« Aimer l’Église », c’était une formule familière au cardinal Jean-Marie Lustiger. « Aimer l’Église » en dépit de ses défauts qui sont évidents, surtout en certaines périodes de crise et de scandale. Aujourd’hui nous mesurons la difficulté d’un amour à l’égard de ce qui nous déçoit, et pourtant ce pourrait être l’occasion d’un approfondissement et d’une purification. Jean-Paul II, de son côté, avait repris le concept grec de kaïros, pour signifier qu’il est des moments où il faut saisir la chance d’une décision. De même, le concept de krisis associe l’idée de crise à celle de jugement, ce qui implique de ne pas se laisser hypnotiser par le malheur et de tirer toutes les conséquences de la situation. Encore faut-il que l’amour ne se soit pas enfui…
Une Église à faire vivre
Dans les discussions qui se sont ouvertes ces derniers mois à propos d’une éventuelle réforme de l’Église, c’est ce critère qu’il convient de retenir d’abord. S’il n’y a pas cette dilection, il y a risque de destruction de ce qu’on veut changer, notamment par manque de considération de la nature de l’institution en cause. L’Église n’est pas née d’hier, elle est dotée d’une structure apostolique qui s’est établie dès les origines et qui n’a évolué que dans la logique de son propre développement interne. C’est ce que le bienheureux cardinal Newman avait établi en étudiant l’histoire des dogmes et c’est aussi ce qui l’avait amené à l’Église catholique romaine, parce que la plus fidèle aux racines originelles du christianisme. Il n’y a pas d’Église à inventer, il y a une Église à faire vivre en la mettant au service de nos frères pour leur bonheur et leur Salut.
Une fidélité audacieuse
La fidélité n’est pas réductible à la seule permanence, elle est inventive, elle est créatrice. De ce point de vue, nous avons besoin de pionniers et de fondateurs, comme ceux qui sont apparus au moment de la Contre-Réforme catholique et qui ont redonné un élan de vigueur inattendu à une institution que l’on pensait promise à l’abîme. Natalia Trouiller vient de publier un Manifeste à l’usage des derniers chrétiens qui pourraient bien être les premiers, car selon ce même cardinal Lustiger nous pourrions être toujours au début de l’aventure chrétienne. Elle s’affirme à la fois d’une fidélité entière et d’une audace tranquille et prophétique. Cette audace trouve le plus souvent ses motifs d’inspiration dans l’histoire de l’Église et même à ses tout débuts, car le génie missionnaire s’y est affirmé selon l’inspiration de l’Esprit en relation totale avec la vocation de l’humanité dans sa réalité plénière.
Bâtir la cité de Dieu
Il s’agit toujours de bâtir la cité de Dieu parmi les hommes « en gardant à l’esprit comme Augustin qu’elle s’édifie avant tout à l’intérieur de nous-mêmes, qu’elle ne sera jamais tout à fait de ce monde, que nous ne pouvons que tendre à la faire advenir, qu’elle se superpose avec la cité des hommes sans toutefois se confondre avec elle ni la remplacer ». La crise nous impose d’envisager le renouveau.