En ouvrant, hier, les journaux du dimanche, je me demandais comment on pouvait y évoquer Noël tout proche. Ma quête a été, à vrai dire, plutôt sommaire. Je n’ai à peu près rien relevé qui concerne le Noël chrétien, la naissance du Christ à Bethléem. Le Parisien a préféré aller interroger le père Noël, pour qu’il explique comment il a succédé à saint Nicolas, non sans quelque courtoisie : « Je précise que mon père, saint Nicolas, reste encore célèbre surtout en Europe du Nord où il continue sa tournée le 6 décembre. La retraite, ce n’est pas dans nos gènes. » On retient, en fin de compte que le personnage barbu est désormais à la tête d’un vaste business. Mais il y a un autre article sur le même personnage dans Le Parisien qui rappelle un épisode oublié. Le 23 décembre 1951, un mannequin « du malheureux bonhomme à barbe blanche » avait été brûlé à Dijon, sur la place de la cathédrale, avec le concours de 250 enfants du patronage.
La faute en est, écrit l’auteur de l’article, à une Église très conservatrice, qui ne s’ouvrira au monde qu’avec le concile Vatican II… Je ne sais pas si cette idée de brûler le père Noël était vraiment astucieuse, mais sur le moment elle a suscité une controverse qui n’était pas sans intérêt. Deux formes de sacralité ne s’opposent-elles pas ? L’ethnologue Claude Lévi-Strauss en paraissait bien persuadé : « Les ecclésiastiques dijonnais n’ont fait que restaurer une figure rituelle dont il se sont chargés, sous prétexte de la détruire, de prouver eux-mêmes la pérennité. » Une figure rituelle que l’écrivain René Barjavel se chargeait de défendre : « Laissons à l’enfance émerveillée son vieux magicien barbu. »
On peut avoir quelques doutes sur ce genre de magie. J’ai le sentiment que nos provinces de l’Est qui ont gardé le culte de saint Nicolas développent une poétique assez supérieure à celle du vieux magicien. Reste que la vraie question de Noël n’est pas là. Elle réside dans le mystère de la crèche, avec cet enfant né dans le plus extrême dénuement. Qui est-il, pour que les bergers et les mages accourent pour l’adorer ? Oui, c’est vrai qu’il faut choisir entre un paganisme recyclé à la consommation et l’enfant fragile et menacé de Bethléem. Il s’adresse toujours à nous, nous interrogeant sur un Dieu venu parmi nous comme un bébé couvert de langes, sous le tendre regard de Marie.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 décembre 2018.