Les ligues de vertu, brocardées hier pour leur moralisme désuet, n’ont pas disparu. Elles se sont reconverties en faveur des causes humanitaires ou écologiques d’aujourd’hui, dont beaucoup sont sans doute louables et quelques-unes contestables de par leur tournure idéologique. La dernière en date de ce type d’entreprise vertueuse semble concerner « la lutte contre les préjugés ». Elle vient de donner lieu à des Assises réunies dans la prestigieuse école des Sciences Politiques de Paris, avec la participation d’une quarantaine d’associations qui se sont émues de la montée de la stigmatisation de certaines catégories de population. Quelle appréciation un Philippe Muray aurait-il donné d’un phénomène qui n’aurait pas manqué de provoquer sa verve décapante ? On peut se le demander en écoutant Fabrice Luchini interpréter cette saison quelques-uns des textes de l’écrivain sainement et intelligemment provocateur.
Car il est parfois utile de recourir à l’humour d’un Molière pour débusquer la mauvaise foi et les tartufferies du monde contemporain. La chasse aux préjugés fait partie de ces habitus psychologiques d’autant mieux considérés qu’ils servent à masquer d’autres préjugés infiniment plus prégnants et d’autant moins avoués qu’ils sont intégrés dans des mentalités branchées et les réflexes les plus quotidiens des médias. Les préjugés antichrétiens, et notamment anticatholiques, s’affichent de la façon la plus catégorique, sans que nos vertueux ne s’en émeuvent le moins du monde.
Ainsi, une campagne se lève en ce moment pour obliger les établissements catholiques à retirer les croix présentes dans les salles d’examen pour le baccalauréat. N’est-ce pas un sérieux préjugé que celui qui vise l’effacement d’un symbole s’identifiant à une tradition si présente dans notre pays et magnifié par toutes les formes de notre art ? Les vertueux ne pourraient-ils pas mettre au programme de leurs prochaines assises l’étude de cette forme particulière de préjugé ?