Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty diffusée sur RCF Saône & Loire le 13/02/2010
Ce mois-ci paraît la traduction française du deuxième tome des Mémoires du théologien Hans Küng. Cet ouvrage couvre une période cruciale dans l’histoire de l’Eglise catholique, celle qui va de la fin du Concile Vatican II au début du pontificat de Jean-Paul II. Il représente un témoignage de premier plan sur l’histoire de l’Eglise post-conciliaire, et permet, entre autre, de comparer le parcours de son auteur avec celui de Joseph Ratzinger, le pape actuel. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Témoignage Chrétien, il déclare ceci : « Je suis un témoin privilégié de l’histoire de la théologie catholique et œcuménique du XXe siècle. J’ai participé à beaucoup de choses, au dernier concile, bien sûr, mais pas seulement. Par exemple, la mise en parallèle de ma carrière avec celle de Joseph Ratzinger, qui est de la même génération que moi et qui a été mon collègue à l’université de Tübingen, est sans aucun doute instructive pour qui cherche à comprendre l’évolution récente de l’Eglise catholique » (2)
Ses positions critiques, notamment sur le dogme de l’infaillibilité, conduisent les autorités romaines à lui retirer sa mission canonique d’enseignement en 1979. L’université d’Etat de Tübingen crée alors une nouvelle chaire de théologie œcuménique pour lui permettre de continuer à enseigner. Malgré ce conflit, Hans Küng a toujours refusé de s’enfermer dans l’image médiatique du théologien contestataire pourfendeur du Vatican : « Je n’ai rien d’un contestataire, écrit-il, et je n’ai jamais cherché la confrontation. Ce n’est pas dans mon tempérament. (…) À l’époque du pape Jean XXIII, je faisais partie d’un mouvement de renouveau théologique qui incarnait les aspirations d’une majorité des théologiens et des responsables d’Eglise, y compris Joseph Ratzinger. Je me suis contenté de poursuivre ma vie et mes travaux de manière conséquente avec ces aspirations. (…) Je ne suis quant à moi qu’un théologien catholique ordinaire qui a fait son boulot, en dépit d’un appareil romain objectivement réactionnaire dans son fonctionnement. Je n’apparais comme contestataire aux yeux de cet appareil que parce que je n’ai jamais voulu écrire ou dire quelque chose que je ne croyais pas » (3).
Mais l’œuvre de Hans Küng ne se limite pas à la nostalgie d’un ancien combattant de Vatican II. Cet homme croit que l’Esprit est à l’oeuvre à travers l’humanité. C’est pourquoi, en 1990, il lance un Projet d’éthique planétaire pour inviter les religions à donner l’exemple d’une paix mondiale.: « Comme théologien œcuménique, bien qu’enraciné dans ma propre Eglise, je me sens responsable à l’égard de toutes les Eglises et toutes les religions – responsable d’unité des Eglises et de la paix entre les religions. (…) Le temps est mûr pour un appel pressant : aujourd’hui, une responsabilité toute particulière incombe aux religions du monde quant à la paix du globe. Et la crédibilité de toutes les religions, y compris les plus minoritaires, dépendra de ce qu’à l’avenir elles mettront l’accent plus sur ce qui les unit que sur ce qui les sépare. L’humanité pourra en effet de moins en moins accepter de laisser les religions attiser les guerres au lieu de bâtir la paix, sombrer dans le fanatisme au lieu d’œuvrer à la réconciliation, se prévaloir de leur supériorité au lieu d’ouvrir le dialogue » (4).
On ne saurait trop souligner l’urgence et l’importance d’un tel projet.
(1)Hans KÜNG : Une vérité contestée. Mémoires II 1968-1980. Éditions du Cerf 2010
(2)Hans KÜNG : Une autre mémoire de l’Eglise. Entretien avec Jérôme Anciberro. Témoignage Chrétien, 11 février 2010, pages 19-24
(3)Id. Page 20
(4)Hans KÜNG : Projet d’éthique planétaire. La paix mondiale par la paix entre les religions. Éditions du Seuil 1991, page11