Affaire A. B. C. contre Irlande relative à l’avortement : « Pas de droit fondamental à l’avortement » selon la Cour européenne des droits de l’homme - France Catholique
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Affaire A. B. C. contre Irlande relative à l’avortement : « Pas de droit fondamental à l’avortement » selon la Cour européenne des droits de l’homme

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(Strasbourg, France) – Le Centre Européen pour la justice et les droits de l’homme (ECLJ) accueille avec prudence l’arrêt de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire A. B. C. c. Irlande (requête n° 25579/05) Arrêt de la Grande Chambre de la CEDH

http://cmiskp.echr.coe.int/

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a décidé qu’il n’y avait « pas de droit fondamental à l’avortement » émanant de la Convention européenne et que l’interdiction de l’avortement par la Constitution irlandaise respectait les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Invitée par les requérantes à reconnaître l’existence d’un droit autonome à l’avortement, la Cour a dit très clairement précisé que l’article 8 ne saurait s’interpréter comme consacrant un droit à l’avortement. (§ 214)

En outre, l’ECLJ se félicite de la reconnaissance par la CEDH de l’existence du « droit à la vie de l’enfant à naître » (§ 233) mais rejette l’interprétation de la CEDH selon laquelle la Constitution irlandaise autorise l’avortement. Jusqu’alors, la Cour européenne laissait aux seuls Etats la faculté de reconnaître, ou non, le bénéfice du droit à la vie aux enfants à naitre, mais ne reconnaissait pas l’existence du « droit à la vie de l’enfant à naître » en tant que tel.

L’ECLJ, qui est tiers-intervenant dans cette affaire, a soumis à la Cour un rapport d’amicus curiae affirmant que les Etats membres ont l’autorité souveraine pour interdire l’avortement, compétence issue de leur responsabilité première de protéger le droit à la vie. La Cour a résumé nos observations aux §§ 199 à 201.

L’ECLJ partage la position de la Cour selon laquelle « en interdisant sur la base des idées morales profondes du peuple irlandais concernant la nature de la vie et la protection à accorder en conséquence au droit à la vie des enfants à naître l’avortement pour motifs de santé ou de bien-être sur son territoire, l’Etat irlandais n’a pas excédé la marge d’appréciation dont il jouit en la matière » (§ 241).

La seule limite que pose la Cour au droit des Etats de protéger la vie des enfants à naître apparaît dans l’affirmation suivante : « Un respect inconditionnel de la protection de la vie prénatale ou l’idée que les droits de la future mère seraient de moindre envergure ne sauraient donc, au regard de la Convention, automatiquement justifier une interdiction de l’avortement fondée sur le souci de protéger la vie de l’enfant à naître » (§ 238). Cela signifie que l’interdiction de l’avortement pour protéger la vie des enfants non nés est en principe justifiée au regard de la Convention.

Même en prenant en compte le large consensus européen au sujet de l’avortement, la Cour considère que cela ne limite pas le droit souverain d’interdire l’avortement en raison « de l’extrême sensibilité des questions morales et éthiques soulevées par la question de l’avortement ni de l’importance de l’intérêt général en jeu » (§ 233).

En dehors de ces éléments positifs affirmant qu’il n’y a pas de droit à l’avortement, l’ECLJ s’élève fermement contre l’assertion erronée de la Cour selon laquelle il existerait un avortement légal conformément à l’article 40-3-3 de la Constitution. L’article 40-3-3, adopté par référendum en 1983 ne reconnaît aucun droit à l’avortement. Il dispose : « L’Etat reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître et, compte dûment tenu du droit égal de la mère à la vie, s’engage à le respecter dans ses lois et, dans la mesure du possible, à le protéger et à le défendre par ses lois ». L’interprétation de l’article 40-3-3 par la Cour risque de conduire à une reconnaissance forcée d’un droit à l’avortement.

La Cour, après avoir rejeté les plaintes de deux des trois requérantes, s’est attachée à la situation particulière de la troisième dont le grief principal était l’absence de mise en œuvre de l’article 40-3-3 qui faisait qu’elle « n’aurait disposé d’aucune procédure effective et accessible pour faire établir qu’elle remplissait les conditions pour avorter légalement en Irlande ». Cette requérante était en rémission d’un cancer. Elle s’inquiétait du risque pour sa santé et sa vie ainsi que pour celles du fœtus si elle menait sa grossesse à terme et affirmait qu’elle n’avait pu obtenir de conseils clairs, c’est pourquoi elle décida de se faire avorter au Royaume-Uni. Dans son cas particulier, la Cour conclut, en se fondant sur son interprétation de l’article 40-3-3 de la Constitution, que « faute d’avoir adopté des dispositions législatives ou réglementaires instituant une procédure accessible et effective au travers de laquelle la requérante aurait pu faire établir si elle pouvait ou non avorter en Irlande sur le fondement de l’article 40.3.3 de la Constitution, les autorités ont méconnu leur obligation positive d’assurer à l’intéressée un respect effectif de sa vie privée. Dès lors, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention dans le chef de la troisième requérante » (§ 267-268).

Pour l’ECLJ, il doit être très clair que l’interprétation authentique de la Constitution irlandaise appartient seulement à la Cour constitutionnelle irlandaise et non à la Cour européenne des droits de l’homme.

L’ECLJ, qui est tiers-intervenant dans cette affaire, a soumis un rapport d’amicus curiae en novembre 2008 avec deux autres organisations pro-vie. Pour lire le rapport cliquez ici. En octobre 2009, l’ECLJ a publié une nouvelle analyse insistant sur la primauté du droit à la vie parmi les droits de l’homme et sur la nécessité de respecter la souveraineté nationale. Pour lire l’analyse cliquez ici.

Grégor Puppinck, Directeur de l’ECLJ, se réjouit de la reconnaissance par la Cour de ce qu’elle n’a pas compétence pour créer un nouveau soi-disant droit à l’avortement. La Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut être utilisée pour affaiblir la protection de la vie humaine garantie par un Etat membre. La Convention assure un minimum de protection, pas un maximum. C’est pourquoi la Cour peut seulement contrôler que les restrictions posées par un Etat à la protection de la vie humaine ne sont pas excessives.

Dans ses observations écrites, l’ECLJ a rappelé que « la raison d’être naturelle de l’Etat et son devoir est de protéger la vie de son peuple ; le peuple, par conséquent, a le droit à la protection de l’Etat. La réciprocité entre le droit du peuple et le devoir de l’Etat dans le domaine de la vie et de la sécurité est traditionnellement considérée comme fondement du contrat social ; en outre, il est le fondement de l’autorité et de la légitimité de l’Etat. C’est pourquoi, la compétence de d’assurer la protection du droit à la vie appartient originellement à l’Etat et est exercé dans le cadre de sa souveraineté ».

Les représentants de l’ECLJ étaient présents lors de l’audience à la CEDH le 9 décembre 2009.

Analyse de l’ECLJ