L’Osservatore Romano (édition en anglais) a publié le 13 février sur une pleine page un message de S.S. François à l’intention de l’Expo des Idées de Milan. Le thème: «Nourrissez la planète, donnez de l’énergie pour vivre.» Notre Pape Bergoglio donnait à nouveau ses suggestions désormais familières sur le traitement de la pauvreté et de la faim.
S.S. François citait son appel à la F.A.O. (Organisation internationale de la Nourriture et de l’Agriculture) du 20 novembre 2014. Il rapprochait production, accessibilité et disponibilité des produits alimentaires, évolution du climat et commerce agricole. « Notre premier souci doit se porter sur les individus qui ne mangent pas tous les jours, qui ont abandonné tout espoir . . . . et se débattent pour survivre.» Reconnaissant que nombre d’organismes se dévouent pour aider les populations affamées, le Saint Père rappelait cette expression de Jean-Paul II : « Le paradoxe de l’abondance ».
Il y a abondance de nourriture de par le monde, le pape ne semble pas en mesure d’expliquer pourquoi cette nourriture est disponible. Mais ne peut atteindre tout le monde. De nombreuses études ont été publiées sur la pauvreté et la faim. « Rares sont les sujets aussi susceptibles de manipulations statistiques, de rectificatifs au nom du secret d’état, par la corruption, ou pour justifier des chiffres relatifs à la crise économique.» Le pape considère la situation comme « nominalistique », dépassant la réalité sans même la toucher. Il est certain que les questions de sécurité nationale, de corruption, de crise économique, sont évoquées comme freins à la distribution pour les individus affamés, et non comme un véritable obstacle.
S.S. François suggère trois démarches pour corriger la situation.
Premièrement, attaquer les causes structurelle de la pauvreté. Rappelons-nous que l’injustice est à la racine de tous les maux sociaux. Leur racine n’est pas dans l’argent, le péché, la paresse ou l’ignorance. Si on « corrige » les structures, bien des problèmes disparaîtront.
Dans son Encyclique Deus Caritas Est Benoît XVI remarquait que, quand bien même tout serait d’aplomb en économie et en politique, il resterait beaucoup à faire qu’on ne pourrait traiter par la seule réorganisation de la société. Un monde régi par une totale égalité serait, selon Aristote, un monde d’où disparaîtrait tout désir, tout souci, d’amélioration. L’incitation à produire l’abondance actuelle s’éteindrait rapidement.
S.S. François n’a pas peur : « Il faut s’attaquer à la racine du mal, l’injustice. Pour y parvenir, il faut prendre plusieurs décisions essentielles : renoncer à l’autonomie intégrale des marchés et de la spéculation financière, et agir en priorité sur les inégalités structurelles. J’ignorais totalement que les marchés et la spéculation financière aient pu bénéficier d’une totale autonomie, sans contrôle gouvernemental. J’avais toujours pensé qu’en des lieux où vivent les plus pauvres, sans pain quotidien, c’était à cause des gouvernements et par manque de liberté des marchés.»
Suggestion suivante de S.S. François : vaincre la pauvreté par la charité. Il loue les hommes politiques qui œuvrent pour le bien commun. On pense généralement que la différence entre justice et charité se trouve dans la nature des organismes politiques. Ceux-ci fonctionnent selon la loi et la justice. La charité se situe bien au-delà de la politique. Les sociétés régissant tous les aspects de la vie sociale sont totalitaires. La charité, par contre, est une grâce accordée aux personnes afin qu’elles puissent, au-delà de la justice, apporter l’aide nécessaire aux individus par générosité, don de l’amour divin.
Rappelant ce qu’il disait dans Evangelii Gaudium, notre Pape Bergoglio voit ainsi le problème : « Nous devons être persuadés que la charité est non seulement le principe des micro-relations (entre amis, membres d’une famille, ou petits groupes) mais aussi des macro-relations (sociales, &conomiques, politiques). Les politiciens doivent avoir le courage d’accroître les productions sur terre et de les rendre plus accessibles.»
Enfin, le Saint Père émet une suggestion à caractère écologique : « L’homme est capable de pardonner, la terre, jamais.» Les produits de la terre ont pour but d’apporter bien-être et solidarité (Compendium de la Doctrine Sociale). Il faut travailler la terre afin que chacun dispose du nécessaire pour vivre. Nous devons donc, avec respect, témoigner de charité et protéger la terre.
Cette brève exhortation papale ne tient guère compte des statistiques qui indiqueraient où se trouvent ces gens affamés et l’intensité ainsi que la nature de leur faim. Nul ne doute que la production de nourriture est suffisante. Le pape parle rarement du « comment » et du « pourquoi » de cette production. Nombre d’organismes politiques et économiques auraient été bien incapables de produire une telle abondance. Être pauvre au milieu de l’abondance est bien différent de la pauvreté dans la pénurie.
La lutte contre la faim n’est pas le souci majeur de la plupart des pouvoirs politiques ou des religions, elle figure parmi bien d’autres. Pour notre pape Bergoglio l’négalité est la cause majeure de ces conditions. Plus d’un paradoxe se trouve ici. Si tous sont égaux, nul ne s’impliquera, tous connaîtront la famine. Le paradoxe final est que, pour que tous soient égaux, il ne doit y avoir aucune égalité en intelligence, générosité et dévouement.
17 mars 2015
Source : On “The Paradox Of Abundance”
http://www.thecatholicthing.org/2015/03/17/on-the-paradox-of-abundance/
Toujours des pauvres. Le Christ chez Simon. par Dieric Bouts, vers 1440.