Animal stupide. - France Catholique
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La justice de Dieu
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Animal stupide.

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« Bombogenèse », c’est mon terme préféré cette semaine [début janvier 2018]. En jargon météo, il désigne ce qui vient de se produire sur la côte orientale Nord-Américaine. Ce mot s’est répandu, si ma mémoire est bonne, voici quatre ans, quand une vingtaine de tels cyclones s’est abattue sur l’Atlantique Nord en janvier-février.

Ces cyclones se produisent lors de collisions entre dépressions et zones de haute pression atmosphériques. La pression chute brutalement, et les navigateurs ont droit à un bon coup de vent. Un paquet de neige tombe le long de la côte. Mais ce n’est pas encore la fin du monde.

Les poissons y échappent sans doute dans l’Océan, mais j’ai remarqué que les animaux sur terre réagissent souvent à ces chutes de pression atmosphérique, y-compris chats et chiens. Ils savent qu’ils doivent se mettre à l’abri. Pas les humains, sauf s’ils ont entendu un avis de tempête ; mais lorsque, lycéen, je m’occupais de la station météo municipale, j’ai bien appris. Ceci grâce à mon « expérience personnelle ».

Bien des facultés humaines échappent à la plupart des gens. J’ai pris un exemple spécial, mais pourrais en citer des quantités du même genre, que je qualifierai de « grâces divines ». Nous avons la faculté de discerner d’infimes variations parmi plusieurs douzaines de sensations physiques internes ou externes (selon les critères anciens tant d’Europe que de Chine).

Nous pourrions pratiquer le « taste-vin » si nous le désirions, ou marcher sous bois en fermant les yeux. Je connais des gens sans instruction exceptionnelle capables de lire et écrire en cinq langues — ou davantage. Presque tout le monde peut apprendre à chanter, à danser, et donc faire mieux que bien d’autres. Ou, par exemple, avoir une démarche élégante.

Les grandes villes nous rendent idiots (je faisais la météo dans une petite ville). À la campagne, on saisit les petites nuances, tel le comportement des animaux. Les mots peuvent aussi prendre un autre sens si, dépouillés de la gangue des grandes villes, on y prête bien attention. L’ironie change de sens une fois débarrassée du côté « blagueur » attendu d’une audience qui n’écoute que d’une oreille. Ce qui explique le côté « décervelant » des médias d’information ou de distraction.

Bien sûr, la vanité d’appartenir à une grande métropole y remédie. On se croit plus brillant, on considère que les campagnards sont lents, et on se le démontre par de simples exemples. Nous sommes fort habiles à éviter les autos, et les pertes de piétons et cyclistes sont remarquablement réduites au fil des années. Et on est capable d’effectuer plusieurs tâches simultanément, même bâclées.

Dimanche dernier, j’écoutais (attentivement) l’homélie d’un prêtre (un de mes préférés), et je pris encore plus conscience de la dimension de la stupidité humaine. Un certain Père Philip Cleevely exposait ces paroles de saint Paul « Grâce à Dieu, vous n’êtes plus esclaves, mais fils, et donc, héririers. »

Qu’est-ce donc qui nous retient en esclavage ? Quand sommes-nous héritiers grâce au Christ ? Et quand avons-nous les moyens d’accéder à notre position d’héritiers ? Selon le Père Cleevely :

La façon pour Saint Paul de l’exprimer consiste à dire qu’à cause du péché nous sommes tels des adultes retombés en enfance, écartés des droits et devoirs de notre état de maturité. L’image est surprenante et très suggestive : le péché est une sorte d’infantilisation. Et cette infantilisation apportée par le péché, c’est nous qui allons la chercher, ou, tout au moins, qui l’aidons volontiers à survenir. Par le péché nous participons consciemment à un manque de maturité . . . Le péché se montre tout simplement comme un simple et désarmant refus de devenir adulte.

Non seulement nous nous complaisons dans le péché commis, mais nous apprécions notre conception moderne du péché. On s’imagine en proie à quelque « alternative provisoire au bien » alors qu’on est tout juste idiot.
Selon moi, cette forme d’idiotie remonte, comme bien des choses, à la Réforme et à sa nouvelle considération pour le diable. Avant la Réforme, dans l’esprit médiéval, on pouvait exprimer de la moquerie envers le diable. Mais, selon Milton, c’était une sorte de grand personnage, héros tragiquement involontaire du Paradis perdu. Les lourds pécheurs historiques — les Hitler, Staline, Mao. . . — prennent de l’importance à nos yeux alors qu’on devrait les voir tels qu’ils étaient : minuscules.

Et, pleins de vanité, nous nous flattons d’avoir « dominé le système ». Ayant rabaissé non pas le diable mais Dieu, dans notre « agnosticisme » grisâtre, nous chantons la louange du succès sans scrupule et n’avons que mépris pour les humbles « perdants ».

Toute notre conception de la liberté a été abaissée à croire bêtement que « nous avons le droit de choisir » selon notre intérêt — à courte vue. Et nous ne protestons que contre les obstacles à cette misérable liberté, y-compris les obstacles mis par la Nature qui nous a faits (un simple exemple) homme ou femme.

Nous sommes des antinomiens méconnus, et c’est pourquoi nous ne pouvons comprendre que la liberté de pécher implique la liberté devant la loi. Car si nous pouvions commettre le péché à notre gré, nous pourrions le faire librement sans transgression. Mais comme il n’en est pas ainsi, nous devons être contraints. Le choix se trouve entre humilité et humiliation.

Et nous le prenons mal car nous sommes stupides ; parce que nous ne tirons pas de leçons ; parce que nous ne grandissons pas, et n’agissons pas en adultes. Car l’accès à une meilleure vie — à l’éternité qui nous est destinée depuis le commencement — est à notre portée. Il n’est nulle direction à prendre, nul lieu où séjourner, hors de notre portée.

« L’homme est né libre, mais partout il est dans les chaînes. » selon Jean-Jacques Rousseau. Il a tout faux. L’homme naît dans les chaînes, mais il peut, s’il le souhaite, gagner la liberté. Il n’a rien à perdre, si ce n’est sa stupidité.

5 janvier 2018.

Photo : Blizzard à Ithaca (État de New York), 1888.

https://www.thecatholicthing.org/2018/01/05/the-stupid-animal/