La beauté est la perfection de l’ordre et de la symétrie et, en tant que telle, c’est la principale source de sainteté. Cette vérité fondamentale peut être perçue par tous les croyants chrétiens ou toutes les personnes de bonne volonté. Cependant, une telle affirmation est considérée comme étrange dans les sociétés occidentales contemporaines en raison de quelque chose que Saint Paul a démasqué, à savoir le “grand échange” de la gloire divine pour les choses déchues de ce monde (cf. Romain 1:18-24).
Dans sa forme occidentale actuelle, ce grand échange remplace la religion par des pratiques auto-assistantes, les réalités objectives par des préférences subjectives, la foi et la raison par une raison rendue absolue et sans condition, la complémentarité homme/femme par un désordre sexuel. Et, tristement, les compromis faits au grand échange continuent dans une spirale descendante de confusion et de misère morale.
Dans de telles sociétés, la population est fragmentée, les institutions d’entraide sont redéfinies, et les sources essentielles d’identité sont obscurcies. Ceci mène à répandre des plaies sociales, depuis l’épidémie de pornographie, l’abus répandu d’opiacés, jusqu’à un taux de suicide en augmentation .
Mais ne sommes nous pas donc faits pour quelque chose de plus grand qui rende la beauté et la sainteté possibles dans nos âmes et dans la société ?
C’était pour répondre à de telles questions que Jésus Christ est entré dans l’histoire humaine. Par sa vie et ses enseignements, culminant dans le Mystère Pascal, le Seigneur nous montre du doigt une voie de plus grande excellence. Il présente son mode de vie dans ce que la tradition chrétienne a convenu d’appeler “les Béatitudes “. Le Seigneur donne les Béatitudes comme une autobiographie intérieure de son propre cœur. Il les offre comme remède à nos maux, et comme une voie vers l’harmonie intérieure et la tranquillité sociale.
Les huit Béatitudes reflètent la symétrie de la beauté et sont, par conséquent, un chemin sûr vers la paix et la sainteté. Plutôt qu’une collection aléatoire de platitudes, les Béatitudes contiennent une logique interne et ouvrent une voie vers l’harmonie.
Il n’est pas surprenant que seules la première et la huitième Béatitude font référence au “Royaume”. Toutes les deux semblent former un serre-livres. La premiêre des Béatitudes appelle à une “pauvreté de l’esprit” qui est une déclaration existentielle du véritable besoin de la présence de Dieu. Ceci est le commencement de la sagesse, de la tranquilité et du bonheur. La huitième Béatitude, par contraste, est la mission d’accepter la persécution pour le bien de la rectitude morale.
Entre les deux, cependant, se trouve le dur travail pour la sainteté. Alors que la première Béatitude nous mène vers l’affirmation de notre besoin de Dieu, la seconde nous appelle au regret et à la contrition pour nos péchés et le mal de ce monde. Ce chagrin nous contraint à la docilité de la troisième Béatitude. La docilité ici n’est pas passivité, mais un désir authentique de connaître notre place en ce monde, de discerner notre vocation donnée par Dieu, et de vivre en conformité.
Le mouvement des trois premières Béatitudes – de notre besoin de Dieu, notre affliction devant le mal, notre désir de connaître notre place – atteint son apogée dans la quatrième Béatitude qui nous donne la faim et la soif du bien. Nous connaissant mieux, nous voulons alors être excellents, vertueux, et saints. Cette faim et cette soif se replie et re-dirige notre attention.
Donc le centre d’attention se déplace dans la cinquième Béatitude. Maintenant nous regardons notre prochain et nous sommes encouragés à pardonner . A partir de cet état de compassion, nous sommes guidés vers la “ pureté de cœur” de la sixième Béatitude. Un tel appel à la pureté pour nous aider à voir la Providence de Dieu, pour voir ce que les autres ne peuvent pas, à savoir la guérison dans l’imperfection, la bonté au milieu du mal, et la puissance de la lumière dans l’obscurité.
Ceci nous permet d’être les “pacificateurs “ de la septième Béatitude et de désirer le calme de l’ordre dans notre propre vie et dans le monde qui nous entoure, ce qui nous donne suffisamment de force, et nous rend prêts à accepter et vivre la mission de la huitième Béatitude.
Ce simple cheminement à travers les Béatitudes nous révèle la beauté de la sainteté mais aussi tous ses défis.
Dans notre culture, il y a des tendances jésuitiques pour discréditer la vérité morale sur le mariage, la famille et la sexualité . En classifiant certaines vérités morales, telle que la sodomie ou la contraception, comme n’ayant pas été “reçues” par le peuple de Dieu, (car une majorité de croyants peuvent consentir à ces préceptes) , de sorte que de tels enseignements sont présentés comme n’ayant donc pas été donnés par le Saint Esprit.
Mais nous pourrions dire la même chose au sujet des Béatitudes qui nous ont été données par Jésus. Nombreux ont essayé de les mettre en pratique, mais les ont quitté parce qu’elles leur semblaient trop difficiles à suivre ou ne leur semblaient pas suffisamment gratifiantes. D’autres essayent d’utiliser les Béatitudes du bout des lèvres, d’autres essayent de les redéfinir, tandis que d’autres les rejettent totalement.
On peut même argumenter qu’une majorité de croyants ne donne pas son assentissement à la pleine vie des Béatitudes. Et cependant, pouvons-nous affirmer qu’elles n’ont pas été “reçues”, et donc qu’elles ne viennent pas de Dieu ? Et même si elles n’ont pas été “reçues”, peut-on les laisser tomber ?
Bien évidemment non. Les Béatitudes sont là pour rester, comme il en est de toute vérité morale. Et tout argument similaire est un abus du “sensus fidelium”, qui ne signifie pas “ce que chacun fait” mais ce qui est la vrai manière de vivre par le Peuple de Dieu la foi déclarée de l’Eglise. Cette manière d’envisager les choses ne reflète pas les demandes de disciples nés de la vérité et de la beauté, mais manifeste plutôt une rationalisation des principes de la Révélation. L’argument est un appauvrissement intellectuel du monde et une mise en avant honteuse du “grand échange” dénoncé par St Paul.
Et ainsi, qu’elles soient reçues ou non, les Béatitudes, et la totalité de la vérité morale, offrent à la famille humaine un autre chemin, une manière encore meilleure d’aimer. C’est un chemin qui est difficile et marqué par un labeur pénible et des luttes. Ce chemin est rejeté par beaucoup. Mais c’est celui qui mène à la paix véritable. Et les cœurs qui la reçoivent – et œuvrent pour la vivre -, trouvent la sainteté et la joie de vivre en Dieu. Ce sont ceux dont la rectitude arrive à convertir et à changer le monde.
Le père Jeffrey Kirby, un nouveau contributeur, est le curé de la paroisse de “Our Lady of Grace” à Indian Land,SC. Il est l’auteur de “Kingdom of Hapiness: Living the Beatitudes in Everyday Life”.