À quoi sert la messe ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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À quoi sert la messe ?

La privation de messe est l’occasion pour les catholiques d’approfondir leur foi en l’Eucharistie, pour vivre cette attente douloureuse de manière féconde. Entretien avec Don Paul Préaux, modérateur général de la communauté Saint-Martin.
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« Dans l'Eucharistie, le Christ associe son Église et tous ses membres à son sacrifice de louange et d'action de grâces au Père. »

« Dans l'Eucharistie, le Christ associe son Église et tous ses membres à son sacrifice de louange et d'action de grâces au Père. »

© Communauté Saint-Martin

Un catholique peut-il se passer de la célébration de la messe ?

Don Paul Préaux : Si l’Église célèbre l’Eucharistie depuis les origines, c’est parce qu’elle se sait liée par l’ordre du Seigneur, donné la veille de sa Passion : « Faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11, 24-25). L’Eucharistie est le cœur et le sommet de la vie de l’Église, car en elle, le Christ associe son Église et tous ses membres à son sacrifice de louange et d’action de grâces offert une fois pour toutes sur la Croix à son Père. Par ce sacrifice, rendu présent dans les rites liturgiques, Il répand les grâces du salut sur son Corps, qui est l’Église, et sur le monde entier.

Que nous manque-t-il quand on n’assiste pas à la messe ?

La messe est le résumé et la somme de notre foi et de notre vie chrétienne. Saint Irénée écrivait : « Notre manière de penser s’accorde avec l’Eucharistie et l’Eucharistie en retour confirme notre manière de penser » (Adversus haereses, 4, 18, 5). Ce qui est vrai de notre faculté de penser est vrai encore de toute notre vie : en nous faisant communier à la vie du Christ, nous communions à sa manière de penser, d’aimer, de prier, de souffrir. Nous entrons dans ses sentiments, sa compassion. Bref, l’Eucharistie nous donne accès au mystère du Christ.

La richesse inépuisable de ce sacrement s’exprime d’ailleurs dans les différents noms qu’on lui donne : action de grâces à Dieu le Père ; repas du Seigneur qui anticipe les noces de l’Agneau ; saint sacrifice qui actualise l’unique sacrifice du Christ sauveur et inclut l’offrande de l’Église ; sainte communion par laquelle nous nous unissons à tout son Être ; et enfin sainte messe parce que sa célébration se termine par l’envoi des fidèles (missio) afin qu’ils accomplissent la volonté de Dieu dans leur vie quotidienne.

Quels sont les mérites de la messe pour le monde ?

Vous utilisez le mot « mérite » qui, me semble-t-il, demande éclaircissement. Ce terme désigne tous les trésors de charité que le Christ, notre Sauveur, nous a acquis durant sa vie terrestre, sa Passion et sa mort sur la Croix. Ces biens spirituels nous sont rendus accessibles par les sacrements et en particulier par l’Eucharistie. Nous lisons dans la constitution sur la liturgie du concile Vatican II : « Notre Mère la sainte Église (…) déploie tout le Mystère du Christ pendant le cycle de l’année… Tout en célébrant ainsi les mystères de la rédemption, elle ouvre aux fidèles les richesses des vertus et des mérites de son Seigneur ; de la sorte, ces mystères sont en quelque manière rendus présents tout au long du temps, les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis par la grâce du salut » (§ 102). Les mérites du sacrifice eucharistique sont donc infinis, dans la mesure où il contient tous les trésors de la vie, de la Passion et de la résurrection de Notre Sauveur Jésus-Christ. Il est au cœur de la foi chrétienne : le Christ y est reçu en nourriture, « l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné » (idem, § 47).

Et pour les âmes des défunts ?

La célébration de la messe en suffrage pour les âmes des défunts est pratiquée depuis la plus haute antiquité : « Peu importe le lieu de ma sépulture, disait sainte Monique à ses fils au moment de mourir, souvenez-vous de moi à l’autel du Seigneur. » Elle avait conscience que la messe est le cœur de la réalité pascale de la mort et de la résurrection du Christ.

« C’est alors que l’Église exprime sa communion efficace avec le défunt : offrant au Père, dans l’Esprit Saint, le sacrifice de la mort et de la résurrection du Christ, elle lui demande que son enfant soit purifié de ses péchés et de ses conséquences et qu’il soit admis à la plénitude pascale de la table du Royaume.

C’est par l’Eucharistie ainsi célébrée que la communauté des fidèles, spécialement la famille du défunt, apprend à vivre en communion avec celui qui ˮs’est endormi dans le Seigneurˮ, en communiant au Corps du Christ dont il est membre vivant et en priant ensuite pour lui et avec lui » (CEC, 1689).

Cette réalité de la foi, si elle était davantage prise en compte et connue des fidèles, éviterait bien des dérives liées aux pratiques paranormales ou ésotériques.

Quʼen est-il de la messe en version numérique ?

Le concile Vatican II a opportunément insisté sur la participation « active, pleine et fructueuse » du peuple de Dieu tout entier à la célébration eucharistique. La retransmission de la messe par voie numérique, pastoralement utile, change la signification théologique de cette « participation ». Benoît XVI a rappelé dans son Exhortation sur l’Eucharistie (Sacramentum caritatis) (22 février 2007) : « Pour ce qui concerne la valeur de la participation à la messe, rendue possible par les moyens de communication, celui qui assiste à ces retransmissions doit savoir que, dans des conditions normales, il ne satisfait pas au précepte dominical. En effet, le langage de l’image représente la réalité, mais il ne la reproduit pas en elle-même. S’il est très louable que les personnes âgées et les malades participent à la messe dominicale par les retransmissions radio-télévisées, on ne pourrait en dire autant de celui qui, par ces retransmissions, voudrait se dispenser de se rendre à l’église pour participer à la célébration eucharistique dans l’assemblée de l’Église vivante » (§ 57).

Le christianisme est la religion du Verbe fait chair, de la réalité incarnée. Dans la foi, nous avons accès et nous pouvons « toucher de nos mains » (cf. I Jn 1, 1) Jésus-Christ lui-même : son corps historique, son corps eucharistique et son corps ecclésial. La messe numérique nous prive de la proximité physique qui permet de percevoir, de sentir que l’Église forme un corps, un seul corps, celui du Christ total, tête et membre.

Dans la célébration de la messe, c’est important de le rappeler, nous sommes mis sacramentellement en contact physique avec les Mystères du Christ sauveur. Donc, il ne serait pas satisfaisant de n’y avoir accès que de façon virtuelle.

La messe a-t-elle besoin des fidèles pour être féconde ?

Une messe célébrée par un prêtre seul (pensez aux chartreux, aux prêtres malades ou en prison) garde une fécondité infinie : elle demeure le mémorial de la mort et de la résurrection du Sauveur, sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, sacrifice de toute l’Église.

La présence des fidèles est importante car la messe est aussi le lieu théologique où la vie des chrétiens est associée sacramentellement à l’unique sacrifice de Jésus sur la croix : « La vie des fidèles, leur louange, leur souffrance, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ et à sa totale offrande, et acquièrent ainsi une valeur nouvelle. Le sacrifice du Christ présent sur l’autel donne à toutes les générations de chrétiens la possibilité d’être unis à son offrande » (CEC § 1368).

Si nous sommes la religion de l’Incarnation, nous avons besoin de ces signes sensibles, sacramentels, pour nous rapprocher de Dieu : « Nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi » (Préface commune IV).

Que pensez-vous de proposer la communion sans messe, pour permettre de recevoir l’Eucharistie malgré tout ?

Nous vivons actuellement une situation douloureuse liée à la pandémie du Covid-19. Elle nous pousse à l’inventivité, mais aussi au discernement. Elle nous oblige, d’abord, à considérer l’Eucharistie dans toute son ampleur, aussi bien dans la célébration même de la messe que dans le culte rendu aux saintes espèces, qui sont conservées pour étendre la grâce du sacrifice. Après l’offrande du sacrifice, c’est toujours le Seigneur qui est vraiment présent dans l’hostie, qui nous attend pour le visiter en l’adorant. Nos églises ne sont pas fermées : « Jésus nous attend dans ce sacrement de l’amour. Ne refusons pas le temps pour aller Le rencontrer dans l’adoration, dans la contemplation pleine de foi et ouverte à réparer les fautes graves et les délits du monde. Que ne cesse jamais notre adoration » (Jean-Paul II, Dominicæ cenæ).

Il est important aussi de nous rappeler que l’Église demande que la communion sacramentelle ait lieu normalement au cours de la célébration de la messe. Cependant, les fidèles empêchés d’assister à la célébration de la communauté rassemblée peuvent recevoir la sainte communion, et être ainsi réconfortés par l’Eucharistie. Qu’ils se sentent unis non seulement au sacrifice du Seigneur, mais aussi à la communauté chrétienne et soutenus par l’amour de leurs frères.

On ne peut évidemment pas séparer la communion au corps eucharistique de Jésus de la communion à son corps ecclésial. Pour se préparer à la communion en dehors de la célébration de la messe, l’Église possède un rituel qui donne des indications concrètes tant pour la distribution que pour la réception fructueuse de la sainte communion en dehors de la messe. Elle recommande en particulier de s’approcher du sacrement avec une conscience pure, en respectant le jeûne eucharistique et les autres dispositions requises.

Quelles conséquences spirituelles au fait que les fidèles nʼaillent plus à la messe ?

La pratique eucharistique nous protège d’une part de la gnose et d’autre part de l’ingratitude. De la gnose, car la vie chrétienne ne consiste pas seulement à connaître son catéchisme du bout des doigts ou à avoir des idées exactes sur Jésus, mais bien à vivre de cette communion au corps et au sang du Christ qui nous remplit de l’Esprit Saint.

De l’ingratitude, car l’Eucharistie nous fait entrer dans l’action de grâce du Fils de Dieu à son Père, et nous rappelle que tout ce que nous sommes, tout ce qui nous est donné en vue de la vie éternelle, nous le recevons gratuitement de Dieu. N’oublions jamais enfin, comme le rappelait saint
Jean-Paul II : « L’Eucharistie fait l’Église » !

Pourquoi la privation de messe du premier confinement n’a pas suscité de soif de l’Eucharistie, puisqu’il y a 30 % de fidèles en moins le dimanche ?

Je ne saurais répondre précisément à votre question. Par contre, je crois que dans la situation actuelle du confinement, nous vivons comme un Samedi saint. Le Christ n’est pas absent mais comme momentanément hors de portée. Les églises demeurent dépouillées, mises à nu. Tout semble comme en attente, dans un hiver spirituel. L’Église vit uniquement de l’espérance de la résurrection.

Ce silence appelle à l’intériorité, à la réflexion, à la prière conçue comme une « école du désir de Dieu ». Le silence n’est pas synonyme d’absence. Il appelle à renouveler la qualité de notre présence au grand Présent de Dieu : le don de son corps et de son sang pour la vie du monde.

Nous devons transformer cette crise sanitaire en une opportunité. En retournant à l’essentiel. En renouvelant notre pratique et surtout notre vie eucharistique. En laissant l’Esprit Saint creuser en nous le désir du Christ, et stimuler notre charité concrète envers les autres. Quel est le sacrifice qui plaît à Dieu, qui lui est agréable ? Ne serait-ce pas de pratiquer la miséricorde en aimant notre prochain comme nous-mêmes ? L’Eucharistie est le sacrement de l’Amour, sacramentun caritatis, en acte et en vérité.

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Les prêtres, don du Christ pour l’humanité. Réflexions sur le sacerdoce en temps de crise. Don Paul Préaux, Artège, 2020, 18,90€.