Il est très rarement agréable d’avoir à se corriger, mais je suis particulièrement heureux de le faire aujourd’hui, surtout parce que mon erreur a été de sous-estimer le travail du Saint-Esprit et même du synode des évêques. J’ai été un petit peu plus optimiste que pas mal d’observateurs ici à Rome ces dernières semaines (vous l’avez peut-être remarqué) et des lecteurs m’ont accusé de criminelle naïveté pour m’être enivré de sirop synodal. Mais bien que n’ayant pas encore vu personnellement une copie du Rapport Final du synode, ceux qui en ont une et à qui je fais confiance sont, en deux mots, joliment contents. Donc mon jugement selon lequel le mieux que nous pouvions espérer était de limiter les dégâts se trouve vraiment un peu trop pessimiste.
Nous devons attendre pour voir ce qui en sera du texte final. Et je rappelle à mes honorables lecteurs que pour le moment nous considérons seulement la question très limitée d’un document qui va découler de l’ensemble de ce processus synodal. Un développement bien plus ennuyeux est que, bien que nous allions bientôt voir qu’il n’y a rien dans ce texte qui contredise catégoriquement les vérités de la foi, comme il a été craint un moment, ce processus synodal a mis sur rail une saga selon laquelle, sous l’égide du pape François, l’Église Catholique s’engage dans un réexamen des questions fondamentales sur le mariage et la famille. A court terme, cela pourrait être plus dommageable pour le catholicisme que n’importe quel problème particulier ayant surgi.
Le cardinal belge Lucas Van Looys, par exemple, a déclaré à la conférence de presse de vendredi que l’annonce du pape François d’une « Église synodale » signifiait la fin d’une Église qui juge les gens, les débuts d’une Église qui montre de la tendresse envers chacun, une nouvelle Église. Le problème dans un synode tel que celui-ci, c’est que vous ne pouvez jamais dire si des personnes telles que Van Looys – et parfois même le pape lui-même – parlent familièrement ou si elles déclarent quelque chose d’important. Le « nouveau » accolé ici à l’Église, par exemple, est-il une expression familière pour signifier un nouvel esprit, des instances renouvelées, mettant l’accent sur différentes choses – ou nouveau comme la rupture d’avec 2000 ans de tradition ?
Il est possible que François et certains des pères synodaux veuillent cette dernière option et ils peuvent continuer à poursuivre ce but. Mais ce ne sera pas sur la base du document qui sera bientôt donné par le synode.
Voici un bref résumé de la façon dont le document est réalisé ce matin : pas de proposition Kasper, pas de sensibilisation aux homosexuels, certains passages sur la communion et sur les conférences d’évêques qui nécessitent encore un approfondissement ou une reformulation. Et il y a encore à venir deux tours de commentaires. Hier matin (vendredi), ils faisaient des présentations orales ( et soumettaient des suggestions écrites) sur ce qu’ils voulaient ajouter, retrancher ou modifier dans le texte qui leur avait été remis. Le comité de rédaction a reçu ces suggestions et va présenter aux pères synodaux une rédaction finale qu’ils devront ce soir accepter ou refuser par vote, paragraphe par paragraphe. Quelque chose pourrait encore tourner de travers, mais à la fin de cette journée, malgré les déclarations contraires des médias, nous pourrions finir avec un texte étonnamment bon.
Bien plus surprenant encore, ceux que je connais qui ont lu le rapport disent tous qu’il est par endroits vraiment beau, avec de nombreuses citations des Écritures (quelque chose qui manquait gravement dans l’original), et des passages d’une ferveur évangélique. Beaucoup de la sociologie et de l’anthropologie maladroites a été remanié. J’emprunte une phrase d’une intervention datant de plusieurs jours de l’archevêque Chaput : « l’Eglise mérite mieux », et j’ajoute que si on continue dans ce sens, comme le font d’autres comme lui, Deo volente (NDT : locution latine = Dieu le voulant), nous pourrions y arriver. Il y a eu de nombreux moments de doute en cours de route, mais il semble maintenant que l’Église va obtenir quelque chose de plus digne de ce qu’elle mérite.
Il reste cependant toujours des conséquences fâcheuses de toute cette procédure. Beaucoup de catholiques fervents ont été contrariés par ce qui menaçait d’être un effondrement dans la doctrine et la pratique catholiques tel que nous n’en avions plus vu depuis Vatican II. J’ai toujours pensé – et dit – que ces craintes étaient un peu surévaluées. Mais des craintes de cette amplitude ont fait que certains se méfient de ce que disent les évêques, et même de ce que dit le Saint-Père lui-même. Cette perte de confiance ne sera pas aisée à effacer dans la période post-synodale.
Comme l’a déclaré le cardinal Reinhold Marx dans une conférence de presse en début de semaine, le travail du synode ne s’achève pas quand le synode se clôture. Il se peut que, sachant que les votes et la rédaction iront dans un sens contraire aux attentes des Allemands, le cardinal Marx soutenait la possibilité que le Saint-Père ait un geste « prophétique » ou nettement miséricordieux durant l’Année de la Miséricorde. Cela pourrait toujours arriver, mais c’est difficile d’imaginer qu’après qu’il ait exprimé une ferme adhésion à la doctrine et à la pratique catholiques traditionnelles, le Saint-Père agisse de façon à créer des divisions.
Un autre signe de la force de l’engagement envers l’enseignement traditionnel au sein du synode : les votes des membres du concile du synode, qui guideront les futurs synodes, suivent la répartition que beaucoup considèrent exister au sein de l’assemblée générale du synode : environ les deux tiers des élus, venus des cinq continents, sont des partisans évidents de la doctrine et de la pratique pastorale traditionnelles. Le pape nomme les membres de ce concile. Nous rapporterons ici sa composition quand elle aura été rendue publique et que nous serons autorisés à parler des votes.
Il vaut la peine de mentionner que certains des membres de la presse progressiste étaient déjà en train de demander hier si le désir d’arriver à un document de compromis que tout le monde trouverait acceptable n’avait pas conduit à un affaiblissement dans l’expression de certaines positions. Telle personne avait explicitement mentionné le « for intérieur », un des moyens alternatifs que certains groupes prônant le changement de la pratique pastorale sur la communion aux divorcés remariés croyaient possible sans un changement formel voté par les pères synodaux. Le père Federico Lombardi, directeur de l’office de presse du Vatican a assuré que le Rapport Final parlerait seulement en terme plus généraux de la conscience et de la loi morale.
Vous vous rappelez peut-être que l’archevêque Blase Cupich de Chicago a créé un vif émoi lors d’une conférence de presse privée cette semaine, alors qu’il semblait dire qu’il fallait suivre la conscience même quand elle arrivait à des conclusions divergentes de la loi divine. D’après ce que l’on entend, les paragraphes importants sur la conscience vont clarifier cette impression trompeuse.
Et le cardinal Peter Tuckson a soutenu hier que voir les compromis dans le texte comme un affaiblissement de la doctrine était une incompréhension de la « synodalité » – qui permet que nous ne soyons pas entièrement d’accord, mais que nous décidions de respecter chacun les différences de l’autre dans ce que nous approuvons.
Les remarques tant de Lombardi que de Turkson reflètent l’ampleur que l’élan a pris dans la direction de la tradition. Quand avez-vous entendu pour la dernière fois un libéral faire objection au dialogue parce que le résultat final était essentiellement conservateur ?
Donc, de bonnes nouvelles pour le moment, et nous ferons une pause dimanche afin de vous donner lundi une conclusion basée sur le texte définitif. Mais peut-être qu’un des signes les plus forts de tous ceux que vous pourriez voir ces prochains jours sera celui-ci : plusieurs père synodaux vont proposer aujourd’hui que le Rapport Final débute et s’achève avec les mots « Jésus-Christ ». Si cela apparaît dans le texte définitif, nous aurons vraiment une remarquable réussite.
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