Une femme originaire de Lettonie était chez moi cette fin de semaine et a explosé en apprenant l’éclat d’Andrew Cuomo, gouverneur de New York, qui avait déclaré qu’il n’y avait pas de place dans cet Etat pour les militants anti avortement et les supporters du mariage traditionnel.
« Cela me rappelle ce que j’ai vécu sous le communisme dans mon pays d’origine, où nous n’avions pas le droit de parler de religion en public. Quand je suis venue ici, j’étais si heureuse d’être dans un pays où on pouvait parler et agir librement. Mais maintenant, cela a changé.
En effet.
Nous sommes encore loin du vieux pacte de répression de Varsovie, mais il y a quelque chose dans sa réaction sur quoi il est bon de se pencher. On ne peut pas continuer à permettre que ceux qui pratiquent une religion traditionnelle et affirment convictions morales soient insultés et menacés en public, sans que cela nous conduise à pire !
Le pape François a dit aux jeunes au Brésil lors des Journées mondiales de la jeunesse de « faire du remue-ménage ».
Eh bien voilà quelque chose qui mérite qu’on fasse du remue-ménage.
Ma lettonne a blâmé les évêques. « Dans mon pays, ils n’avaient pas le droit de s’exprimer, alors qu’ici, ils le peuvent encore. » Ce n’est pas entièrement juste. Nos évêques se sont exprimés à propos de la liberté religieuse, particulièrement depuis qu’ils ont touché le fond avec les amendements de l’« Obamacare ». (Au moment où j’écris, cependant, il y a 48 heures que Cuomo a fait sa déclaration et il n’y a aucune réaction du Cardinal Dolan, ni de l’archevêché de New York.)
Toujours est-il qu’elle n’a pas entièrement tort. La hiérarchie américaine a été très loquace au fil des années, sur toutes sortes de sujets. Et c’est une partie du problème. Mon ami l’historien James Hitchcock a un jour remarqué sèchement qu’au cours des années 1950, la conférence des évêques intervenait même sur la sécurité routière. « Ils l’approuvaient. »
Plus récemment, le problème n’est pas qu’ils n’ont rien dit, mais que très peu de gens, même parmi les catholiques (par exemple Andrew Cuomo), ne les écoutent. Et notre hiérarchie passée et présente, en est un peu responsable.
C’est maintenant une vieille histoire, celle de la manière dont les évêques ont permis qu’il y ait des dissensions dans l’Eglise. Ce n’est pas particulièrement important de savoir si ce qui a pris racine dans la révolution culturelle des années 1960 les a purement et simplement submergés ou s’ils auraient pu faire mieux et ne l’ont pas fait. Pour faire court, nous sommes arrivés à un point critique, et il est temps d’agir.
Mais cela ne concerne pas seulement les évêques.
Ils ont perdu le contact avec un grand nombre de catholiques américains dans les années 1960, 1970, l’ont partiellement retrouvé sous Jean Paul II, puis perdu à nouveau avec la crise des prêtres pédophiles. C’est triste à dire, JPII lui-même n’a pas réglé ce problème des abus sexuels.
Mais maintenant, c’est purement théorique.
Par le passé, les évêques, tout comme d’autres chefs religieux, comptaient sur une véritable armée de « co-combattants », depuis les organisations de base et les officiels des instances locales et des Etats, jusqu’à des organismes importants, et des politiciens – catholiques ou non – de niveau national, principalement si quelqu’un se voyait assurer qu’il n’y avait pas de place pour lui en Amérique.
Tout cela est fini. Aussi, il est temps pour les US d’agir – nous tous ! Il nous faut mettre de côté nos illusions sur la manière dont nombre de nos concitoyens nous voient à présent : Si l’on est contre l’avortement, on déclare « la guerre aux femmes », et si l’on affirme comme la Genèse « Homme et Femme Il les créa », l’on est « homophobe », et l’on « répand la haine ». Et l’on est un « extrémiste ». Vraiment.
J’imagine qu’Andrew Cuomo va marmonner quel qu’excuse comme quoi il parlait dans le feu du moment, en s’opposant aux politiciens. Il sait aussi, bien sûr, qu’avec les membres plus radicaux de son parti, ce sera un pas vers la présidence.
Mais catholiques de culture, attention ! En 1984 le père d’Andrew, Mario, a fait un discours à l’université Notre-Dame où il affirmait l’idée que les catholiques peuvent être « personnellement opposés », et ne pas soutenir les lois qui protègent l’enfant à naître. Les catholiques libéraux et les libéraux plus généralement, ont applaudi. Mais comme cela arrive quand on vend son acte de naissance pour un gâchis de potage, Mario s’est évanoui dans la nature. Il ne s’est jamais approché de la Maison-Blanche.
Il est probablement inévitable que, dans une culture post chrétienne, l’État devienne non seulement non chrétien, mais positivement anti chrétien. Mais qui dit qu’une culture post-chrétienne est inévitable ? Ce que la volonté humaine a fait, peut être défait.
Ce n’est pas seulement un problème américain : cela se passe dans toutes les démocraties développées du monde – qui, avec l’aide de l’ONU, voudraient bien l’étendre encore plus loin. Aussi est-il impossible de surestimer le problème qui existe de nos jours entre l’Eglise et l’Etat.
Mercredi prochain, comme c’est le cas depuis 41 ans, des dizaines de milliers de personnes viendront de tout le pays sur le Mall à Washington pour manifester contre l’arrêt Roe contre Wade. Ce combat n’a pas été perdu et a même réussi à faire que les antis avortement soient légèrement majoritaires en Amérique.
Mais protester contre l’avortement n’est désormais plus suffisant. Il nous faut de l’action – tous les jours, partout, la tyrannie anti chrétienne et anti religieuse se manifeste. Je ne sais pas s’il y a des protestataires devant la résidence de Cuomo cette semaine, mais que diable, il devrait y en avoir.
Ces protestations peuvent ne pas être jolies, ni particulièrement « civiles ». Mais nous avons laissé trop longtemps les autres définir quel était l’étiquette sociale qui convenait pour en finir avec les outrages, alors qu’ils ne l’observaient même pas eux-mêmes.
Et nous ne pouvons même pas être sûrs que nos systèmes populaires, et démocratiques pratiquent une quelconque neutralité parmi les différentes croyances de leurs populations. Nous le savons de triste expérience, ce soi-disant équilibre finit presque toujours par retomber sur la tête des chrétiens.
Un jour, Thomas Jefferson a déclaré que cela lui était égal que son voisin croit en un seul Dieu ou en vingt : « cela ne pioche pas dans ma poche, et ne me casse pas la jambe. »
L’Amérique a bien changé depuis. Bien des gens de nos jours ont eu les poches vidées, et les jambes cassées – et pire, – à cause de ce que leurs concitoyens croient ou ne croient pas. Et le pire de tout, c’est que certains maintenant considèrent – non sans raison – qu’ils peuvent impunément ne tenir aucun compte, des croyants traditionnels.
Mais cette fois, c’est fini. Il faut que les évêques se redressent. Mais vous aussi et faisons du remue-ménage !
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/andrew-cuomo-and-the-sins-of-the-fathers.html
Robert Royal est le rédacteur en chef de « The Catholic Thing ».
Photo : Andrew Cuomo et son épouse Kerry Kennedy en 2002