Alice au pays des merveilles - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Alice au pays des merveilles

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Le troisième cycle universitaire peut être un endroit froid, implacable : règlements et normes changeant tous les semestres, professeurs supportant mal d’être dérangés, peur constante que, même si on a traversé avec succès toutes les terreurs et les obstacles, obtenir un vrai boulot peut être aussi illusoire que le mirage de l’eau qui, dans les déserts, entraîne désespérément les gens toujours plus loin.

Parfois, cependant, on trouve un oasis au milieu de la sécheresse du désert : il ne déborde pas d’eau physique (bien qu’un café gratuit soit agréable) mais de la sorte d’ »eau vive » qui nous fait comprendre ce dont le Christ parlait avec la Samaritaine au puits de Jacob. L’« eau vive » garde votre esprit en vie et vous donne l’espérance, vous fait vous sentir à l’aise, « comme chez vous », quand tout autre chose vous rabaisse, menace de vous démolir et vous jette dehors comme « inapte ».

L’« eau vive », comme Jésus l’enseigne à la Samaritaine, ne vient pas d’une source ni d’une institution. L’ « eau vive » ne peut venir que d’une personne. Les chrétiens croient que l’ « eau vive » a toujours sa source ultime en Jésus-Christ. Mais nous savons aussi que des êtres humains peuvent devenir – vraiment, sont créés pour devenir les instruments de cette grâce.
Pendant mes années de troisième cycle, l’oasis pour beaucoup de pauvres âmes se trouvait au Centre Jacques Maritain de l’Université Notre-Dame, et l’eau vive coulait à flots de deux âmes : feu le grand Ralph McInerny et son humble, toujours consciencieuse, fidèle et aimante assistante d’administration et partenaire-dans-la grâce, Alice Osberger, «  une mère d’adoption » pour beaucoup d’entre nous, aussi bien que la mère de ses quatre enfants à elle. Qui s’en est allée dans la paix cette semaine et est enterrée aujourd’hui.

J’écris ces mots sachant qu’il y aura littéralement des centaines de gens qui sauront exactement de qui je parle, à cause de son engagement, qui a duré des décennies, aux côtés de McInerny dans ses innombrables projets que faisait celui-ci pour développer l’Eglise, nourrir la foi catholique et transmettre la sagesse de saint Thomas. (De Ralph, sa femme Connie avait l’habitude dire : « Il se réveillait chaque matin avec un autre plan pour sauver la civilisation occidentale. ») Parmi les projets de Ralph auxquels a contribué Alice il y a eu le magazine Crisis, les séminaires d’été sur les Fondamentaux du catholicisme, le Dossier catholique, l’Association des Universitaires catholiques, les Instituts Thomistes d’été, l’Université catholique internationale, l’Institut médiéval de Notre-Dame, l’Association Maritain américaine, The Catholic Thing : la liste pourrait continuer. Pendant des années elle fit tout cela tout en assurant le secrétariat de l’Institut médiéval de Notre-Dame, et plus tard du Centre Jacques Maritain.

De chaque projet auquel participait Ralph McInverny , Alice était le cœur, faisant les écritures, remplissant les formulaires, expédiant les lettres, conservant les livres et s’occupant de la logistique. Ralph McInerny avait beaucoup de dons, mais la paperasserie et la tenue des livres n’en faisaient pas partie. Je le vois encore un jour fourrageant désespérément dans la photocopieuse et criant désespérément : «  Alice, au secours ! » Elle vint avec grâce, prit doucement des mains de Ralph le chargeur de papier de l’imprimante et arrangea les choses. Ralph aurait été le premier à admettre que rien de ce qu’il faisait n’aurait été possible sans Alice.

Chaque été pendant des années j’ai eu l’immense grâce de revenir au Centre Maritain, aujourd’hui sous la direction compétente de John O’Callaghan, et chaque fois j’ai eu la joie d’être accueilli par le joyeux hello d’Alice. Tout l’été elle veillait sur moi, s’assurant que mes papiers étaient en ordre pour que je puisse me garer, utiliser la bibliothèque et faire toutes les choses essentielles qu’on fait dans une université.

Pour tous ceux qui connaissaient Alice – peut-être l’ayant rencontrée à un institut d’été ou parlé avec elle au téléphone – permettez-moi d’apaiser une certaine crainte. J’ai vu Alice vendredi à son départ du travail. Elle était encore alerte, faisait une promenade chaque jour au moment du déjeuner et assurait encore le travail de trois secrétaires. Elle sourit et dit : « Passez un bon week-end » Je lui dis de faire la même chose, exactement nous l’avions fait chaque jour à 4 heures pendant de nombreux étés. Pendant le week-end elle a eu une attaque et lundi elle était aux urgences entourée de sa famille aimante. Le matin du troisième jour, elle est morte tranquillement et a été reçue dans le sein du Seigneur. Elle avait 87 ans.

Vous pourriez penser que j’ai intitulé cet article « Alice au pays des merveilles » pour suggérer qu’Alice (Osberger, pas Liddell) est maintenant au « Pays des Merveilles » (c’est-à-dire, le « Ciel »). Pas tout à fait. En réalité j’ai toujours trouvé que le « pays des Merveilles » était un endroit plutôt menaçant : étrange, excitant, bizarrement beau mais pas un endroit où l’on voudrait demeurer longtemps.

Non, je pensais au « Pays des merveilles » avec toutes ses caractéristiques bizarres comme une métaphore de la vie universitaire. Chacun peut créer ses propres associations, elles sont assez évidentes (Dodgson, alias Lewis Carroll, après tout, ; était un professeur d’université). Parmi les professeurs lesquels sont « des chapeliers fous » ? Parmi les administrateurs qui sont comme e Chat du Cheshire, un sourire avec rien derrière ? Parmi les bureaucrates de niveau moyen, quels sont des lapins blancs, toujours l’œil sur la pendule et toujours en retard ? Qui dans la faculté sont Tweedle-Dee et Tweedle-Dum, toujours en train de se battre et de se contredire ? Et ensuite il y a Humpty-Dumpty, le personnage – faculté ou étudiant – dont la vie est toujours en train de s’effondrer et qui ne peut jamais en « recoller » les morceaux ».

Non, ce monde est « le Pays des merveilles » ; rempli de merveilles, abondamment, mais pas un chez soi. Notre Alice le traversait de bonne humeur, avec des manières douces et portant intérêt à toutes les bizarres créatures du Pays des merveilles. Mais la chère Alice est partie, elle a retraversé le miroir, pour un monde plus réel où elle voit notre Seigneur « non à travers le miroir mais face à face ».

Je suis bien sûr qu’Alice maintenant prend plaisi au banquet céleste, mais ces folles tea parties du Lièvre de Mars ne seront jamais tout à fait aussi heureuses sans elle.

8 juillet 2016

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/08/alice-in-wonderland/

Photo : Alice Osberger et son mari Dan, comme ils l’étaient il y a quelques années et sont maintenant à nouveau.