Commençons par lever une ambiguïté : il ne s’agit pas, tel le prophète Philippulus dessiné par Hergé, de tomber dans un millénarisme qui prédit la fin du monde pour demain, prônant du même coup le retrait des affaires terrestres. « Nul ne sait ni le jour ni l’heure. »
D’un autre côté, il faut bien reconnaître que nos certitudes vacillent. Les recommandations anti-épidémiques du fameux conseil d’experts auprès du chef de l’État, par leur caractère contradictoire, ont sérieusement écorné la croyance en la capacité de la rationalité, de la science, à expliquer le monde à elle seule. La polémique sur le manque de masques l’a amplement démontré…
Dans cette période de trouble, pour ne pas nous enfermer dans une spirale de peur et de repli, qui ne serait pas non plus conforme à l’Évangile, il faut donc nécessairement prendre appui sur autre chose que l’autorité scientifique. Il faut un levier, une aspiration vers quelque chose de plus puissant que nous, et qui nous dépasse. Et qui soit fondé sur la vérité, pour ne pas être une puissance dominatrice, au pouvoir arbitraire.
Un dévoilement
Apocalypse, en grec, signifie « dévoilement », ou « révélation ». Or toute crise est l’occasion d’un dévoilement, elle est ce qui tranche, disaient les Anciens, nous révélant le bien et le mal, le sens de la vie et de la mort, les dévouements les plus admirables comme la triste bassesse humaine… Pour nous inciter au changement, et à choisir la vie.
Et c’est bien cette puissance divine qui est manifestée dans l’Apocalypse, à travers les épreuves certes, mais aussi avec la certitude de la victoire finale. C’est ce que célèbre notamment cette assemblée de vingt-quatre nobles vieillards – gage de maturité – qui se prosternent et adorent Celui qui est sur le trône : « Vous êtes digne, notre Dieu et notre Seigneur, de recevoir la gloire et l’honneur et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses » (Ap, 4, 11).
Adoration et combat spirituel
Cette période d’incertitudes est donc le bon moment pour lire ou relire ce livre imagé, qui a inspiré tant d’artistes, afin de retrouver cet esprit d’adoration nécessaire au renouveau. Pour retrouver aussi le vrai sens des choses terrestres, la capacité d’émerveillement, le courage et la persévérance malgré les vents contraires.
Car l’Apocalypse est enfin un livre de combat, spirituel s’entend. À l’une des sept Églises est adressé par l’Ange ce reproche de tout âge : celui de la tiédeur. « Tu es tiède – ni brûlant ni froid – » (Ap 3, 16). Admonestation qui sonne comme un aiguillon, un appel à retrouver le feu de l’Évangile, à ne pas craindre l’opposition du monde contre tout ce qui vient de Dieu. Avec également la confiance que tout est dans sa main, comme l’écrivait magnifiquement la sœur de Louis XVI, Madame Élisabeth, dans cette prière écrite juste avant sa mort : « Il ne m’arrivera rien que vous n’ayez prévu, réglé, ordonné de toute éternité. »