L’AED se déclare affligée par les violences récentes dans la province pakistanaise du Punjab, où huit chrétiens ont été brûlés vifs, dont deux enfants, le samedi 1er août dernier. « Les événements dans la ville de Gojra et dans le village voisin de Korian ne sont que les derniers d’une longue série d’actes d’oppressions confusément liés à la loi sur le blasphème pakistanaise. »
L’AED va plus loin en soulignant que ce ne sont pas seulement la minorité chrétienne ou d’autres minorités non chrétiennes qui sont et seront touchées par ces lois, mais également des musulmans. « On compte aussi des musulmans qui se trouvent en prison pour des allégations de blasphème », indique l’appel à l’abolition. « Il est clair que les lois sur le blasphème favorisent les abus », considère encore l’AED. « Au nom des droits humains, le gouvernement du Pakistan doit agir pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’usage abusif de ces lois. » La montée de violence contre les minorités religieuses du pays, dont les chrétiens, fait dire à l’AED qu’il faut éliminer cette loi : « Aide à l’Église en Détresse appelle toutes les personnes de bonne volonté à travailler pour l’abolition des lois [pakistanaises] sur le blasphème. »
De longue date
« Ce n’est pas d’hier que les chrétiens pakistanais subissent oppressions et persécutions », indique Me Marie-Claude Lalonde, directrice du bureau canadien de l’AED. « Déjà, dans le rapport Persécutés et oubliés? publié à l’automne 2008, Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore, y signale qu’en mai 2007, les extrémistes musulmans ont essayé de forcer la conversion des chrétiens à l’Islam, et ont fait pression pour instaurer la charia. » De plus, mentionne encore Mme Lalonde, « 500 chrétiens du nord-ouest du pays ont reçu des lettres anonymes les menaçant de mort s’ils ne se convertissaient pas. » Assassinats, menaces de mort, conversions forcées, viols, ne sont que quelques-unes des horreurs que vivent les minorités non musulmanes du Pakistan. De plus, ces minorités sont en général considérées comme des citoyens de seconde zone, n’ayant qu’un accès extrêmement limité à la propriété et au marché de l’emploi.
« Dans ce rapport, la Commission catholique Justice et Paix du pays considère également que la loi contre le blasphème est une “épée de Damoclès” au-dessus de la tête des minorités pakistanaises », poursuit Me Lalonde. « Le résultat est qu’on se sert de la loi comme on veut : pour régler ses comptes. Dans plusieurs cas, la loi n’est qu’un prétexte utilisé à d’autres fins. Au passage on détruit des écoles et des hôpitaux gérés par des chrétiens, mais également les maisons et bien sûr, les églises. »
Me Lalonde estime que, malgré la distance, les canadiens peuvent agir. « Il est de notre devoir de dire haut et fort notre consternation et notre indignation face à ce qui se passe au Pakistan ».
La violence couve toujours
En entrevue avec l’AED le 3 août dernier, Mgr Joseph Coutts de Faisalabad a déclaré : « Il y a beaucoup de rage à travers la population à propos de ce qui s’est passé… la population pourrait répondre n’importe comment » tellement l’émotion est forte dans la communauté chrétienne. Selon Mgr Coutts, cette attaque était, « sans aucun doute, l’une des pires » que les chrétiens aient connue. Par ailleurs, Mgr Coutts est extrêmement critique face au travail des forces de l’ordre. « Les policiers n’ont presque rien fait pour arrêter les émeutiers. » Selon lui, les regrets et les excuses publiques des autorités ne sont rien si aucune action véritable n’est entreprise pour prévenir de tels événements. Depuis plusieurs années, l’une des actions réclamées par l’archevêque de Lahore est l’abolition pure et simple de la loi pakistanaise sur le blasphème. Les sections B et C de l’article 295 du Code pénal pakistanais indiquent que les offenses contre le Coran sont passibles de l’emprisonnement à vie et que les actes de profanation du « “nom du Saint prophète Mohammed” sont passibles de mort ou d’emprisonnement à vie ». Il y a aussi des ordonnances, les hudud, qui sont des peines légales comprenant le fouet ou la lapidation pour des activités comme l’adultère, le jeu et la consommation d’alcool.
Rappelons que les attaques du 1er août dernier ont été déclenchées par des musulmans en colère, qui ont rapporté que des enfants ont créé des confettis pour un mariage à partir des pages d’un vieux livre d’école qui contenaient des versets du Coran, ce qui s’est finalement révélé faux.
Aide à l’Église en Détresse appelle à l’abolition des lois pakistanaises sur le blasphème
En tant qu’organisme international de charité catholique œuvrant auprès des chrétiens persécutés et souffrants dans le monde, Aide à l’Église en Détresse (AED) est profondément affligé par les violences récentes dans la province du Pendjab, au Pakistan, dans lesquelles huit personnes, dont deux enfants, ont été tuées.
Les événements survenus dans la ville de Gojra et dans le village voisin de Korian ne sont malheureusement que les derniers d’une longue série d’actes d’oppression confusément liés aux lois pakistanaises sur le blasphème. Une fois encore, les lois ont été invoquées par ceux qui agissent pour des motifs de haine religieuse.
La population du Pakistan souffre depuis trop longtemps déjà. Ce ne sont pas seulement les vies des chrétiens et des autres groupes minoritaires du pays qui sont menacées par ces lois. Personne dans le pays n’est à l’abri : des musulmans se trouvent également en prison pour des allégations de blasphème.
Aide à l’Église en Détresse appelle toutes les personnes de bonne volonté à travailler pour l’abolition des lois sur le blasphème. Dans leur réponse au crime de Gojra, les autorités ont déjà démontré leur préoccupation pour la population, mais ce ne sera jamais assez, à moins que les lois sur le blasphème ne soient abolies. L’AED considère que ce n’est qu’une question de temps avant que davantage de personnes ne soient affectées par le chagrin et la perte d’un être cher. Aussi longtemps que ces lois sont en vigueur, le Pakistan est pris dans un cycle sans fin de violence et de souffrance et de division dans la communauté.
Il est clair que les lois sur le blasphème favorisent les abus par des gens qui les utilisent afin d’en faire ce qu’ils veulent. L’emploi abusif des lois signifie qu’elles sont devenues un instrument d’oppression, une matraque pour atteindre ceux qui sont vulnérables. Au nom des droits humains, le gouvernement du Pakistan doit agir pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’usage abusif de ces lois.
Dans ces temps de tragédie et de pertes – spécialement en ce qui concerne les chrétiens pakistanais – Aide à l’Église en Détresse demande à la population de prier pour mettre fin à ces actes de violence et d’intimidation. Que ceux qui sont en deuil d’un être cher, et ceux qui vivent dans la peur puissent être consolés par Dieu.
Marie-Ange Siebrecht, responsable de projets pour l’AED, section Asie-Afrique
Neville Kyrke-Smith, directeur national de l’AED (Royaume-Uni)
Pour aller plus loin :
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Amour interdit se terminant en tragédie
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- ASIE/PAKISTAN - Deux jeunes chrétiennes séquestrées et converties à l'islam au Punjab