Afrique : Former pour guérir et « libérer la paix » - France Catholique
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Afrique : Former pour guérir et « libérer la paix »

Contrairement à la majeure partie des médias occidentaux, qui n’ont retenu du voyage de Benoît XVI en Afrique, mi-mars dernier, que l’histoire du préservatif, l’immense majorité de la population africaine s’est dite profondément heureuse de cette visite. Parce que le Pape a abordé dans ses discours les problèmes de pauvreté, de guerre et de corruption qui détruisent les peuples africains et a appelé ceux-ci à l’espérance. Un encouragement pour plusieurs évêques africains à continuer leur lutte et leur travail quotidien de sensibilisation auprès de populations meurtries par ces problèmes. Par Mario Bard, AED-Canada
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Si les évêques prennent souvent la parole fortement et publiquement, tout particulièrement en République Démocratique du Congo (RDC) ou encore au Kenya, ce sont les prêtres, les religieuses, les religieux et les laïcs engagés qui font le travail de terrain. Ils assurent la présence vivante du Christ dans les terres terrifiées par la guerre, assurant un service de première ligne auprès des femmes violées, des enfants-soldats, de ceux devenus orphelins, ainsi qu’auprès des victimes de tout ce que la guerre apporte comme malheur.

Par contre, si leur action répond à un appel intérieur fort qui leur vient directement du Christ et de leur lecture active de l’Évangile, ces personnes sont, en elles-mêmes, confrontées aux diverses situations qui mettent en péril la vie, physique et spirituelle, de tous ceux et celles côtoyés dans la mission. C’est pourquoi le soutien à la formation humaine revêt, pour l’Aide à l’Église en Détresse (AED), un caractère si important. D’ailleurs dans cette optique, le bureau canadien de l’organisme collabore maintenant depuis plusieurs années avec l’IFHIM, l’Institut de formation intégrale et humain de Montréal. Cette collaboration permet de doter les étudiants, venus passer de deux à trois années de formation, d’une meilleure conscience intérieure de leurs forces vitales, pour ensuite permettre de développer cette prise de conscience auprès de leurs novices, paroissiens et autres collaborateurs en Église.

« Je veux juste dire merci à mes donateurs, ceux et celles qui de façon très discrète, ont contribué à ma formation à l’IFHIM », nous écrit Sœur Ernestine du Cameroun. « Je fais partie de l’équipe du noviciat des Filles de Marie de Yaoundé. J’aide les 4 jeunes qui veulent s’engager dans notre congrégation à actualiser leurs forces vitales humaines, pour mûrir leur personnalité. » Elle remercie « tous ceux qui font des sacrifices pour nous aider de cette manière, c’est-à-dire, investir sur des personnes qui vont en aider d’autres. »

Pour « libérer la paix »

Si dans certains pays (comme le Cameroun), la situation géopolitique est relativement stable, ce n’est pas le cas partout. En mars dernier, les supérieures majeures de congrégations féminines, à l’œuvre dans la région du Kivu dans l’est de la RDC, se sont rencontrées. Au programme : partage d’expériences et renforcement de leur volonté de travailler ensemble, toutes congrégations confondues, afin de « libérer la paix », dans cette région ravagée par les guerres fratricides et la corruption autour de l’exploitation minière désordonnée des matières premières.

Lors de leur rencontre, ce sont essentiellement les mêmes questions et pratiques que l’on rencontre à l’IFHIM qui ont guidé leur réflexion. Ce qui impressionne, à la lecture du compte-rendu de la rencontre de trois jours, c’est la franchise et la capacité de voir clairement là où elles en sont, et là où elles veulent aller. « Appel à sortir (en gras dans le texte) de nos murs pour aller à la rencontre des gens, et pas seulement de nos familles », indiquent les responsables de la rencontre dans leur rapport. « Quant au désir de pouvoir », inhérent à chaque être humain qui se trouve en poste de responsabilité, elles écrivent : « Devant l’avoir et le pouvoir, l’appel urgent est d’évaluer continuellement notre vie consacrée à la lumière des défis d’aujourd’hui », indiquent-elles. « Par exemple, toujours dialoguer autour de nos vœux », afin de les vivre « en profondeur. » Des vœux, propre à chacune des communautés, mais qui se rattachent tous à trois grandes branches : chasteté, pauvreté, obéissance.

Une autre phrase du rapport étonne par sa franchise : « Face à la misère, nous ne l’éprouvons pas et ne la sentons pas comme la population et nous risquons d’être “superficielles” ». Alors, elles concluent qu’il faut se « rendre solidaires des gens (dans les deuils et les fêtes) et rester simples. Revenir à la sobriété. »

Ces nombreuses questions et réponses, reçues dans la prière, sont là pour les guider dans une seule chose : l’action. Déjà la mise en place d’une caisse d’entraide pour aider les plus pauvres et le travail d’intégration des enfants-soldats sont au programme, à la demande de plusieurs ONG qui font confiance aux religieuses. Certaines communautés font un travail essentiel auprès des filles prostituées, qui souvent viennent des villages. Une fois arrivées en ville, ce moyen de faire de l’argent rapidement est attrayant. Une situation qui a des « conséquences désastreuses » puisque cela mène à des grossesses non désirées, des avortements, et des maladies dont le VIH-Sida. « Un centre accueille 20 filles, mais elles retournent facilement à la prostitution! Le manque de moyen financier y contribue », indique le rapport.

Vers la fin de leur rapport, les communautés encouragent aussi à la « formation à l’IFHIM qui a un objectif de travail en équipe pour aider l’Église en général, et surtout qui répond au besoin d’aujourd’hui. » Dans le même sens, elles indiquent également: « Penser à une formation ‘’Bio-éthique’’, car certaines maladies sont accompagnées de problèmes psychologiques. Que les religieuses soient formées pour intervenir efficacement aux différentes nécessités. »

À la fin de la rencontre, les religieuses sont allées rencontrer une centaine de femmes violées ainsi que les gens qui se trouvent dans le camp de déplacés de Mugunga. « C’était pour nous un signe de solidarité, en montrant à toutes ces personnes que nous sommes proches d’elles. » Des personnes ‘’diminuées’’ à cause de la guerre, qui leur ont demandé d’aller « dire aux autorités de libérer la paix. »

Formées, pour répondre à l’Évangile

Ces réponses concrètes et totalement engagées à de nombreuses situations humaines désastreuses – souvent faites de manière tout à fait gratuite – ne sont que quelques exemples des initiatives que ces communautés ont prises ces dernières années, poussées par la formation reçue à l’IFHIM, mais encore plus par l’esprit même de l’Évangile et notamment par ces paroles du chapitre 25 de l’Évangile de Mathieu, versets 35 et 36: « 35 Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez accueilli, 36 sans vêtement, et vous m’avez habillé. J’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. »

Une parole essentielle pour comprendre que le Dieu, présenté par Jésus dans l’Évangile, est un Dieu avant tout de tendresse et de miséricorde. Un Dieu qui est, avant tout, pauvre de toute puissance, et à qui il faut absolument venir en aide, dans le corps et le cœur de l’être humain. Une véritable révolution, à laquelle ces religieuses de la RDC travaillent, dans le jour comme dans la nuit.