Les temps passent vite. Une affaire chasse l’autre, une émotion bouscule la précédente et la fait sombrer dans l’oubli. Peut-être se rappelle-t-on que l’hiver dernier se caractérisa médiatiquement par une intense hystérie antipapale ? Au rebours de toute déontologie journalistique, Benoît XVI fut chargé de tous les péchés du monde. Rouvrir le dossier de ces semaines de folie, c’est s’exposer à faire le procès d’une certaine contagion mimétique qui pousse à la surenchère, au point d’inciter certains à des bassesses dont il faut souhaiter, l’orage passé, qu’ils aient un peu honte. Tel célèbre animateur télévisuel est allé ainsi rechercher le passage, au demeurant obligatoire, du jeune Joseph Ratzinger aux Jeunesses hitlériennes pour désigner l’origine de tous « ses forfaits ». Le moindre scrupule aurait dû amener l’intéressé à enquêter un minimum sur le sujet. Il aurait su alors le profond dégoût que le père du futur pape avait transmis à ses enfants à l’égard d’Hitler, de son paganisme et de ses séides. Mais tout est permis en période d’emballement médiatique.
L’anticléricalisme ferait-il vendre du papier ? Toujours est-il que certains confrères voudraient recycler les polémiques de janvier en août et reprendre les bobards du discours sur un pape réactionnaire. Ils vont pour cela rechercher l’innéfable Michel Onfray, spécialiste des haines recuites contre le christianisme, que le regretté Philippe Muray appelait « Michel Homais », par référence au célèbre pharmacien anticlérical de Flaubert dans « Madame Bovary ». La thématique ne se renouvelle guère. La vindicte à l’égard de l’Eglise empêcheuse de jouir en paix oublie que l’érotisme solaire dont on se réclame a la fadeur des médications homaisienne et même le moisi des vieux marchands frelatés. Faire revivre l’hystérie de l’hiver en été est une entreprise vaine. Elle donne pitié pour ces tristes enfants dont la haine est surtout pathétique.
Gérard Leclerc
Ndlr : L’animateur TV désigné par GL ci-dessus est Thierry Ardisson, et le dossier qui le fait réagir a été publié par l’hebdomadaire Marianne.