À première vue, on pourrait penser aujourd’hui que plus personne ne parle de péché. De fait, à notre époque, beaucoup de choses qui furent interdites sont permises. Rien que ce que quelqu’un devrait faire pour commettre ce que l’on appelait naguère un « péché » – matière grave, plein consentement – est aujourd’hui difficile à cerner. Un citoyen est susceptible de se retrouver en prison s’il suggère que l’adultère ou la sodomie seraient de possibles « péchés » plutôt que des « droits ».
En revanche, une catégorie de péchés plus récente est florissante. Elle est liée à la vieille idée de « culpabilité de groupe ». On a maintenant les péchés en « -isme » et en « -phobie », les péchés d’ordre général par lesquels on peut juger (« Qui suis-je pour juger ? ») pécheurs des groupes entiers de personnes rien que par le fait d’être ce qu’ils sont.
Auparavant, nous avions les péchés « anti- », anti-sémitisme ou anti-catholicisme. Bien sûr, selon le côté où l’on se place, certains des péchés « anti- » étaient considérés comme des vertus : anti-facisme, anti-nazisme, anti-communisme.
Cependant, ces nouveaux péchés n’ont jamais été mentionnés, non sans raison, dans les dix commandements.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/09/12/on-the-ism-sins/
On peut apparemment contracter ces vices nouveaux et terribles – racisme, sexisme, homophobie, islamophobie -, sans avoir jamais commis de réel péché dans l’ancienne acception du terme.
Initialement, les péchés avaient à voir avec des personnes agissantes, pas avec des idées ou des catégories. Pour constituer la matière suffisante, un individu identifiable devait agir spécifiquement contre son propre bien ou celui d’une autre personne identifiable. Les péchés en pensée existaient dans le sens de vouloir dans son cœur du mal aux autres, même si aucun acte n’était jamais réalisé.
Les péchés nouveaux sont plus vagues. La culpabilité n’est pas la conséquence d’une connaissance ou d’un choix d’une personne en particulier. La nouvelle « culpabilité » d’un individu ne lui incombe qu’en tant que membre d’une classe ou d’une collectivité. Si quelqu’un commettait le péché de « racisme », qu’aurait-il fait pour en mériter la responsabilité ?
En fait, quelqu’un pourrait venir en aide à des membres de toutes races et sexes, et être néanmoins accusé de « racisme » et de « sexisme » parce qu’il ne serait pas d’accord avec la manière dont de tels « crimes » sont politiquement ou idéologiquement définis. Suis-je vraiment coupable de sexisme si je maintiens que le mariage est nécessairement et toujours entre un homme et une femme ? À l’évidence, beaucoup le pensent.
Le fait que différentes « races » existent de par le monde n’est pas une chose peccamineuse. Personne n’est bon ou mauvais simplement du fait de sa couleur, de sa nationalité ou de son sexe. N’importe qui de n’importe quelle couleur, nation ou sexe, peut être vertueux ou vicieux. Cela ne dépend pas de son apparence mais de ce qu’il fait effectivement et pourquoi.
La liberté fondamentale qui nous est donnée par la raison et les commandements est que nous ne constituions pas en péchés ce qui n’est pas péché. À l’examen, les quelques choses que nous devons ne pas faire rendent possibles les millions de choses que nous sommes libres de faire.
Ce n’est pas seulement de ceux qui nient le péché au sens classique que nous devons être protégés. Nous devons également être protégés de ceux qui érigent en péchés ce qui n’est pas péché. Ces derniers peuvent, de fait, être les plus dangereux, comparés aux badinages personnels des libertins.
Le mot « diversité » pourrait couvrir cette situation, mais la diversité est elle-même devenue une abstraction vis-à-vis des critères moraux normaux. Cela signifie à présent que chaque occupation, chaque groupe, chaque catégorie doit comprendre des quotas de chaque groupe différent politiquement reconnu.
Je me souviens d’une controverse à l’université sur la question de savoir si un club destiné à loger des Philippins devait ou non être ouvert à tout le monde. Cette manière de voir signifie en pratique que rien d’unique, d’exclusif ou de différent ne peut exister. Avec une telle attitude, on nie implicitement la signification même d’un bien commun qui a été aussi conçu pour favoriser et protéger les biens différents d’entités particulières sont la diversité constitue la vie publique.
En 1886, le savant prêtre espagnol Don Felix Sarda y Solvary a publié un livre intitulé Le libéralisme est un péché. Encore une fois, le « libéralisme », une idée, ne peut être un péché. Des libéraux peuvent violer l’un des commandements, mais le libéralisme lui-même est un long ensemble controversé d’idées souvent douteuses. Elles peuvent ou non être défendues. Ce n’est un « péché » pour personne que d’avoir une idée fausse, sauf à savoir qu’elle l’est. Le remède est la pensée juste, pas la contrition.
Il est assez vrai que certaines idées peuvent influencer les lois et la culture et rendre le péché, au sens ancien, plus facile pour beaucoup. La controverse privée et publique est faite pour établir ou pour rejeter la véritable signification des idées. Sans une arène où examiner la vérité des choses, plus rien n’a d’attrait que le pouvoir.
« Les péchés en –isme » cherchent à « purifier » en identifiant comme mauvais ce qui appartient à des catégories d’idées inacceptables, et pas celles d’actes d’individualités qui sont personnellement responsables de leurs actions. « Les péchés en –isme » sapent tout ordre public en bouleversant les fondements par lesquels on peut identifier le péché.
Tableau : Le Christ et le pécheur par Henryk Siemiradzki, 1875 [Musée d’État de Russie, St. Pétersbourg]
James V. Schall, S.J., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses récents ouvrages figurent The Mind That Is Catholic (« L’esprit qui est catholique »), The Modern Age (« l’Âge moderne »), Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading (Philosophie politique et révélation : une lecture catholique »), Reasonable Pleasures (« Plaisirs raisonnables »), Docilitas: On Teaching and Being Taught (« Docilité : sur le fait d’enseigner et d’être enseigné ») et Catholicism and Intelligence « Catholicisme et Intelligence).
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Réflexion sur « Amoris Laetitia »
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux