Assez de discussion sur savoir si le cardinal de New York Timothy Dolan devrait excommunier le gouverneur Andrew Cuomo et ce que diraient les médias, les partisans politiques de Cuomo, le Planning Familial ou qui que ce soit d’autre d’une telle décision. Je n’ai pas de désaccord particulier avec ceux qui appellent à cela, si ce n’est faire observer que, en fait, la décision est du domaine de l’évêque. Ce n’est pas le point le plus important.
L’excommunication, dit le cardinal, serait politiquement contre-productive. Ceci n’est pas un jugement ecclésiastique mais un jugement séculier. Dans ce domaine, le cardinal Dolan est par définition – et selon l’enseignement de l’Eglise – pas davantage une autorité que n’importe quel membre de son troupeau.
Alors, comment pouvons-nous évaluer la sagesse de l’appel de Dolan sur la politique en cette matière ?
Nous aurions besoin de savoir ce que signifierait « productif » en vue d’estimer si l’excommunication du gouverneur aiderait ou ferait obstacle. Nous aurions besoin de savoir quelle stratégie est actuellement mise en œuvre pour savoir si une action particulière fait partie ou non du plan. Mais rien ne ressemblant vaguement à une stratégie politique catholique pour changer la trajectoire de chute définitive de l’état de New York dans la folie du meurtre d’enfants n’est proposé.
Une stratégie pourrait être : améliorer la formation morale des catholiques new-yorkais au point que Andrew Cuomo et sa clique devraient un jour se soucier de ce qu’ils pensent sur ce sujet.
Quelle est la stratégie du cardinal Dolan pour catéchiser (il faudrait peut-être plutôt dire évangéliser) les catholiques de New-York jusqu’au point où, comme électeurs, ils ne vont plus soutenir ce genre de choses ? Y a-t-il une stratégie ?
Le diocèse de Dolan compte près de 3 millions de catholiques, un tiers des résidents. New York est considérée comme une des villes américaines les plus catholiques, et l’état de New York est l’un des états les plus catholiques de la nation en terme de population. Les catholiques sont le groupe religieux le plus nombreux de l’état de New York.
Mais si vous regardez ces déclarations pour savoir combien de catholiques new-yorkais vont voter pour réélire Cuomo ou tout autre législateur ayant voté pour cette monstruosité, le nombre qui importe vraiment pour toute stratégie politique pro-vie est beaucoup plus réduit.
Le gouverneur Cuomo a gagné sa réélection avec 59% des votes au niveau de l’état. L’archidiocèse de Dolan a fourni à Cuomo plus du tiers de ses votes, et a voté pour lui à peu près dans les mêmes proportions que le reste de l’état. A regarder les comtés de Dolan gagnés par Cuomo, l’effet est encore plus dramatique : un petit tiers du total des votes pour Cuomo à l’échelle de l’état vient de ces comtés, où il est passé avec 66%. Si on se concentre sur la ville de New York seule, Cuomo a gagné le cœur de l’archidiocèse de Dolan avec 86% à Manhattan et 90% dans le Bronx.
Ces faits démontrent deux choses. Premièrement : faire une différence rapide et significative dans le paysage politique new-yorkais sur l’avortement est probablement un but à court terme irréaliste pour le cardinal. Alors pourquoi qui que ce soit se soucierait-il de l’excommunication de Cuomo, marginale par rapport à un tel but ? Vous pouvez tout aussi bien vous demander quel effet la radiation d’un compte Netflix aurait sur la colonisation de Mars ?
Deuxièmement : le cardinal Dolan a un besoin urgent de faire quelque chose de plus efficace pour évangéliser tout son troupeau ou il continuera de voter pour des complices zélés du meurtre légal des enfants. Pour le moment, dans toute controverse privée entre Cuomo et Dolan, presque tous les gens du cardinal soutiennent le gouverneur. Il a besoin de changer cela.
Les esprits raisonnables vont diverger sur ce qui serait fructueux. Mais qui dans la chancellerie se préoccupe de ce que les ennemis de l’Eglise pensent des efforts d’un évêque pour aider les catholiques à comprendre que vous ne devriez pas voter pour ceux qui font une priorité principale de liquider les enfants à naître ?
Une réforme catéchétique, liturgique et disciplinaire n’est pas chose aisée. Mais ce sont les seules « ressources » dont dispose l’archevêque de New York pour former ses ouailles jusqu’au point où, comme électeurs catholiques, ils se mobiliseront contre la barbarie. Aucune des autres responsabilités du cardinal Dolan ne contribue de manière significative à cet effort. Ils peuvent avoir une valeur secondaire pour certaines des entreprises de l’Eglise, mais ils ne vont pas rendre davantage pro-vie les catholiques de la Grosse Pomme.
Quel que soit le bien qu’ils fassent par ailleurs, aucun des contrats publics ou des collectes philanthropiques pour procurer des services sociaux dans l’archidiocèse de New York ne procure une formation morale solide ou le courage pour marquer les esprits des électeurs catholiques sur ce problème. Aucune des relations du cardinal Dolan avec les politiciens, relations par ailleurs appropriées et probablement utiles, n’enseigne aux croyants comment traiter ces politiciens dans l’isoloir sur ce problème [de l’avortement].
Le grand rassemblement de la Saint Patrick à lui tout seul ne donne pas aux New-yorkais le zèle du saint patron de l’Irlande, ni quoi que ce soit de plus propice à la vertu et au bien-être spirituel autre qu’une tournée des bars. Le Al Smith Dinner (repas caritatif) peut bien ramasser gros pour l’Eglise, il ne forme pas les consciences, peu importe le nombre de téléspectateurs du réseau câblé que l’on atteint par ce moyen.
Si le cardinal veut tenir tête à Andrew Cuomo sur l’avortement en ayant une foule derrière lui, il va avoir besoin de quelque chose de « productif » pour regagner les gens.
Je ne veux pas dire par là que le cardinal Dolan ne se soucie pas des plus importantes de ses responsabilités ou ne s’y applique pas honnêtement et avec compétence. Mais c’est pour dire que si il pense que les considérations politiques imposent que « ceux qui sont opposés à l’Eglise » sont pour le moment un public plus important que « ceux qui adhèrent à l’Eglise », il ne comprend pas ce que sont ou ne sont pas ses opportunités politiques.
Le seul moyen pour lui d’améliorer ses chances politiques est de donner la priorité à la formation de ses ouailles plutôt que gérer des optiques ou manipuler ce que les ennemis de l’Eglise disent de lui.
Alors bon, si excommunier Cuomo devait miner un plan pour faire des croyants de New York un rempart plus efficace pour la défense des enfants à naître, il faut à tout prix n’y plus penser.
Mais si ce n’est pas le cas, par pitié, qu’on ne dise plus que ne pas le sanctionner est une bonne politique.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/05/two-on-abortion/
Tony François est procureur principal de la Pacific Legal Foundation, où il est spécialisé en lois constitutionnelles et environnementales. Il vit avec sa famille à Sacramento (Californie). Les opinions exprimées lui sont personnelles [et ne sont pas obligatoirement celle de la fondation.]
Illustration : capture d’écran d’une illustration d’un récit en ligne sur la récente loi sur l’avortement à New York , avec la juxtaposition inopinée d’une publicité « qui fait la paire ». (Ballonné ? Constipé ? Evitez ces trois aliments pour améliorer votre santé digestive.)
Pour aller plus loin :
- Le gouverneur Andrew Cuomo devrait-il être excommunié ?
- Andrew Cuomo, un catholique anti-catho.
- Catholiques, on ne veut pas de vous dans l'État de New York
- Retour sur 1984 : l'archevêque O'Connor contre le gouverneur Cuomo.
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies