Nous y sommes habitués depuis un certain temps. Chaque manifestation de quelque importance est désormais menacée de débordements. Débordements qui ne sont pas le fait des organisateurs le plus souvent furieux d’être dépossédés de la maîtrise du mouvement, mais de groupes, de groupuscules plus ou moins informels, qui ne veulent que faire de la casse et affronter les forces de l’ordre. Cela s’est passé notamment pour les Gilets jaunes, avec une ampleur de véritables émeutes, faisant craindre pour la sécurité même du palais présidentiel. Le phénomène s’est développé depuis une vingtaine d’années, en raffinant se méthodes, pourrait-on dire. C’est la veille qu’on prépare les actions dures, en dissimulant des armes derrière les portes cochères et en prévoyant des possibilité de repli pour se changer et se fondre dans l’anonymat.
On se pose des questions à propos de ceux qu’on appelle souvent les black blocs. La police les a-t-elle identifiés ? Si oui, pourquoi ne sont-il pas repérés dès le départ et empêchés de nuire ? Samedi dernier, il semble que la police est parvenue à endiguer les manœuvres de débordement. Mais les manifestants étaient beaucoup moins nombreux et les forces de l’ordre disposaient d’une supériorité inhabituelle. Il ne convient pas de se faire trop d’illusion. Le phénomène n’est pas près de disparaître. On pourrait même dire qu’il est structurel pour une société, dont les frustrations sont manifestes et où les idéologies utopistes réapparaissent régulièrement. Christophe Bourseiller vient d’en retracer l’histoire déjà ancienne1, en désignant ses héritiers actuels : zadistes, black blocs, situationnistes, néo-anarchistes, communistes libertaires… Cette actualité me rappelle beaucoup de souvenirs mais nous interroge surtout sur le continuel malaise d’une civilisation.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 15 décembre 2020.