension internationale autour de la Crimée et du bras de fer qui oppose Vladimir Poutine aux Occidentaux renvoie l’opinion aux grands défis géostratégiques, les téléspectateurs sont invités à revisiter l’histoire de la Première Guerre mondiale.
On accorde une certaine importance à cette série, Apocalypse, diffusée sur France 2, parce qu’elle constituera un moment décisif de la commémoration du centenaire du début de ce terrible conflit. Laissons aux spécialistes le soin de disputer du bien-fondé de la colorisation des images d’archives de l’époque. Il me semble qu’il y a tout intérêt de réfléchir à la nature de l’événement, à ce déchaînement infernal de violence, avec ses millions de morts. Ce n’est pas seulement une guerre de dimension mondiale, c’est une guerre à l’échelle industrielle, où la puissance de l’artillerie produit un sur-dimensionnement des effets meurtriers. Cela a frappé sur le moment des témoins de premier plan. Je pense notamment, du côté allemand, à l’écrivain Ernst Jünger, combattant héroïque qui a consigné sur le terrain tout ce qu’il voyait et tout ce qu’il vivait dans un total réalisme. Celui d’un homme plusieurs fois blessé et souvent survivant au milieu d’unités presque anéanties. Passé le moment d’une certaine exaltation guerrière, Jünger avait pris conscience de cette démesure de la guerre moderne, en tentant de théoriser dans son essai intitulé Le travailleur les conséquences du vertige de la technique.
Mais Jünger me renvoie aussi à Georges Bernanos, combattant du côté français et interprétant, pour sa part, ce déchaînement technique comme la faillite de l’optimisme historique, fondé sur la foi en la raison et la toute-puissance conférée par la science. C’est pour lui une invitation pressante à explorer l’intériorité humaine, en y retrouvant toutes les coordonnées de la Révélation chrétienne à propos du mal, cette terrible blessure au flanc de notre espèce !
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 19 mars 2014.