Le suicide de l’ancien maire de Tours, Jean Germain, a soulevé une émotion compréhensible. Comment ne pas s’émouvoir, en union avec tous ses amis, et même ses adversaires, devant ce drame ? Tous s’accordent à reconnaître dans la victime un homme foncièrement honnête et dévoué au bien public de la ville, dont il fut l’édile trois mandats successifs. Sans doute conviendrait-il de s’interroger sur le dossier judiciaire, qui l’a amené à mettre fin à ses jours. Il faudra attendre quelques temps pour que la justice formule son arrêt décisif à propos d’une affaire qui apparaît plutôt embrouillée. Mais c’est le lot commun qui concerne les politiques aux prises avec des accusations judiciaires, souvent mises en valeur par des médias, parés de toutes les vertus pour désigner à la vindicte publique des personnages présumés coupables avant qu’ils aient été vraiment condamnés. Condamnés au terme d’un procès où ils ont eu la possibilité de se défendre, en dépit du jugement préalable qui les a abattus médiatiquement sans appel.
Le drame de Tours renvoie à des précédents, tels le suicide de Pierre Bérégovoy, dénoncé à l’époque par le président François Mitterrand qui s’était indigné qu’on ait « livré aux chiens » l’ancien Premier ministre. On évoque aussi l’affaire Salengro qui eut, avant guerre, un énorme retentissement. Ce maire de Lille, devenu ministre de l’Intérieur du Front populaire s’était lui aussi donné la mort, à la suite d’une campagne de presse menée par l’hebdomadaire de droite Gringoire. Il était accusé d’avoir déserté pendant la Grande Guerre. Ce qu’on oublie de préciser, même dans les notices biographiques qui se veulent pleinement objectives, c’est qu’à l’origine de l’affaire Salengro, il y a un règlement de comptes entre communistes et socialistes du Nord. L’accusation infamante n’est pas d’abord venue de la droite, mais du Parti communiste qui voulait régler son compte à un concurrent socialiste. S’il y a une leçon à tirer de toutes ces tristes histoires, c’est qu’il convient de faire très attention à l’utilisation et à la manipulation de la justice, dont on se sert pour abattre l’adversaire, de façon beaucoup plus efficace que sur le terrain de la controverse proprement politique.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 avril 2015.
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