Rien ne symbolise mieux la vocation de Rome que la fontaine du Bernin, sur la fameuse place Navone. Au moment même où naissent les missions à travers le monde, au XVIIe siècle, les quatre fleuves représentés par le sculpteur symbolisent les quatre continents où l’Église a vocation à rayonner de l’universalité de sa foi. Mais cette fontaine comporte aussi un centre : cet obélisque vertical auxquelles sont suspendues la tiare papale et les clefs de saint Pierre.
Comment mieux dire qu’à Rome, le génie exclusif de l’Église catholique est de rassembler à la fois l’unité et la diversité, le centre et les périphéries, en une même charité pour tous les hommes, remarquait le dominicain Olivier de La Brosse. Bien loin du discours moderne qui voudrait les opposer, et ôter à l’Église la force que lui procure son cœur battant et toujours vivant : le siège de Pierre. Récemment, on a vu ainsi des épiscopats allemand et belge, notamment, tester la capacité de Rome à maintenir une unité fragilisée par des positions de fond divergentes, sur la question de la reconnaissance de l’homosexualité par exemple…
Fortes tensions en Allemagne
À vrai dire, ces tensions très aiguës – le mot de schisme est évoqué –, ne sont pas nouvelles : « L’Église universelle ne peut être conçue ni comme la somme des Églises particulières, ni comme une fédération d’Églises particulières », avait déjà prévenu Jean-Paul II en 1987.
C’est dire aussi que les interrogations actuelles ne trouveront leur réponse que dans une réaffirmation de la foi de l’Église, son Credo, face au relativisme qui affaiblit la notion même de vérité parmi les croyants. Et ce renouveau ne pourra venir in fine que de Rome, même si des fidèles et des pasteurs courageux auront maintenu la foi durant ces périodes de trouble. Car nous croyons que « les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur elle ».
C’est pourquoi il importe de faire renaître cet esprit romain dont la France a été le fer de lance, la « fille aînée ». « Rome (…) est pour les chrétiens du monde entier comme une seconde patrie », affirmait Pie XII en 1950. Pourquoi ? Parce que Pierre et Paul, les colonnes de l’Église, y sont morts, et beaucoup de martyrs, missionnaires et saints à leur suite, fécondant par leur sang l’Église pour les siècles. Ces profondes racines sont donc celles de l’humilité, n’en déplaise à ceux qui, là encore, voudraient désunir la pompe romaine de la pauvreté évangélique… Ce sont au contraire les « deux hommages que nous voulons rendre au Christ éternel », disait le cardinal Journet.
Cette science, cette âme romaine qui unit plutôt que d’opposer en vue de la mission, est celle des saints. Peu sans doute l’ont mieux incarnée que saint Philippe Neri, pourtant Florentin d’origine. En un temps où, relève Newman, « le Seigneur semblait dormir dans la barque de Pierre », il devint l’apôtre d’une Rome redevenue païenne sous l’influence de la Renaissance. En cherchant non pas à évangéliser les peuplades lointaines, mais d’abord à regagner à la foi les tièdes et les hésitants, près de chez lui, par des processions, des pèlerinages dans les églises de Rome, par des temps de prière devant le Saint-Sacrement – les Quarante-Heures –, et par des conférences sur l’histoire chrétienne. En France, il reste encore 80 % de baptisés (revue Mission, 2022) : redevenons romains !