Cette année, il semblerait que le mondial ait été un cadeau de Dieu au Brésil.
Pas tellement le mondial en lui-même, ni même le plaisir d’accueillir l’événement, qui se termine enfin demain ! Dieu soit loué !
Comme de nombreuses autres nations, il semblerait que le pays entier ait été scotché devant les écrans alors qu’il regardait son équipe nationale, dans laquelle il avait placé un investissement émotionnel démesuré, être anéantie par l’équipe allemande.
J’ai vu une partie du match sur grand écran dans un bar de Toronto.
Dans des circonstances normales, il est inconcevable que je sois pris en flagrant délit dans une telle situation. Pour moi, le pub : OK. La bière : OK. La camaraderie : OK. Prendre son après-midi : OK. D’une certaine manière, le grand écran a fait mentir tout ça.
Je venais juste d’apprendre par un commerçant que les Allemands avait marqué 5 buts à la moitié de la première mi-temps. C’était impensable, insensé. Ma curiosité était piquée.
Vous avez donc compris que je n’encourageais pas les Chleuh. Je satisfaisais peut-être une certaine jubilation, en témoignant d’une sorte d’ingénierie allemande, « traversant une fête de samba » comme l’a dit si bien dit un client du bar.
(La religion arrive, mais le noble lecteur doit l’attendre patiemment.)
Ce genre de match de football, ou de quel qu’autre sport, contribue au développement de la légèreté de leur jeu. Je me souviens d’un match de football à l’école au siècle dernier. Nous avons battu l’équipe adverse, 10-0. Bien que je n’ai pas vu le match, je me rappelle que ça n’avait été pas joli.
Je me rappelle un élève qui a joué. Il m’avait impressionné comme un « saint innocent», avec un sens de l’humour prononcé, qu’il ignorait lui-même. Il a dit que l’entraîneur leur avait dit à la mi-temps de s’arrêter à 9 buts, car « deux chiffres serait de l’impolitesse ». Par la suite, il ajouté que notre équipe a joué très gentiment lors des 30 dernières minutes, après que le 9ème but ait été marqué. Alors comment sont-ils arrivés à 10 ?
« C’était inévitable. Ils ont mis un but contre leur camp ».
J’ai eu de la compassion pour eux. Même chose pour les pauvres Brésiliens. En effet, il faudrait être assez dérangé pour apprécier une telle humiliation ! Et pourtant, jusqu’à aujourd’hui, l’orgueil prédomine avant une chute.
Le football américain, le football ou encore le kickball, comme j’ai été amené à l’appeler par un ami d’Houston, défenseur du football américain de l’équipe Texas A&M, impliquent certaines compétences. J’ai remarqué que tout le génie allemand était dans la manipulation du ballon avec leur tête et non leur pieds. J’étais modestement respectueux du style de certaines superstars du passé comme Pelé au Brésil, Maradona en Argentine, Eusébio au Portugal et George Best en Angleterre.
Je suis d’autant plus persuadé que, comme dans d’autres sports, il y a des supporters qui apprécient un tel génie, des connaisseurs qui applaudissent, même si le joueur est d’une autre équipe.
Il y a un autre facteur, ni sur le terrain ni dans les gradins, qui est au plus mal dans la compétition internationale. C’est la démonstration d’une stupidité, blâmée par certains, négligée pour nous, souvent plus sordide lors d’une défaite que lors d’une victoire.
Au Canada, un pays « supposé paisible », il y a eu des bagarres de supporters qui ont mis la ville sens dessus dessous, à cause de la défaite en finale du tournoi de hockey sur glace de la « Stanley Cup », aussi bien à Vancouver qu’à Montréal. Beaucoup ont été arrêtés car ils prenaient des photos alors qu’ils se bagarraient.
L’horreur du sport au niveau professionnel, la corruption au cœur du mouvement olympique, ne sont plus des nouvelles. (Un autre client du bar a dit : «La stratégie du Brésil pour gagner la coupe du monde a mal tourné lorsqu’il s’est rendu compte que les allemands n’acceptaient pas les pots-de-vin ».)
La violence et le vandalisme qui y sont associés ne datent pas d’hier, comme par exemple les émeutes de Nika de Constantinople, il y a de cela une quinzaine d’années. La moitié de la ville fut détruite après une course de char, et le nombre de morts fut estimé à des dizaines de milliers. Ensuite, comme c’est souvent le cas maintenant, les grands professionnels du sport ont fourni un lieu pour régler les rivalités communes.
Les chrétiens se remémorent alors les rugissements du Forum romain.
D’après ce que j’ai compris, le Brésil fait parti des cas les plus sévères des « nations du football ». Comme quelques commentateurs, eux-mêmes brésiliens, ont expliqué, l’identité nationale de ce vaste pays est façonnée par le football. Ils exposent aux étrangers la profondeur de la désolation brésilienne, en perdant à domicile, par un tel écart de point lors d’un match aussi important.
Bénis soient leurs cœurs imprudents. A Belo Horizonte, la foule immense a commencé à supporter l’équipe allemande pendant la deuxième mi-temps, et a hué amèrement tout ce que faisait leur propre équipe. J’ai même vu une photo d’un supporter brésilien manger son maillot. Il ne pourrait pas y avoir de meilleure preuve de traumatisme.
Cette défaite pourrait être considérée comme le cadeau de Dieu.
En effet, le Brésil est une nation profondément chrétienne, et catholique, qui a abandonné sa foi pour ses idoles. Et pas d’une façon subtile et délicate, qui demanderait une analyse détaillée pour en déterminer les causes, mais de façon tout à fait explicite. L’idolâtrie est parfaitement évidente.
Toute la subtilité est là: des supporters qui s’identifient pleinement à leur équipe. Aucun humour et encore moins de prise à la légère. Ce n’est pas « juste du sport » ou « juste un match ». Au delà de l’idolâtrie, on commence à voir l’élément de l’adulation de soi, qui est à la limite du diabolique.
Nous assistons à un nationalisme et un communautarisme fanatiques, à l’adoration d’un homme par un autre homme, cet homme avec lequel le Diable, lui-même, a remplacé la spiritualité, et a essayé de mettre en échec l’Église universelle.
Mais, dans ce cas, Dieu s’est empressé de réagir avec un cadeau, sûrement refusé par les Allemands, mais généreusement offert aux Brésiliens: « Ne mettez pas votre foi dans le football. »
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/germany-7-brazil-1.html
PHOTO : C’est juste un match
David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un journaliste de Ottawa citizen. Il a une profonde expérience du Proche et de l’extrême Orient. Son blog, « Essays in Idleness » est maintenant disponible.
Pour aller plus loin :
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- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Édouard de Castelnau
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité