Compte-tenu des récentes discussions à Rome relatives au divorce, au remariage, et à la communion, il est urgent de se remettre à penser aux annulations. Les Tribunaux du mariage rendent un service appréciable à l’Église et au sacrement de mariage. Cependant, un changement radical est apparu dans la charge des Tribunaux diocésains depuis les quelques douzaines par an traitées dans les années 1960, puis avec des centaines de requêtes [dans chaque diocèse] dans les années 1990. En 1969, 338 annulations furent prononcées aux USA, en 1974, 28.918, et, dans la dernière décennie du vingtième siècle, il y en eut à peu près 40.000 par an.
Selon certains, cette forte pression sur les Tribunaux du mariage entraînèrent un comportement « coup de tampon », les tribunaux cherchaient à traiter rapidement les dossiers sans trop se soucier de conformité aux règles et à la justice. Jean-Paul II exprimait régulièrement son inquiétude à propos des annulations accordées, en particulier aux États-Unis où 6 % de la population catholique mondiale se faisait accorder 80 % des annulations.
De mon expérience avec des couples catholiques je ressens une faille de justice au détriment de nombreux époux, des enfants, et du sacrement de mariage dans les sentences d’annulation. Un exemple typique : un époux avec des enfants en bas âge, sans graves conflits dans le couple, avec de gros problèmes dans sa propre famille et des contraintes financières abandonna sa famille pour une relation adultère. L’époux refusa de se confier à un prêtre ou de consulter un thérapeute conjugal à cause de sa relation. Bien que connaissant tous ces détails, le tribunal lui accorda l’annulation.
Ce cas aurait pu être résolu de manière satisfaisante si le tribunal avait adopté une approche différente. Le Dr. Howard Markham, spécialiste du mariage à l’Université de Denver, pense qu’on peut éviter la plupart des divorces et des problèmes conjugaux, opinion que je partage après trente-cinq années de pratique.
Bien des étapes sont à franchir afin que justice soit rendue, et que le sacrement de mariage, les époux, les enfants, et la culture soient protégés. Remarque fort importante: l’époux qui sollicite l’annulation ne devrait pas être autorisé à entamer la procédure avant qu’on ait une claire connaissance de la façon dont ses propres faiblesses sentimentales et conflictuelles ont participé aux tensions conjugales et au divorce. De plus, le demandeur devrait prouver que des efforts sérieux ont été accomplis pendant au moins deux ans pour surmonter ses propres faiblesses et celles de son conjoint..
Dans l’idéal, un prêtre de la paroisse devrait être impliqué dans la tentative de prévention, incitant le couple à suivre un programme de « Retrouvaille » [en français dans le texte]. Le couple pourrait être invité à suivre une thérapie avec un conseiller conjugal fidèle aux enseignements de l’Église. [l’auteur indique des liens vers des adresses de tels conseillers aux USA, non cités ici.].
De telles conditions sont nécessaires pour une bonne administration de la justice: trop fréquemment le demandeur/demanderesse se présente comme victime de conflits psychologiques ou spirituels attribués à son conjoint. En fait, des conflits peuvent éclater à tout moment dans un couple, à divers degrés, et peuvent être résolus si chacun souhaite approfondir sa propre conscience, et les vertus de la grâce — et si le couple est soutenu au sein de la communauté catholique.
Dans notre civilisation narcissique, beaucoup d’époux qui ont brisé leur mariage, et blessé grièvement leur conjoint par leur comportement tyrannique, coléreux, distant, irrespectueux, égoïste, se sentent tout-à-fait justifiés à requérir une annulation.
De telles démarches auprès des tribunaux sont une grave offense envers la justice et le sacrement de mariage. Les membres de ces tribunaux doivent avoir une teinture de psychologie, montrant ainsi que les conflits conjugaux peuvent s’apaiser, même si le divorce a déjà été prononcé.
Une fidèle et loyale épouse dont le mari était plein d’une ambition aveugle, égoïste, écrivait récemment :
« Je suis consternée par les annulations accordées par l’Église à des mariages anciens, et par le signal ainsi envoyé au monde entier à propos de la sainteté du mariage telle que l’Église semble la considérer. Quelque chose va sérieusement de travers quand ceux-là même qui accordent de telles annulations croient en même temps qu’il s’agit d’un sacrement, d’un don reçu du Christ… Ces membres du Tribunal me faisaient penser à ce premier thérapeute conjugal que nous avons consulté, qui semblait plutôt un thérapeute du divorce, et n’a jamais rappelé à mon mari son égoïsme, ses manquements à me respecter et à m’honorer, engagement pris devant Dieu le jour de notre mariage. Ils n’avaient pas l’air d’être partisans du mariage et semblaient plutôt être des facilitateurs de divorce, tout comme le psychologue catholique que nous avions consulté.»
Son mari a refusé d’analyser le pourquoi de la priorité donnée à son ambition égoïste de carrière et n’a pas su accorder de valeur ni se pencher sur le sacrement de mariage, ni sur leurs enfants. Ce n’est pas une surprise: cet homme se croit digne d’obtenir une annulation. Et, hélas, il l’obtiendra peut-être, sans qu’on aille creuser les motifs. Les deux enfants ont de sérieux problèmes psychologiques en raison de l’infidélité de leur père.
J’aimerais équilibrer charitablement cet appel à la justice. Il y a de légitimes cas d’annulation sollicitée par des demandeurs victimes d’un conjoint qui n’a pas compris ce qu’est le mariage, ou n’a pas agi correctement. Ces demandeurs devraient bénéficier d’un suivi pastoral au cours de de la procédure en raison de leurs traumatismes émotionnels subis au fil des années.
Les membres des Tribunaux et les prêtres auraient intérêt à suivre des programmes de formation selon l’immense sagesse de Jean-Paul II, à propos du sacrement et de la psychologie montrant que les blessures conjugales peuvent être guéries.
Comme le disait le Pape à la Rote Romaine en 2002 : « Si un couple est confronté à des difficultés, la sympathie des pasteurs et des autres fidèles doit s’associer nettement et fermement à la certitude que l’amour conjugal est le guide pour une solution positive à leur crise. Sachant que Dieu les a unis par un lien indissoluble, mari et femme, avec leurs moyens humains, avec bonne volonté, et, par-dessus tout avec confiance en l’aide de la grâce divine, peuvent et devraient sortir de leurs moments de crise renouvelés et renforcés.»
Le Dr. Rick Fitzgibbons, psychiatre à Conshohocken, Pennsylvanie, dirige l’Institute for Marital Healing (Institut de Thérapie Conjugale).
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/annulments-justice-and-marital-healing.html
Pour aller plus loin :
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Les nouvelles règles d'annulation vues à la lumière de l'expérience des USA
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies