L’actualité est certes dominée ces jours-ci par l’élection présidentielle américaine, dont je me garderai bien de sous-estimer l’importance. Mais je préfère surseoir un peu à tout commentaire, n’ayant guère à ajouter au déferlement des médias. Mon attention a été attirée par un événement dont le retentissement a été relativement faible, ne serait-ce qu’en raison des conditions où il s’est déroulé. L’assemblée d’automne de la Conférence des évêques de France se tient habituellement à Lourdes, mais le confinement a imposé le moyen des visio-conférences pour que nos pasteurs puissent délibérer sur le programme prévu. Dans son discours de conclusion, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu donner une idée de la richesse des échanges. Mais un point particulier m’a retenu à cause de son importance théologique et de son insertion dans un des plus graves défi d’aujourd’hui. En effet, le terrorisme islamiste s’est réclamé de dessins considérés par les musulmans comme blasphématoires pour exercer ses récents attentats. Or, cette notion de blasphème n’est pas inconnue de notre propre tradition chrétienne.
Même s’il n’est plus justiciable d’une sanction pénale, le blasphème nous interroge quant à sa gravité. Et le président de notre épiscopat a tenu à apporter quelques éléments de réflexion qu’il serait dommage de ne pas retenir à son propos. Loin d’en atténuer la gravité, il a, au contraire, souligné qu’il est un blasphème non pardonnable, c’est celui dont le Christ a parlé en désignant le péché contre l’Esprit. L’interprétation de cette formule de l’Évangile est délicate, mais on peut tenter une élucidation. User du nom de Dieu pour justifier l’assassinat du prochain, c’est participer du péché contre l’Esprit, même si le criminel est fixé dans une conscience faussée. Mais c’est moi qui résume ainsi la question. Quant à la dérision et à la moquerie, elles ne doivent pas nous déstabiliser mais nous inciter à approfondir l’exemple du Christ qui n’a pas craint d’être bafoué. Il y a aussi l’usage du pouvoir spirituel à des fins perverses, voire criminelles. Ainsi que le refus de reconnaître sa propre culpabilité. Voilà de quoi méditer sereinement au milieu de nos tumultes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 novembre 2020.