Le Wall Street Journal contenait la semaine dernière une brève colonne d’un avocat de Charlotte, Mike Kerrigan à propos de la façon dont sa maman, catholique irlandaise lui conseillait, chaque fois qu’il était déçu : « Tu n’as qu’à l’offrir ». Les éditeurs du journal avaient mis comme titre à l’article : « La leçon de christianisme de maman ». Mais le fait que ce texte ait pu simplement être publié et (si mon expérience peut le moins du monde servir de base à un jugement) ait été largement partagé, montre que c’était un fait parlant.
« Autrefois, il y avait une sorte de dévotion – peut-être moins pratiquée de nos jours mais encore largement répandue il y a peu – qui comportait l’idée qu’il fallait “offrir” le petites contrariétés de tous les jours qui nous arrivent continuellement comme d’irritantes piqûres d’insectes, et de ce fait, leur donner un sens… Ainsi, même les petits inconvénients de la vie quotidienne pouvaient acquérir un sens et contribuer à l’économie du bien et de l’amour humain. Peut-être devrions-nous nous demander s’il ne serait pas judicieux de faire revivre cette pratique nous-mêmes.
Voici ce que le pape Benoit XVI enseignait dans son encyclique Spe salvi.
Saint Thomas d’Aquin dans son Traité du « Sacrifice » dans la Somme, donne une explication de la raison pour laquelle cette pratique demeure attrayante même si – à l’époque actuelle et à proprement parler – elle a été abandonnée.
Offrir un sacrifice à Dieu, dit-il relève de la loi naturelle :
La raison naturelle dit à l’homme qu’il est soumis à un être supérieur, en vertu des défauts qu’il perçoit en lui-même, et pour lesquels il a besoin d’être aidé et guidé par quelqu’un au-dessus de lui : et quel que soit cet être supérieur, tous lui reconnaissent le nom de Dieu. En fait comme cela se produit partout dans la nature, l’inférieur est naturellement soumis au supérieur. Aussi est-ce un précepte de la raison naturelle, en accord avec son inclination naturelle, que l’homme tende à offrir soumission et honneur, selon le mode utilisé, à ce qui est au-dessus de lui. Alors, le mode d’action qui sied à l’homme est d’employer des signes sensibles pour signifier quelque chose, car il tire son savoir de ce qui est sensible. Aussi est-ce un précepte de la raison naturelle que l’homme utilise certaines choses sensibles en les offrant à Dieu en signe de la soumission et de l’honneur qui lui sont dus, comme ceux qui font certaines offrandes à leur seigneur en reconnaissance de son autorité. C’est ce que nous voulons dire par sacrifice, et en conséquence, l’offrande d’un sacrifice est conforme à la loi naturelle.
(Note : Les catholiques avisés pourraient établir une théorie de la loi naturelle à condition qu’elle puisse bien rendre compte, comme ceci, d’une obligation générale et première d’offrir un sacrifice à Dieu. Que la soi-disant « nouvelle loi naturelle » puisse le faire, par exemple, est extrêmement douteux.)
Tous, nous sentons cette attraction. Nous sentons implicitement que nos vies devraient être caractérisées par le sacrifice, et qu’il leur manque quelque chose si elles ne le sont pas. En effet, Newman en fait un argument en faveur du catholicisme, au-dessus et contre le protestantisme ; au cours du sacrifice de la messe, l’Église réalise le mieux l’impulsion religieuse qui a préexisté dans le paganisme depuis longtemps. « Dans tous les sacrifices, il était spécialement préconisé que l’offrande soit quelque chose de rare, et sans défaut ; et de la même manière dans toutes les expiations et toutes les satisfactions, non seulement l’innocent était pris pour le coupable, mais c’était un point d’une importance capitale que la victime soit sans tache. Et plus il était manifeste qu’elle était sans tache, plus le sacrifice était efficace. »
Citant le grand psaume de la pénitence, « Un sacrifice à Dieu est un esprit brisé » (51 : 19) Saint Thomas d’Aquin dit que les sacrifices visibles sont censés être le signe d’un sacrifice plus intérieur. C’est ce qu’il appelle «la révérence » ou « l’offrande à Dieu d’un esprit fervent ». Les sacrifices visibles, au sens strict du terme, consistent à renoncer ou à détruire (pour soi) quelque chose de valeur. Dans notre culture, cela signifie rendre un culte. Ce sont des actes, dit Thomas d’Aquin, qui n’auraient pas de valeur et ne seraient pas exécutés sauf pour honorer et faire acte de soumission à Dieu : pensez aux sacrifices d’animaux.
Mais les divers actes vertueux que l’on doit pratiquer pourraient en tous cas compter dans un sens extensif comme sacrifices s’ils sont faits dans le but ultime de glorifier Dieu. C’est là qu’on pourrait dire « offre le ». C’est une exhortation à montrer du courage de la fermeté, de l’équanimité, de la patience ou de l’humilité, mais envers Dieu, dans une attitude signifiant que nous sommes venus de Lui, que nous retournons à Lui, et ne sommes pas nos propres personnes.
Les vertus qui comprennent l’usage du corps montrent particulièrement le « culte spirituel que nous avons à rendre » comme l’a enseigné Saint Paul (Romains XII 1), et comme les apôtres l’ont recommandé aux nouveaux convertis en insistant : « qu’ils s’abstiennent de la fornication » (Actes XV 29)
Si la loi naturelle du sacrifice est universelle, se montre-t-elle inéluctablement, même dans la mesure où les gens se séparent de Dieu ?
Je pencherais pour dire « oui et non ». Commençons par « non ». Quand Bill et Melinda Gates ont annoncé leur divorce la semaine dernière, ils se sont exprimés ainsi : « Après avoir mûrement réfléchi, et travaillé sur notre relation, nous avons pris la décision de mettre fin à notre mariage. »
Un chrétien pourrait lire ceci et penser, « si vous étiez vraiment mariés, Dieu vous a unis et donc, vous ne pouvez pas décider d’y mettre fin de votre propre chef ». Un simple païen polythéiste en entendant ceci aurait pu penser : « qu’est-ce que ton Dieu peut avoir à en dire ? »
Il est sûr que la notion que nous sommes tous au service d’un Dieu supérieur par notre corps semble être perdue quand Dieu est perdu.
Mais le « oui » nait du souci que, quand une société détrône le vrai Dieu, elle le remplace par une quantité de dieux – tels que : notre moi autonome, chacun revendiquant l’autorité de définir le mystère de l’univers.
C’est pourquoi je me préoccupe de savoir si la destruction des innocents autour de nous, particulièrement dans leurs corps – séduction, corruption, avortement, mutilation – vient, non pas d’une nécessité présumée, d’une mauvaise jurisprudence, d’une simple injustice sociale ou même d’une fausse idée de la liberté, mais plutôt d’un service ténébreux envers des faux dieux qui réclament des victimes et du sang.
Pour aller plus loin :
- Michael M. Uhlman, gentleman catholique accompli
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- À PROPOS DE « DIEU ET LA SCIENCE » : ÉLOGE DES LECTEURS