Nous connaissons les choses. Nous leur donnons des noms. Nous nous interrogeons à leur propos : « Pourquoi ? ». Cette interrogation révèle beaucoup sur ce que nous sommes. Nous sommes les êtres qui, dans l’univers, s’interrogent sur le pourquoi des choses : pourquoi sont-elles plutôt que de ne pas être. Pourquoi est-ce ainsi et pas autrement ? Nous ne pouvons pas nous en empêcher. Même si nous avons une vision déterministe de l’univers, nous continuons de chercher pourquoi les choses sont déterminées selon la manière dont elles apparaissent.
Notre connaissance d’une chose n’est complète que lorsque nous savons son « pourquoi ». Le quoi de cette chose nous amène à étudier son pourquoi. Si l’on croise une tondeuse à gazon dans une contrée sans herbe, nous ne saurons pas pourquoi l’engin a été réalisé tel qu’il l’est. Nous ne pouvons pas nous en empêcher. Nous voulons savoir ce que sont les choses. Nous pensons aussi qu’il nous faut savoir pourquoi les choses sont. Nous devons nous efforcer de les connaître. Nous sommes sans repos jusqu’à ce que nous sachions pourquoi elles sont comme elles sont.
Nous pouvons découvrir le « pourquoi » de beaucoup de choses. Nous savons pourquoi le soleil se lève le matin. En fait, nous savons qu’il ne se « lève » pas. La Terre, notre maison-mère, tourne autour du soleil ; une fois que nous connaissons son orbite, nous voulons savoir ce qu’est ce soleil, puis « pourquoi » il est.
Nous nous regardons. « Pourquoi est-ce que j’existe ? » Cette question nous rend perplexes. Nous savons que nous existons. En fait, nous semblons exister pour que quelqu’un dans l’univers puisse se demander pourquoi toutes les entités individuelles qui en font partie, existent. Pourquoi n’y a-t-il pas rien ? Est-il même possible qu’il n’y ait rien ?
La question du « pourquoi » est appelée la cause finale. Elle recherche la raison pour laquelle l’agent qui produit ou change quelque chose fait ce qu’il fait. La cause finale est la première dans l’intention et la dernière dans l’exécution. Tout ce qui existe ou qui se transforme prend son origine dans la pensée d’un être, humain ou divin.
« La recherche du sens par l’homme » est le titre d’un livre beaucoup lu de Viktor Franki en 1946. Les vies sans signification n’ont pas d’objet transcendant. Leur décès ne fait pas de différence.
Paul disait aux Galates (1, 15) qu’il avait été « mis à part dès le sein de [ma] mère ». Il n’est donc pas exagéré de penser que chacun de nous mène une vie « mise à part ». Que nous ayons respecté ce dessein particulier dans chacune de nos vies sera évidemment le contexte de tout jugement final de nos vies personnelles, de la manière dont les avons vécues.
Nous sommes des êtres qui peuvent poser la question du « pourquoi ? ». Nous sommes également des êtres qui peuvent saisir des réponses à ces questions du pourquoi. Nous n’existons pas seulement pour rechercher du savoir. Nous existons pour connaître des choses, y compris les causes des choses. Bien sûr, connaître les causes des choses est ce que nous voulons dire par les connaître.
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Robert Royal remarquait (TCT, 9 oct. 2018) l’affaiblissement de l’intelligence dans les rapports de l’Église avec les jeunes. Il y a longtemps, Platon alertait à propos des pères qui imitent leurs enfants. Cette imitation est le signe que les pères ne se considèrent plus comme devant enseigner quelque chose à leurs enfants.
Entre-temps, une des choses remarquables sur la culture chrétienne récente est la croissance de l’école à la maison, de programmes classiques comme les écoles G.K. Chesterton, l’Académie Cana, les Écoles Chrétiennes Classiques, les initiatives d’écoles en ligne chez Ignatius Press, le Centre Thomas, et ceux de Peter Redpath et Sean Steel.
Tout le monde connaît l’expérience des parents de petits enfants qui les harcèlent sans cesse avec les « pourquoi ? ». Nouvellement arrivés en ce monde, ils veulent savoir ce qui s’y passe. L’admonestation du Christ à Ses disciples de laisser les petits enfants venir à Lui pourrait bien avoir quelque chose à voir avec le fait de répondre à leurs « pourquoi ».
La scène dans laquelle Il enseigne aux anciens dans le Temple suggère qu’il fut un garçon intellectuellement actif dans l’atelier de Nazareth. Il semble avoir surtout bénéficié de « l’école à la maison ».
Leon Klass, dans ses livres The Hungry Soul (« L’âme affamée ») et Leading a Worthy Life (« Mener une vie de valeur »), attire soigneusement l’attention sur la façon dont nos corps sont configurés. A l’évidence, si nous demandons pourquoi nous sommes faits de la manière dont nous le sommes, la réponse semble être « pour que nous puissions savoir ».
Pourquoi sommes-nous debout, pourquoi avons-nous deux yeux, pourquoi entendons-nous comme nous le faisons, les réponses semblent être à nouveau « pour que nous puissions savoir ». Nous sommes nés avec des esprits qui ne savent rien au début. Mais petit à petit, nous mettons en œuvre cette capacité de savoir, par nos sens qui nous révèlent le monde extérieur.
En bref, nous existons pour pouvoir connaître ce qui est vrai sur ce qui est en dehors de nous. Et sachant cela, nous apprenons la vérité sur nous-mêmes. Le « pourquoi » de notre existence individuelle est au bout du compte de connaître la cause finale de notre existence. Nous sommes faits à l’image du Verbe qu’est Dieu, rien de moins.
*Illustration : Le recouvrement de Jésus au Temple par J.J. Tissot, v. 1890 [Brooklyn Museum]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/23/on-why/
James V. Schall, S.J., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses récents ouvrages figurent The Mind That Is Catholic (« L’esprit qui est catholique »), The Modern Age (« l’Âge moderne »), Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading (Philosophie politique et révélation : une lecture catholique »), Reasonable Pleasures (« Plaisirs raisonnables »), Docilitas: On Teaching and Being Taught (« Docilité : sur le fait d’enseigner et d’être enseigné »), Catholicism and Intelligence « Catholicisme et Intelligence) et, dernièrement, On Islam: A Chronological Record, 2002-2018 (« A propos de l’islam : registre chronologique, 2002-2018 »).